- France – Coupe de France – 16e de finale – Avranches/Metz (0-3)
On était à Avranches/Metz
Ce mardi, Avranches, pensionnaire de National, recevait le FC Metz avec l'espoir de s'offrir un nouvel exploit en Coupe de France. Entre coupure de courant, public survolté et déception finale, les Bas-Normands ont vécu une soirée vraiment pas comme les autres.
Journée d’hiver dans la Manche. Les routes sont humides, et la brume guette. Pourtant, s’élevant dans le brouillard de la baie, le Mont-Saint-Michel est fidèle au poste et veille sur la culminante Avranches. En cette journée pas comme les autres, la cité sur sa colline va vivre le premier seizième de finale de Coupe de France de son histoire. Frisson. Et comme un ado qui pose pour la première fois ses doigts sur le volant d’une bagnole, la ville est fébrile. Sortant justement d’une leçon de conduite, son écharpe de l’US Avranches sous le menton, un lycéen prend la direction du stade René Fenouillère. « De toute ma vie, je n’ai jamais été aussi excité par un match de football » , nous confie-t-il. Après avoir fait valdinguer Lorient en début de mois (1-0), l’USA remet le couvert contre une Ligue 1, à savoir le FC Metz, et compte fermement poursuivre son rêve américain. « Metz, ils sont nuls, ose un supporter aux abords du stade. Ils n’y arrivent pas en Ligue 1, alors ils vont devoir faire l’impasse sur la Coupe et on va les sortir facilement. » Confiant.
Coincé entre la piscine municipale, quelques courts de tennis, un gymnase et une barre de HLM, le stade René Fenouillère s’apprête à vibrer de nouveau. « J’avais dit à mon fils de profiter du match contre Lorient, nous raconte Roger dans la file d’attente d’un des accès du stade. Parce qu’il ne reverrait peut-être plus jamais ça de sa vie à Avranches. Je me suis trompé, mais je lui ai redit la même chose pour Metz. » Présente pour la première fois parmi les trente-deux dernières formations en lice, la ville d’Avranches s’offre ainsi son moment d’effervescence, « quelque chose d’incroyable et d’inédit » comme l’explique l’une des bénévoles chargée de guider les automobilistes à travers les rues escarpées qui bordent le stade. Un peu nerveux, les agents chargés de faire entrer les gens dans le stade ne veulent commettre aucun impair ni le moindre faux pas, quitte à se montrer parfois un peu secs envers quelques supporters. « C’est une Ligue 1 que l’on reçoit, on a pour ordre de rester sérieux et appliqués » , nous déclare l’un d’entre eux, stoïque.
« Quarante-cinq minutes pour remettre le courant »
Rues bouchées, passants bouche bée : l’ambiance grimpe. Les Avranchinais se terrent et se massent dans l’antre aux 5000 places. Quelques chanceux peuvent s’octroyer le plaisir de contempler Malouda – star incontestée de l’événement – et ses partenaires depuis leur balcon. Il règne ainsi à Fenouillère un vrai parfum de Coupe de France, ce sentiment dicté par la conviction commune que le petit va bouffer le gros. Des gens que l’on croise et que l’on interroge, aucun n’imagine le FC Metz triompher du club de National. Mais alors que les deux capitaines s’adonnent au traditionnel toss, les projecteurs du stade se voilent à l’unisson, et la lumière décline tout à coup. Voilà la pelouse bercée d’obscurité et les joueurs de retour aux vestiaires. Un homme crispe la tribune principale en récitant le règlement : « Ils ont quarante-cinq minutes pour remettre le courant, sinon le match n’aura pas lieu, et c’est pas impossible qu’Avranches soit déclaré perdant. » Le speaker tente de rassurer l’assemblée, mais les minutes s’égrènent. Le propriétaire d’une Chrysler qui bloque l’intervention des électriciens est même prié de venir la déplacer de toute urgence… Inquiétude. C’est finalement – par chance – un employé d’EDF présent dans le stade qui sauve les meubles en dénichant la panne.
La lumière peut enfin luire sur le crâne d’Antony Gautier qui siffle le coup d’envoi avec quarante minutes de retard sur l’horaire initial. Les locaux donnent quelques coups de collier d’entrée de jeu, certainement pour se rassurer, ce qui ne manque pas de satisfaire le public. Mickael Barreto et Tony Théault offrent un premier beau mouvement au quart d’heure de jeu. « Tony ! Tony ! Tony ! » scande René Fenouillère à l’unisson. Élégant balle au pied, à l’aise techniquement et sur coups de pied arrêtés, Tony Théault est le chouchou du public. « Je veux le maillot de Théault à la fin, je vais descendre lui demander » , indique un gamin à son père. Metz est présent, domine, mais n’est dangereux que par séquences. Les hommes d’Albert Cartier cadrent d’ailleurs leur première frappe à la 42e minute seulement. Une tête mollassonne de Falcon. Au milieu de terrain, Maguette Diongue, buteur contre Lorient, est à l’aise techniquement. Alors qu’il réussit une belle roulette, un cri s’échappe des tribunes au cœur du silence : « Oh, le salaud ! » . La magie des stades champêtres.
Une fin de match cruelle
« On ne voit pas un grand Avranches par rapport au match de Lorient, ça me fait peur, mais Metz n’est pas très dangereux, alors on va plutôt y croire » , nous confie un supporter à la pause. La ola s’enclenche dès la reprise. Et si Avranches perd ? « On s’en fiche, c’est déjà un beau parcours » , nous répond un fan. « C’est vicieux les équipes de Ligue 1, ça donne des coups et ça se fait pas choper par l’arbitre, tiens regarde ! » s’exclame un autre alors que Vincent Créhin se casse les dents sur la charnière Milan-Palomino. Le stade croit bientôt vivre l’ouverture du score, quand Mickaël Barreto expédie un magnifique enroulé du droit dans le but messin. Le public explose, Johann Carrasso s’incline, mais le drapeau du juge de ligne se dresse. Rageant. Si un supporter regrette l’absence d’un écran géant dans le stade pour revoir l’action, d’autres, certainement peu habitués à voir des matchs, mettront de longues – voire de très longues – minutes à comprendre que le score est toujours de 0 à 0. Reste que les Bas-Normands poussent les Messins en prolongation. Une belle prouesse.
Une fine neige s’invite pour les trente minutes de rab. Les doigts se gèlent dans les tribunes, et les articulations grincent sur la pelouse. Après avoir résisté vaillamment, Avranches va s’effondrer. Guirane N’Daw débloque rapidement la situation sur corner. « Oh la vache ! » s’exclame un supporter dépité. Bouna Sarr tue le suspense en s’offrant un déboulé dantesque dans le couloir gauche avant de tromper Anthony Beuve d’un extérieur du pied bien senti. 2-0 ! « C’est cuit maintenant ! » grogne un Avranchinais serré en tribunes, la tête dans les mains. S’en suivent une sacoche dans le dos d’un monsieur Gautier fort solide, la sortie sous une ovation de Théault, le carton rouge de Maxence Derrien et une troisième réalisation messine bien malencontreuse : un CSC de Kevin Schur. 3-0 puis le baisser de rideau. Avranches arrête là son aventure en Coupe de France, mais le public se lève comme un seul homme pour saluer ses héros. Les Messins de Malouda offrent alors une belle haie d’honneur à leur victime, tandis qu’un type en tribune conclut brillamment la soirée : « Boire des bières, se les geler et manger des saucisses, au final, c’est ça la Coupe de France. » On est bien tenté de le croire.
Par Aurélien Renault, à Avranches