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On a testé l’atelier « Le Sens du Jeu » avec Laurent Fournier

Par Nicolas Jucha
On a testé l’atelier « Le Sens du Jeu » avec Laurent Fournier

Sport collectif, le football est une école de la vie. Et aussi un moyen d'améliorer l'esprit d'équipe selon « Le Sens du Jeu », qui propose des ateliers animés par des entraîneurs pro à l'attention des entreprises. On y a participé.

Il est 9h45. Une dizaine de personnes est en train de partager un petit déjeuner à base de café, thé et diverses pâtisseries dans l’un des salons du plus grand complexe de foot à 5 en Europe. L’ambiance feutrée à l’intérieur contraste avec l’aspect désolé de l’extérieur, un ancien entrepôt au bout de la rue Moussorgski, au nord de Paris, entouré par un terrain vague où un couple laisse jouer ses deux chiens. Autour d’une chouquette, les participants et intervenants font connaissance, jusqu’à ce que le maître de cérémonie, Raphaël Moreau Ribstein, ancien footballeur aujourd’hui directeur du « Sens du Jeu » , n’invite tout le monde dans une salle de réunion. Sa première phrase est une boutade : « Il est 10h05, si l’on considère le quart d’heure français, on a dix minutes d’avance. » Plus sérieusement, il explique le principe des ateliers « Le Sens du Jeu » , un organisme de formation reconnu, et présente ses intervenants : Laurent Fournier, Alain Ravera et Fabien Tissot pour les entraîneurs de football, ainsi qu’Hervé Dornier, contrôleur financier et coach certifié en temps partagé. Les trois premiers doivent soumettre les volontaires à des exercices footballistiques, quand le quatrième doit offrir un retour plus théorique. Thématique du jour : la communication, plus précisément celle entre les membres d’une même entreprise. « L’idée, c’est de faire de la pédagogie active, de sortir les gens de leur quotidien » , explique le patron. Et pour ce faire, rien de mieux que d’user du sport le plus populaire de la planète.

Isolé comme un Bernard Lama

L’horloge indique 10h30, Laurent Fournier entre en jeu. Il invite ses élèves d’un jour sur le terrain Safet Sušić, attenant à la salle de réunion. « On va faire deux groupes de cinq, on va voir si vous savez mettre en place une stratégie collective. » Première épreuve : quatre cerceaux sont disposés au sol, à quelques mètres, deux plots et des ballons en mousse. En deux minutes, chaque groupe doit faire tomber un maximum de ballons dans l’un des cercles. Une question de dosage, mais aussi d’organisation. Pour ce qui est de la stratégie, l’ancien entraîneur du PSG et d’Auxerre ne donne aucune consigne. Avec un ballon, puis avec deux, l’équipe A, la seule composée exclusivement d’hommes, l’emporte sur l’équipe B, où une jeune femme, Cassia, est préposée au tir pendant que ses quatre partenaires masculins s’occupent de récupérer les ballons et de les lui placer pour de nouvelles tentatives. 19 à 14, heureusement, l’équipe de Cassia remporte la seconde épreuve, une sorte de bowling avec balles de football, durant laquelle Erwan dégomme les six plots en 24 secondes. « C’est le nouveau record Lolo, non ? » demande Fabien Tissot, pendant que l’intéressé s’essaie à une plaisanterie avec un des participants en train de jongler seul dans son coin : « Tu es isolé de ton groupe, on dirait Bernard Lama ! » Avant d’expliquer la notion de « sacrifice » pour le collectif obligatoire dans les différentes activités qu’il vient de proposer, car « tout le monde ne peut pas tenir le même rôle, et celui qui se positionne pour ramasser les balles, il peut se prendre l’un des plots si le partenaire tire trop fort. »

