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On a suivi les fan allemands toute une journée d’Euro

Par Côme Tessier
On a suivi les fan allemands toute une journée d’Euro

Mardi, Paris était partagé entre vert et blanc. Les Allemands affrontaient l'Irlande du Nord au Parc des Princes. Une bonne occasion pour célébrer le football entre match amical pépère, échauffement à la bière au pied de la tour Eiffel et petite balade digestive du côté de France Télé, accompagné par la gendarmerie. On a vécu cette 3e journée de poules avec les supporters allemands. Et les Nord-Irlandais, par la force des choses.

11h. Dans le RER entre St-Michel et la tour Eiffel, ils sont six, habillés en vert. Ces Irlandais font un boucan du diable à eux seuls, entre indifférence complaisante et regards hallucinés des passagers du wagon. On est dans le ton de la journée, qui sera rythmée jusqu’au bout par les chants des supporters britanniques.

11h30, aux abord du stade Émile Anthoine, dans le XVe arrondissement. Les Allemands sont seuls sur le terrain. Il y a de tout, de l’ancien dont le ventre trahit la passion pour le houblon, au jeune dans la force de l’âge et – relativement – affûté. Ces supporters se tiennent prêts. Dans quelques minutes, ils doivent affronter une autre équipe de fans, celle de l’Irlande du Nord. Au fan club de la Mannschaft, on explique vouloir organiser des rencontres de ce type le plus souvent possible. « On a déjà réussi à le faire à Gibraltar ! Pour l’Euro, c’est plus difficile, il faut trouver le terrain avec la municipalité déjà… Mais on est en contact avec les autres fédérations pour essayer d’avoir des matchs amicaux le plus souvent possible. Il y a deux jours, on a affronté l’Autriche ici aussi. Suivant les affiches à venir pour l’Allemagne, et où on jouera, on fera peut-être d’autres rencontres. »

11h40, arrivée des Irlandais pour l’échauffement. L’organisation s’aperçoit qu’un arbitre de terrain esseulé, ça va faire juste. Ni une, ni deux, un spectateur de chaque équipe est embarqué dans l’affaire. Ils surveilleront les attaques adverses. On est vraiment là pour le plaisir.

11h45, entrée des joueurs en file indienne, hymnes a cappella tant bien que mal. Pendant ce temps, le numéro 14, déjà blessé, est assis au bord de la pelouse avec l’équipe médicale pour s’occuper de lui. Côté tribunes, quelques chants prennent sans entrain. Il est trop tôt, malgré toute la bonne volonté de quelques supporters isolés. Ceux avec le maillot de la Mannschaft sont ici à la suite d’un mail du fan club, qui les a prévenus il y a quelques jours. Ralf Schumacher est membre depuis 2004. Il ne connaît aucun joueur, mais il apprécie d’avoir cette activité pour lancer sa journée. Tandis que David, 26 ans, a fait le chemin depuis Cologne pour voir ses potes et le match de l’Allemagne. Tous deux sont en tout cas prêts pour la finale. Si les hommes de Löw se qualifient, ils ont leur sésame à coup sûr pour le Stade de France.

11h58. Après un début de match haché, à cause des trop nombreux hors-jeu signalés par l’arbitre de touche allemand, l’Irlande du Nord ouvre enfin le score en profitant des espaces dans le dos de la défense allemande. Ça s’annonce difficile pour l’équipe du fan club, pas très en place, de remporter la petite coupe « offerte par la ville de Paris » .

12h11. Égalisation de l’Allemagne sur un exploit personnel. Ça respire le football du dimanche, où les six mètres sont tirés par un joueur de champ sur le dos du premier défenseur pour qu’il dévie la chique un peu plus long. C’est laborieux mais sympathique à regarder. Seule différence avec les matchs amateurs habituels : ici, les joueurs multiplient les interviews quand ils ne jouent pas. Les journalistes allemands passent d’ailleurs une bonne partie de leur temps à chercher la plus belle barbe rousse dans le public pour lui demander de chanter « Will Grigg’s » . Coup de barre, coup de fatigue. Il est trop tôt pour cette chanson.

12h36. La deuxième mi-temps commence avec du mieux dans le jeu. L’Allemagne déroule même pendant quelques minutes et plante deux buts coup sur coup. La victoire paraît assurée. Mais leurs adversaires réagissent un peu. Un centre conclu d’une jolie tête maintient le suspense. Puis il faut une mauvaise sortie du gardien, et un dégagement contré par l’attaquant, pour l’égalisation. Tout le monde n’est pas Manuel Neuer.

13h20. Fin du match, à 3-3, même si certains joueurs ne sont pas bien sûrs du résultat, après coup, quand on leur demande. Ce n’est pas grave. L’essentiel est d’être présent, comme pour Heiko qui a taillé la route lundi depuis Magdebourg pour Paris. Il a appris au moment de partir qu’il allait jouer ce mardi matin, grâce à son inscription sur le site du fan club officiel. Il venait de toute façon pour le match. Oui, il le confirme, son programme est simple : « Du foot et du foot. »

Pause déjeuner. Quelques Nord-Irlandais et Allemands investissent les quelques bars et restaurants des alentours. La plupart se posent où ils peuvent avec un pack par personne, après avoir dévalisé la supérette du coin.

