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  • Français de l’étranger – Jonathan Lupinelli et Pierre Omanga

« On est le Barça du championnat universitaire »

Propos recueillis par Régis Delanoë
12 minutes
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La connexion Skype était toute merdique, mais c’est pas grave, les deux jeunes Français partis aux États-Unis sous les couleurs de la Southern New Hampshire University ont réussi à parler du FC Barcelone, de NBA, de draft et du fameux TOEFL. Bienvenue dans le monde du soccer universitaire, suivez les guides Jonathan Lupinelli, 23 ans, et Pierre Omanga, 25 ans.

Comment êtes-vous arrivés à disputer le championnat universitaire américain de soccer ? Quel est votre parcours avant de venir ici ?Jonathan Lupinelli : J’ai commencé le foot dans un petit club, comme n’importe quel gamin. Après, j’ai été recruté par un bon club par chez moi, à Mont-de-Marsan, où j’ai été repéré à 14 ans par les Girondins de Bordeaux. J’ai intégré leur centre de formation jusqu’à mes 18 ans. Ensuite, je suis parti en Espagne, à la Real Sociedad, où je jouais en équipe de jeunes et en équipe réserve. J’ai pas été conservé à Bordeaux parce que j’étais défenseur central, et physiquement mes formateurs m’ont conseillé de partir en Espagne par rapport à mon profil. Mais en Espagne non plus j’ai pas eu de contrat pro à la fin de la saison. Du coup, je suis revenu en France dans le club que j’avais quitté en allant au centre de formation, le Stade Montois. On avait une bonne petite équipe qu’on a fait monter de CFA2 en CFA. À partir de là, il fallait que j’essaie de trouver quelque chose dans le foot, parce que j’avais arrêté mes études entre-temps. Or la CFA, c’est bien quand tu débutes, mais à 30 ans tu fais quoi ? C’est à ce moment que suis entré en contact avec une agence d’athlètes, qui s’appelle U-Elite, qui est dirigée par deux Français, Jérôme Meary et Edouard Lacroix, et qui a des relations avec le milieu du sport universitaire américain. C’est un pote qui leur a parlé de moi, le contact s’est fait rapidement. Ils m’ont parlé de cette opportunité d’aller jouer dans une université aux États-Unis, d’avoir un diplôme tout en continuant mon rêve professionnel là-bas. Forcément, ça m’a intéressé parce qu’en France, à partir du moment où je jouais juste en CFA, ça devenait compliqué de passer pro. Et si j’abandonnais, niveau scolaire aussi, ça aurait été dur de rebondir et de récupérer le temps perdu. Et puis j’avais envie de connaître cette expérience de vivre aux États-Unis. J’ai donc dit oui, puis l’agence s’est occupée de gérer le côté administratif.

T’as pas eu de concours à passer ni de test ?Jonathan : Par rapport à mon niveau de foot, l’université était direct intéressée. Le plus compliqué, ça a été le côté académique. Il a fallu que je passe le TOEFL, le test d’anglais prouvant que j’avais le niveau suffisant pour partir étudier aux États-Unis. Là, il a fallu que je bosse énormément sur une courte période pour l’obtenir parce que j’étais pas vraiment bon à la base. J’ai réussi à obtenir une note suffisante et c’était parti. Je suis là depuis un peu plus d’un an maintenant.

Et toi Pierre ? Même parcours ?Pierre Omanga : Non pas vraiment. Moi je viens de Seine-Saint-Denis. J’ai un parcours totalement différent de celui de Jonathan, dans le sens où je ne suis jamais passé par un centre de formation. J’ai joué dans différents clubs de la région parisienne, avant de tenter ma chance dans un club de National, Colomiers. Mais ça n’a pas duré très longtemps, 6 mois seulement avant un retour à Paris. C’est à ce moment-là que je suis entré en contact avec la même agence, U-Elite Athlètes. Les gars de l’agence se sont chargés de tout ce qui était académique et administratif. J’ai aussi eu à passer le TOEFL et c’est là que j’ai obtenu une bourse, d’abord pour aller à la Montevallo University en Alabama, avant de rejoindre Jonathan depuis cette année à la Southern New Hampshire University.

C’est une grosse université ?Pierre : Non, c’est pas un gigantesque campus comme on peut se l’imaginer venant de France. Quand je suis arrivé, j’étais d’ailleurs un peu surpris. Mais par contre niveau soccer, c’est super. L’université du New Hampshire est réputée comme ayant une très bonne section soccer donc on n’a pas à se plaindre. Et puis l’avantage d’être dans une petite structure, c’est que les professeurs sont plus présents.Jonathan : En fait aux États-Unis, le fait d’être sportif universitaire donne beaucoup d’avantages. Les profs le savent, ils vont venir te parler après les cours, savoir comment ça se passe. C’est complètement différent de la France où si t’es sportif de haut niveau et que tu veux mener des études en parallèle, c’est ton problème. À toi d’essayer de gérer les deux. Ici, les deux sont liés et ça change tout. Pierre : En soccer universitaire, il y a quatre divisions. On est actuellement en D2 mais clairement l’objectif est de monter. On gagne tous nos matchs, on en est à 12 victoires d’affilée. L’objectif, c’est de finir champion national de la division.