Jeux de passes, prise d’information et communication verbale

L’atelier suivant, avec Alain Ravera, est quant à lui sans risque. « Prenez des chasubles jaunes et bleues, mais ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas adversaires, les Bleus ne défendent pas sur les Jaunes et vice versa. » Pour son exercice, l’ancien joueur de Cannes et coéquipier de Zinédine Zidane a dessiné un grand carré d’environ 10 mètres sur 10 à l’aide de plots. Deux joueurs de chaque couleur à l’intérieur, les deux autres à l’extérieur sur une même diagonale « pour faire les relais » , l’atelier est centré sur le jeu de passes et la générosité. Pas de score, pas de vainqueur, les différentes équipes doivent faire circuler le ballon en s’appuyant à intervalles réguliers sur les « relais » en bord de terrain. « Les gars de l’autre couleur ne sont pas vos adversaires, donc si vous perdez un ballon, c’est seulement de votre faute, parce que vous n’avez pas pris l’information. » Le technicien encourage ceux qui parlent, « c’est bien, utilise la parole pour informer ton coéquipier » , ou réprimande gentiment ceux qui n’ont pas levé les yeux avant de faire une passe « pour voir si, en face, on était prêt à recevoir. » Pour les participants, le temps passe très vite, avec l’impression de faire un entraînement digne d’une équipe professionnelle. Sans la pression du résultat et les engueulades qui vont avec.

Rolland Courbis, le « planneur stratégique » rennais

« Je vous ai tous vus avec la banane, heureux d’être là » , commente Hervé Dornier pour lancer son « retour théorique » . Face à des participants en sueur et qui viennent de s’offrir quelques douceurs dans les vestiges du petit déj’ histoire de récupérer, il a sorti une définition du mot « communication » , de source Wikipédia, customisée de quelques mots clés surlignés, sur son rétro-projecteur. Axe essentiel de sa prise de parole : demander aux participants leur ressenti à la suite des deux ateliers du début de matinée, et tenter une mise en parallèle avec le monde de l’entreprise. Pour agrémenter sa démonstration, le coach en entreprise met en avant la théorie du « Start with why » de Simon Sinek, ce à quoi Jean-Christophe, l’un des convives, réagit en se lançant dans un long échange avec le formateur. Ce dernier évoque l’importance de « l’intention bienveillante » dans l’échange avec autrui, rappelant au passage que « personne ne s’est fait engueuler ce matin après avoir raté une passe » . Malgré cette passerelle, on se marre quand même moins que pendant les exercices d’Alain Ravera, durant lesquels les dix participants étaient totalement dans l’action, alors que là, seuls trois d’entre eux monopolisent l’essentiel du temps de parole.

Pendant son exposé, Hervé Dornier se fait contredire par Fabien Tissot après avoir dit qu’ « en football, contrairement au monde de l’entreprise classique, il n’y a pas deplanneur stratégique. » Ravera s’occupe d’illustrer le point de vue de son confrère entraîneur : « Dans un club de football, il y a souvent un conseiller du président, assis à côté de lui en tribunes, et qui a beau ne pas être connecté à la vie du vestiaire, mais dit au boss : « C’est dommage qu’untel ne joue pas, ceci devrait être fait comme-ci, ceci comme-cela. » C’est une menace pour un entraîneur, qui a besoin d’être assis à côté de son président pour travailler dans de bonnes conditions. » Quand on lui demande à haute voix s’il est en train de parler de Philippe Montanier et ses mésaventures avec Rolland Courbis, l’ancien Cannois est gentiment embarrassé. « Je ne pense à personne en particulier, mais je tiens à préciser que j’ai de très bons rapports avec le Stade rennais. » Pirouette inefficace, les trois quarts de la salle s’esclaffent tant sa description du fameux « conseiller du président » colle à l’actualité.