14h30. Le bus à impériale du fan club est en place, avec ses guests et son DJ à l’étage. La deuxième partie de la journée et la « Fan Walk » jusqu’au Parc vont pouvoir se lancer. Quatre kilomètres de marche sur le bitume au programme. L’ambiance monte doucement. Deux Islandais de passage observent. Les supporters de l’Irlande du Nord ont posé leurs drapeaux sur les grilles du stade. Avec les Allemands, ils échangent quelques chants à tour de rôle, quand ce n’est pas un ballon « beau jeu » qui vole d’un côté à l’autre.

Au Will Grigg, les supporters de la Mannschaft répondent avec semble-t-il un penchant pour le rappel du palmarès récent. « Les numéros 1 / les numéros 1 / nous sommes les numéros 1 dans le monde. » Pas la même idée de l’humilité.

15h. Il est temps de partir, en longeant le quai Branly, puis le quai de Grenelles. Il y a approximativement 5000 fans de foot à suivre le cortège. Derrière les Allemands, un bon contingent de l’Irlande du Nord s’amuse à suivre. Le tout est solidement encadré par la gendarmerie. Les hommes cèdent à la bonne humeur. Les selfies s’enchaînent. À la sono, on passe du truc de David Guetta à « Will Grigg’s » , encore et encore, en un tour de main. Le succès penche nettement pour le second morceau. Du Novotel à France Télé, les costards sont de sortie pour prendre des photos du défilé. Ça change des dernières manifs.

15h50. Dans le tunnel André Citroën, les chants résonnent de plus belle. On passe du minimaliste « Deuuuuutschland ! Deutschland ! » au très francophile « Salut ! Ça va ? Die Deutschen sind da ! » En arrivant au bout, tout le monde s’assoit pour un humba particulièrement efficace. Le tunnel est presque rempli. C’est le bordel. On approche les 7000 fans, selon les chiffres officiels.

Sur le trajet, deux rituels se mettent en place : à chaque buisson, son lot de pisseurs. À chaque magasin, son lot de déserteurs du flux pour trouver d’autres boissons.

16h15. Arrivée au Parc des Princes. Jean-Charles Sabattier et Élie Baup se frayent un chemin comme ils peuvent, entre deux barrages policiers. Les terrasses des bars sont surchargées. Tandis que le supermarché le plus proche refuse l’entrée à tout ce qui porte un maillot avec un motif simple : « On n’a plus d’alcool. » Il faut trouver une autre astuce pour refaire le plein. Heureusement, l’église se fait son petit barbecue d’avant-match pour remplir les estomacs.

17h. Point objet interdit par l’organisation. À l’ultime fouille, un Irlandais est recalé à cause de sa flûte. Trop dangereuse, même s’il n’a pas l’air d’en jouer si mal que ça. C’est trop tôt pour la fête de la musique.

17h10. Entrée des joueurs sur la pelouse. Depuis l’arrivée dans le stade, il n’y a plus de doute : en nombre, les Allemands sont probablement – légèrement – plus nombreux. Sur le bruit, les Irlandais impressionnent. C’est un véritable kop qui fait vibrer le Parc, sans discontinuer.

17h50. En pleine cérémonie d’ouverture d’avant-match, alors que le truc de Guetta est encore dans les sonos, les Nord-Irlandais couvrent avec leurs voix. Merci.

18h29. Ouverture du score de Gómez. C’est logique. Mais le public s’en moque. « On va gagner ! »

18h38. Thomas Müller vendange, le public s’en moque. « On va gagner ! »

18h45. Les Allemands sont bien présents, en fait. On les entend, vaguement, au loin, à quelques secondes de la pause.

19h13. Ça fait dix bonnes minutes qu’on entend « Will Grigg’s » chanté par tout le stade. Non stop. Les Blancs appuient les Verts en claquant des mains. C’est impressionnant, c’est monstrueux, c’est dantesque. 19h50. Alors que les supporters de l’Irlande du Nord ne « veulent pas rentrer chez eux » et continuent de chanter leur certitude de la victoire, Clément Turpin siffle la fin du match. Il y a encore de l’espoir pour être dans les meilleurs troisièmes.

20h. Il est temps de quitter le stade. Dans le calme, sans célébration intense côté allemand, sans véritable enthousiasme parmi les quelques Nord-Irlandais déjà partis des tribunes. C’est bien simple, les plus fous y sont encore. Ils ne s’arrêtent pas de chanter leur hymne, leur tube de l’été bien à eux.

Will Grigg est en feu. C’est la fête de la musique, déjà.

Dans cet article :
Le déplacement cauchemardesque des fans de l’Irlande du Nord en Bulgarie
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Par Côme Tessier

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