Comment est organisé le championnat ? Vous avez des déplacements dans tout le pays ?Pierre : Non, pas pour l’instant du moins. C’est comme en NBA avec un système de conférences. Nous on est dans la nord-est, donc on ne joue que contre des universités du coin. Ce sera ensuite lors des play-offs qu’on aura l’occasion de se frotter à des adversaires de l’autre conférence.Jonathan : Actuellement, là saison régulière n’est pas finie mais on est déjà certains de finir champion de notre conférence, donc on est tourné vers les play-offs.

Vous disposez de bonnes conditions ?Jonathan : C’est ça le plus impressionnant. J’ai quand même de quoi comparer, pour être passé par le centre de formation des Girondins et par la Real Sociedad. Et bien quand je suis arrivé ici, j’étais bluffé par les installations, par le sérieux du truc. Je t’assure que c’est des conditions d’un centre de formation haut de gamme : les installations sont nickels, on a des kinés toujours présents sur le terrain, le bain glacé après chaque entraînement, tous les équipements fournis, les chaussures, les crampons… Impressionnant. Pierre : Et c’est partout pareil. Pour moi qui n’ai pas fait de centre de formation, c’est la première fois que je bénéficie de telles conditions. Dans mon université précédente en Alabama, j’avais aussi de grosses structures. Et c’est le cas de toutes les sections sport. En fait la NCAA (le championnat universitaire, ndlr) est hyper populaire ici. Il y en a même qui la préfère aux ligues professionnelles. Et c’est intensif ?Jonathan : Oui, surtout que là on est en pleine saison universitaire et qu’elle est particulièrement courte : de septembre à décembre, avec deux matchs par semaine. Et entre chaque match, des entraînements tous les jours. C’est un rythme à prendre car ça me change de la CFA, où on avait qu’un match par semaine et deux jours de repos.

Les études, ça se passe comment ?Jonathan : Je fais des études de business international. Je parle espagnol en plus du français et de l’anglais donc ça me semblait intéressant de partir là-dedans. Et il y a intérêt d’être bon car pour continuer à percevoir une bourse, il y a une note minimum à obtenir aux examens.Pierre : Moi je suis des études en business administration. J’ai déjà un diplôme en business, donc j’ai décidé de me focaliser sur une spécialité et d’approfondir le truc, même si la priorité actuellement pour moi reste le soccer.

Jonathan, tu parlais de bourse, ça se passe comment d’ailleurs pour vous financièrement ?Jonathan : En fait quand on joue en NCAA, le système de rémunération est strictement interdit. Par contre, on bénéficie de ce qu’on appelle une « school scholarships » , c’est-à-dire une bourse qui nous paie tout sur le campus : les études déjà, ce qui représente 40 000 dollars l’année quand même, mais aussi tout ce qui est nourriture et hébergement. En fait, on n’a rien à débourser d’autres que nos achats personnels, vêtements, sorties, ce genre de choses.

Et cette bourse est renouvelable chaque année ou vous l’avez toute la durée des études ?Pierre : Ça dépend. Moi en Alabama j’avais un contrat d’un an renouvelable, sachant que je suis parti pour un cycle d’études de 4 ans. Depuis que je suis arrivé dans cette université cet été, j’ai signé jusque la fin des études. Jonathan : Moi, je suis arrivé ici directement avec un contrat de 4 ans parce qu’ils savaient que niveau soccer, je pouvais apporter un vrai plus à l’équipe. Donc quoi qu’il arrive pendant ces 4 ans, une blessure ou autre, j’ai mes 40 000 dollars remboursés chaque année. Ça a d’ailleurs été un des facteurs déterminants qui m’a définitivement convaincu de venir ici. C’est quand même du long terme.

Et donc niveau soccer, il existe de réelles passerelles entre le championnat universitaire et le monde pro ?Pierre : Oui, c’est le but. L’objectif, c’est clairement d’accéder à la MLS. L’agence avec laquelle on est venu ici a beaucoup de contacts avec les dirigeants de franchise, donc on nous a clairement fait savoir que si on est bon sur le terrain, on aura notre chance.Jonathan : Le petit bémol, c’est ce système de draft propre aux sports américains. En MLS, chaque équipe ne peut avoir que 4 ou 5 étrangers dans l’effectif, donc la majorité préfère recruter des joueurs expérimentés que des jeunes issus d’une université…

Et dans votre équipe universitaire, vous êtes les seuls étrangers ?Jonathan : Oh non, dans le 11 titulaire de notre équipe, il y a 9 étrangers, sans compter l’entraîneur qui est Écossais. Faut se rendre compte que pour pouvoir être une des meilleures équipes universitaires du pays, t’es obligé d’aller chercher des joueurs à l’étranger, car les Américains et le soccer, ce n’est pas encore trop ça. Peut-être que ça viendra dans les années à venir mais ce n’est pas encore pour tout de suite.