« Quand la consigne n’est pas claire, c’est le bordel »

Il est 11h30. C’est au tour de Fabien Tissot, ancien joueur de Ligue 2 et technicien à Épinal, de distribuer les chasubles sur le terrain Ruud Gullit. Les participants sont divisés en trois couleurs, bleu, jaune et orange. « On va jouer les uns contre les autres ? » demande un des joueurs. « Vous allez d’abord commencer par vous faire des passes par groupe » , rétorque le technicien, qui a lui aussi aboli la notion d’adversité dans son atelier. Au fil des exercices et de l’aisance qu’acquièrent les élèves d’un jour, Tissot augmente la difficulté : « Les Bleus passent aux Jaunes qui doivent passer à un Orange qui eux doivent passer à un Bleu. Compris ? » Tout le monde s’en sort bien jusqu’à ce que Tissot inverse deux fois de suite l’ordre de transmission. « Vous êtes perdus ou quoi ? » Émilien, l’un des participants, se permet gentiment de remarquer « que la consigne n’a pas été très claire » . Tissot : « C’est justement ça que je voulais vous montrer, si la consigne n’est pas claire, c’est le bordel. » Florian, un autre convive : « Ah ? J’ai surtout l’impression que tu n’as pas fait exprès sur ce coup-là. » Pour compliquer le tout, coach Tissot décide de diviser le terrain en quatre zones. « Quand vous recevez le ballon, vous devez le donner à quelqu’un de la bonne couleur présent dans une autre zone que la vôtre. » Curieusement, les différents participants, même ceux qui ne pratiquent pas habituellement le football, s’en sortent particulièrement bien. « Dès lors que vous communiquez, que vous vous rendez disponibles et que vous prenez l’information avant de faire quelque chose, c’est tout de suite plus facile » , conclut l’entraîneur.

La démonstration par Anelka

Vient l’heure du second et dernier retour théorique d’Hervé Dornier. « Sur le terrain, on a le droit à l’erreur, à une passe ratée, et dans l’entreprise ? » Une question existentielle à laquelle se prête Jean, professionnel dans la menuiserie industrielle : « C’est un truc français de descendre ceux qui font des erreurs, et c’est idiot. Aux États-Unis, plus tu t’es planté, plus on te respecte parce qu’on considère que tu as le courage de prendre des risques. » Vient l’heure de nouvelles propositions de lecture de génies du management comme Isaac Getz et Brian M. Carney sur « la liberté des salariés » qui, selon l’intervenant, repose sur « la croyance implicite que l’homme est bon » . Même Nicolas Anelka, qui apparaît ensuite sur le rétroprojecteur en compagnie de Raymond Domenech. Sur l’image, les deux hommes ne croisent pas le regard, l’animosité est palpable, alors que la prise de vue date d’avant 2010. « Cela vous inspire quoi ? » L’évidence que les deux personnages ne peuvent pas se saquer, ce que Jean-Christophe étaye avec des notions de langage corporel : « Le fait qu’il se mange un doigt (Anelka, ndlr), c’est un signe de malaise, alors que Domenech semble avoir une posture plus conciliante. »

Alors le débat dérape sur les entretiens « psychologiques » avant embauche pour écarter les profils « à risques » , et un participant se sent obligé de préciser « que stigmatiser Anelka sur cette histoire est réducteur, l’encadrement de la FFF et Domenech ont eu leur part de responsabilités dans le fiasco » . Pour éviter que l’échange s’embourbe, Raphaël Moreau Ribstein invite « à garder les éléments purement footballistiques pour le déjeuner » . On est « dans un pur sujet de management humain » répondent plusieurs participants en chœur. « Une chose est certaine, tranche Hervé Dornier, dans cette situation-là, il aurait été salvateur de vider son sac, d’extérioriser tous les problèmes d’homme à homme afin de pouvoir se recentrer ensuite sur un intérêt commun. » Faisant référence aux encouragements et à l’absence de tout agacement lors des ateliers du matin, ce qui a découlé sur des performances réussies, Hervé Dornier conclut sa séance : « Communiquer, c’est un art » . Et aussi l’une des sources du succès, en football comme en entreprise.

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