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«On doit être dix blacks dans le pays»

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«On doit être dix blacks dans le pays»

À 27 ans, Bruce Inkango s'est retrouvé sans club. Pas question, pour autant, de prendre une retraite prématurée, faute de mieux. Son agent lui propose un club de bas de tableau albanais ? Banco. C'est parti pour trois mois dans la campagne albanaise, sous la tunique du KS Kastrioti Krujë.

On ne te connaît pas très bien…

J’ai commencé au centre de formation de Cannes. Après j’ai fait le Racing, mais pas très longtemps, à peine deux mois. Le coach du club est parti à Angers et m’a contacté pour que je le rejoigne. Là-bas, je m’y suis installé pendant deux ans et demi. Puis Cherbourg et le Red Star. Au début de cette saison, je suis parti en Angleterre, à Gillingham et enfin l’Albanie.

Comment se sont passés les contacts avec les Albanais ?

J’étais parti pour quelques mois à Gillingham, mais mon contrat n’a pas été renouvelé. Alors, mon agent a cherché un club et m’a trouvé Kastrioti, en Albanie. Il restait trois mois de compétition et ils étaient intéressés par mon profil. Après réflexion, je me suis dit pourquoi pas. C’était une opportunité pour avoir du temps de jeu.

Tu n’as pas trouvé ça bizarre un club albanais qui te contacte ?

Si si, bien sûr. Quand mon agent m’a parlé de là-bas, c’est vrai que j’ai fait quelques recherches. On entend beaucoup de choses sur ces pays-là donc comme je suis un peu un aventurier, j’ai voulu y aller pour me rendre compte par moi-même. Au final, ça ressemble à Chypre ou à la Bulgarie. Il ne faut pas croire que là-bas on a un fusil sur la tempe si on loupe une occasion. Je sais que beaucoup de gens pensent comme ça, mais c’est mieux d’être ici que de rester au chômage.

Comment se sont passés les trois mois là-bas ?

Les deux-trois premières semaines, j’ai signé, je suis venu et j’ai pris mes marques. C’est clair qu’il ne faut pas s’attendre aux mêmes installations que celles que j’ai connues en Angleterre, car là-bas c’était le top du top. A mon arrivée, j’ai été un peu surpris, car je n’avais même pas posé un pied que déjà les gens me regardaient bizarrement. Je me suis dit « Ils n’ont pas de blacks ici ou quoi ? » Pendant toute la durée de ma présence au club, j’ai logé dans une chambre d’hôtel payée par le club. J’habitais dans la capitale (Tirana, ndlr) et Krüje, la ville où je jouais, était à 20 km. Je n’ai pas de photo à montrer, mais c’est un petit village dans la montagne. C’est clair que je ne ferais pas ma vie là-bas, mais c’était sympa, car ça a la réputation d’être une station balnéaire. Au niveau de la population, au début, les gens me regardaient un petit peu. Après quelques mois là-bas, ça me paraît normal. Dans tout le pays, on doit être dix blacks, maximum.

Et niveau infrastructures ?

Ca dépend des clubs. La meilleure équipe aura les mêmes infrastructures qu’un club de Ligue 2 en France. C’est vrai que où j’étais c’était un peu différent. Le terrain d’entraînement c’était une vraie galette.

Vous êtes dans quelle situation en championnat ?

Quand je suis arrivé, le club était premier non-relégable. Chaque année, il se sauve de justesse. Dès le début, j’ai clairement dit au coach que ma place, c’était attaquant. En France, on me trimballait sur tous les postes du milieu alors qu’à la base, je suis attaquant de formation. Il m’a dit : « On verra » . Les deux premiers matchs, je n’ai pas joué, car je venais d’arriver puis il m’a donné ma chance, justement, contre le plus grand club du pays, le KF Tirana. Je marque un but et depuis j’ai toujours eu ma place. J’ai dû faire 12 matchs pour 7 buts, ce qui a permis à mon équipe d’assurer le maintien.

Parlons un peu de la vie là-bas. C’est moins cher ?

Ah ouais, la vie en Albanie est carrément moins chère. Disons qu’un euro, ça fait 140 Lek, en France tu peux acheter une baguette avec cette somme, là-bas tu peux acheter la baguette et un Snickers.

Les gens ont arrêté de te dévisager et ont fini par te laisser tranquille ?

Justement quand je suis arrivé là-bas, j’avais peur de ça. Mais finalement, dès que je me baladais les gens étaient super amicaux avec moi, ils me disaient : « Viens boire un coup avec nous » . Au départ, j’étais hésitant et un peu seul, mais une fois, lorsque j’attendais quelqu’un du club, deux, trois jeunes sont venus à ma rencontre et on a sympathisé. Grâce à eux, j’ai pu visiter un peu la capitale et rencontrer d’autres personnes. D’ailleurs, même lorsqu’on jouait à l’extérieur, je n’ai jamais entendu d’insulte raciste. Enfin, il faut dire que Tirana est une belle ville, même si ce n’est pas Paris ou Londres. Quant à l’Albanie, on voit que c’est un pays en reconstruction, j’ai été au Maroc et ça y ressemble un peu. Ils sont en train de bâtir les routes et tout.

Ce n’est pas un peu « traquenard » comme destination pour se relancer, l’Albanie ?

L’Albanie c’est un traquenard oui et non. C’est sûr qu’en étant là-bas, il n’y aura pas un club français qui va venir en me disant : « Ouais on t’a vu jouer en Albanie » , mais après à droite, il y a l’Italie, la Grèce en-dessous et la Turquie pas loin, donc c’est vrai que c’est plus vers là que je vise. Il faut savoir que beaucoup de joueurs albanais partent en Turquie par la suite.

Est-il possible que tu prolonges à Kastrioti ?

Si je dois rester là-bas, pourquoi pas. Franchement jouer en Albanie équivaut au championnat bulgare ou chypriote, donc ça va.

Propos recueillis par Nicolas Bach

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