Vous sentez des progrès quand même dans le développement du soccer aux États-Unis ?Pierre : Oui. Déjà on ne peut que souligner les efforts faits au niveau des infrastructures. Après, au niveau du jeu… Dans l’ensemble il reste du retard par rapport à ce qui se pratique en France. C’est sur le plan technique et tactique que ça pêche surtout. La plupart des équipes jouent façon championnat anglais, avec une grosse dimension athlétique. Dans le cas de notre équipe, c’est un peu différent car avec tous nos étrangers, ça joue beaucoup plus au ballon. Je dirais qu’on est un peu le Barça de notre championnat. Techniquement on est vraiment au-dessus, avec en gros du 70 % de possession de balle de moyenne. À tous les postes on a des joueurs capables de faire la différence en un contre un. Ça m’a changé par rapport à mon équipe en Alabama où ça jouait quand même nettement plus bourrin.

Mais c’est quoi comme niveau en gros ? CFA ?Jonathan : Le niveau général c’est en dessous. Nous par contre, comme le dit Pierre, c’est exactement du niveau centre de formation comme j’ai pu le connaître à Bordeaux : même style de jeu, même niveau technique.Pierre : C’est clair que le niveau n’est pas très homogène. Nous et quelques autres équipes, on a un niveau globalement CFA et le reste c’est du niveau régional par rapport à ce qu’on peut connaître en France. Tant qu’on n’est pas en play-offs, c’est facile. On a gagné des matchs 6-0, 5-1… Mais en play-offs ça devrait déjà être plus compliqué et donc plus intéressant.

Du coup personnellement, vous arrivez à progresser ?Jonathan : On progresse à l’entraînement. Physiquement surtout, j’ai gagné, avec pas mal de muscu. Le reste…Pierre : Moi pareil, c’est plus niveau au niveau physique, de l’engagement et du rythme qu’on peut progresser. On découvre une nouvelle culture de jeu, c’est intéressant. Ça force à s’adapter.

Et vous avez la cote à l’université ?Jonathan : Ouais comme je te disais notre université est spéciale car le soccer est le sport numéro un ici. Il n’y a pas de foot américain, l’équipe de baseball est pas terrible, celle de basket non plus… Pour les matchs de play-offs, on a jusqu’à 2000 personnes qui viennent nous voir. Pierre : J’étais hyper surpris en arrivant ici. En Alabama, le soccer tout le monde s’en foutait un peu. Ici ça change, c’est bien ! On a pas mal de personnes qui regardent nos matchs, qui connaissent les règles, qui viennent nous encourager. Jonathan : Mais c’est un cas particulier. Dans l’ensemble aux États-Unis, je vais rien t’apprendre en te disant que le soccer est clairement pas le sport numéro un.

Et comment ça se passe le reste de l’année si le championnat universitaire dure seulement en automne ?Jonathan : Il y a d’abord une trêve à partir de décembre, les cours s’arrêtent aussi un peu, c’est le moment pour rentrer en France voir la famille. Après, on a ce qu’on appelle une « off season » , avec seulement des entraînements. C’est pas très passionnant mais ça permet de travailler musculairement. Et l’été, on a une autre compétition qui s’appelle la PDL (Premier Development League). C’est un championnat juste en dessous du monde pro aux États-Unis qui se monte pour 3 mois. Les équipes recrutent parmi les meilleurs joueurs universitaires, d’anciens pros qui veulent rebondir et des joueurs étrangers qui veulent se montrer. Là, le niveau monte d’un cran. Si on est performant à ce niveau, ça peut permettre de se faire repérer des recruteurs de MLS. Pierre et moi, on a réussi une très grosse saison de PDL cet été avec l’équipe de Portland Phoenix. Pierre : Ça s’est bien passé. On a pris conscience qu’on avait le niveau, on n’a rien à envier aux pros ici. Perso, ce serait une déception de pas avoir de touches en MLS prochainement.Jonathan : Pierre a fini meilleur buteur, moi j’étais capitaine de l’équipe, on a tenu l’équipe et on l’a amené jusqu’aux play-offs donc c’est la preuve qu’on a les moyens de viser plus haut. Me confier le brassard alors que ça fait un an seulement que je suis là et que je parle pas encore parfaitement anglais, c’est un signe encourageant.

Du coup vous êtes décidé à rester aux États-Unis et à tenter de percer dans le soccer pro ?Jonathan : Ouais clairement c’est l’objectif. Je me sens vraiment bien ici, j’aime bien la culture et je profite vraiment à 100 %.Pierre : Pareil. J’adore les États-Unis. C’est quand même un beau pays, il y a de belles possibilités pour nous ici. Si je peux y rester grâce au foot, bien sûr que je resterai.

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