- Serie a
- J26
- Atalanta-Sassuolo (4-1)
On était à Bergame pour le match de reprise de l’Atalanta
Plus de trois mois après son dernier match en compétition, l’Atalanta a retrouvé le chemin des terrains. Face à Sassuolo, en match en retard de la 25e journée de Serie A, la bande à Gasperini a renoué avec la victoire. Et repris goût à la vie.
Les doigts s’entrecroisent, les avant-bras se redressent, et le visage disparaît sous la paume des mains. Les gestes barrière semblent déjà loin. Même à Bergame. « Le moment est au relâchement, confesse Marco. Mais après avoir vécu cette période, on a besoin de respirer, de se décontracter. » Le retour de la Serie A rime avec Atalanta. Cent douze jours après son dernier match de championnat, interrompu par le Covid-19, le club de Bergame reprend sa marche en avant. La Dea accueille Sassuolo dans un Stadio Atleti Azzurri d’Italia à huis clos. Maillot noir et bleu floqué Gómez, numéro 10 et capitaine emblématique de l’Atalanta, Marco a pris place dans les tribunes d’un soir : l’arrière cour d’un bar-tabac aménagée pour l’occasion.
Banderoles, écharpes et drapeaux nerazzurri ornent les grillages d’une Curva improvisée. L’écran géant s’accompagne d’une enceinte diffusant les chants des Atalantini et l’ambiance du stade. Les nuages de fumée s’échappent du barbecue, les pintes et les panini à la salamella s’enchaînent. « Même si dans le nord de l’Italie on est plus réservés, on reste méditerranéens, reprend Marco. Ne pas pouvoir se toucher, se prendre dans les bras, c’est comme être amputés d’une partie de nous-mêmes. » Le jeune homme au physique fluet est entouré de ses meilleurs amis pour vivre cet instant que les Bergamasques attendaient depuis des semaines.
Épicentre, ultras et système-foot
On respecte une minute de silence en hommage aux victimes de l’épidémie – 34 634 en Italie, 16 470 en Lombardie. La région du nord a longtemps été l’épicentre européen d’une pandémie devenue mondiale, Bergame une ville martyre. « C’est une victoire de reprendre le football après toute cette souffrance », sourit humblement Roberto, venu en famille. Abonné au stade avec son fils Giacomo, véritable « bambino atalantino », le quadragénaire peine à cacher son émotion. « Le moment est important, il faut réussir à se divertir à nouveau. »
Tous ne partagent pas exactement le même sentiment, et les ultras de la Curva Nord ont longtemps protesté contre la reprise du championnat italien. Dans une lettre ouverte au président du club Antonio Percassi, ils demandaient de renoncer à la saison en cours avant d’afficher une banderole à l’extérieur de leur stade qualifiant la reprise de « décision absurde », affichant « la honte » d’un système-foot courant après l’argent. « Je les comprends, admet Roberto, mais le football est un vecteur de solidarité qui nous rassemble. Ici, on est soudés autour de deux choses : la valeur de l’effort, et le football. » À l’inverse de plusieurs stars du championnat italien ayant fait le choix de rentrer dans leurs pays, aucun joueur de l’Atalanta n’a quitté Bergame pendant le confinement. De quoi renforcer les liens entre le club et sa ville. Et Roberto d’appuyer : « La vie doit reprendre, le foot aussi. »
Nouveau festival offensif
Sur la pelouse, les premières banderilles sont lancées par Sassuolo, mais les hommes de Gasperini prennent rapidement le dessus et se détachent facilement. Djimsiti ouvre le score à la 16e minute, Zapata double la mise à la 31e, et Bourabia, contre son camp, alourdit la marque à la 37e. L’Atalanta mène 3-0 à la mi-temps. Marco s’improvise capo et lance la cinquantaine de supporters présents : « Duvaaaaan » « Zapata ! » Il est rejoint par le maître des lieux, « Minotti », venu s’époumoner dans le mégaphone. Crâne rasé, bedonnant, yeux rieurs. L’homme se fait un plaisir d’accueillir les supporters privés de stade. « Bon c’est vrai que ce soir on a un peu transgressé les règles sanitaires », tique Minotti. « Mais le sens de cette soirée, c’est de recommencer à se retrouver ensemble. On ne s’est pas vus pendant les trois mois de lockdown, on est nombreux à avoir perdu des êtres chers… Il y avait un vrai besoin de faire la fête. À partir d’aujourd’hui, on va reprendre une vie normale. Et riche de succès pour la Dea. »
Une épaisse fumée noir et bleu s’échappe dans la cour, célébrant le doublé de l’avant-centre colombien et quatrième but de l’Atalanta. Ce nouveau festival offensif porte la moyenne de l’équipe à 2,85 buts par match. Football total. La réduction du score de Sassuolo dans les arrêts de jeu semble anecdotique, l’expulsion de Gasperini un peu moins. Elle pourrait priver le coach du banc de touche contre la Lazio, dans le choc de la prochaine journée. « Ça va être la guerre », assure Marco, qui rêve d’une fin de saison en apothéose.
Quatrième de Serie A, l’Atalanta a toutes les chances de se qualifier pour une deuxième saison consécutive en Ligue des champions. Il s’agira, aussi, d’aller au bout de cette première aventure dans la compétition reine, dont la fin est programmée en août, à Lisbonne. La qualification historique pour les quarts de finale avait laissé un goût amer pour un peuple bergamasque plongé dans l’effroi de l’épidémie, alors que la rencontre face à Valence est considérée comme l’un des principaux foyers de contagion du virus. Le parcours onirique de l’Atalanta ne demande qu’à se poursuivre parmi les étoiles, et la Dea qu’à reprendre son envol.
Par Alexandros Kottis, à Bergame