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On a revu Milan-Inter 2003

Par Maxime Brigand
5 minutes

Bousculé par le bon plan d’Héctor Cúper, le Milan de Carlo Ancelotti a été tenu à distance du but d’un Toldo bien protégé et doit se contenter du strict minimum : un nul (0-0) qui laisse la manche retour ouverte à tous les vents.

On a revu Milan-Inter 2003

C’est un moment d’angoisse et d’histoire. Alors, du haut de ses 47 ans, Héctor Cúper affiche un air grave et observe ses joueurs tel un aigle volant au-dessus d’une montagne. Le spectacle sous ses yeux est avant tout une bataille de souffle : celui court des différents supporters milanais venus se masser dans un San Siro à deux doigts de déborder, comme celui chaud que trois hommes habillés en bleu et noir sont venus faire glisser le long du cou de leurs proies durant un peu plus de 90 minutes. Ils s’appellent Iván, Marco et Fabio et ont, entre autres, deux types dans leur viseur : Andreï et Filippo. Ils les suivent sur chaque bout de gazon, viennent les mordre au moindre ballon contrôlé et s’envolent se tabasser avec eux sur tous les duels aériens. Aucun répit : ce serait bien trop risqué, et Cúper a déjà vu ce qu’un excès de liberté pouvait provoquer comme dégâts lors d’un derby perdu en championnat (0-1) il y a peu.

Sa parade a été finement pensée et a pris les contours d’un changement de forme : le passage à un 5-3-2 en phase défensive permettant à Cordoba et à Cannavaro, couverts par Materazzi, de tenir en laisse les deux étoiles du sapin de Carlo Ancelotti (Inzaghi et Shevchenko) et à une triplette Javier Zanetti-Luigi Di Biagio-Emre Belözoğlu, calée un cran plus haut, de venir couper au maximum les phrases échangées par le losange intérieur rossoneri. Résultat ? Au coup de sifflet final, Héctor Cúper est payé. Lors de cette demi-finale aller de Ligue des champions, son Inter n’a jamais vraiment offert au Milan l’espace pour tirer une flèche mortelle et a obtenu ce qu’il souhaitait, soit un nul (0-0) qui laisse la manche retour de cette fête des voisins ouverte à tous les vents.

Le plan défensif de l’Inter face à l’organisation du Milan.

Les pieds de Rui Costa et la bataille psychologique

Gourmands, les Nerazzurri, privés de Christian Vieiri qui a passé sa soirée à martyriser un chewing-gum sur le banc, ont même dans un premier temps envisagé l’option de rafler le butin de cette nuit étoilée entre ennemis. Sergio Conceição, dont les nombreuses rotations avec Zanetti ont ouvert des brèches, est entré dans la rencontre comme un taureau dans une arène et a testé Dida lors des premières minutes, puis Álvaro Recoba a négligé une balle en or de 0-1 dans la foulée. Derrière, faute d’avoir ceux d’un Pirlo toujours blessé, le Milan a répondu en se laissant porter par les pieds de Rui Costa, mais a dû attendre le quart d’heure de jeu pour voir Shevchenko alerter Toldo. La clé du bonheur pour Ancelotti a été de faire en sorte de voir son numéro 10 portugais réussir à s’associer le plus possible dans le dos des milieux milanais avec Seedorf, ce que Conceição et Zanetti ont évidemment combattu. Sans cette connexion, le Milan a d’abord peiné à bousculer une Inter parfaitement organisée et assez brillante dans sa pose du piège du hors-jeu (Inzaghi l’a été huit fois). Pour couronner le tout, au rayon bataille psychologique (29 minutes de temps effectif en première période), quand Gattuso s’est amusé à sortir des boîtes pour annuler les tentatives de transitions offensives interistes, Marco Materazzi est, lui, régulièrement venu accompagner la frustration rouge et noir en posant sa main sur la tête d’un Andreï Shevchenko au bord de la crise de nerfs.

Séquence symbole de l’approche de l’Inter : Inzaghi a été trouvé, mais Cannavaro est sorti très haut sur lui, alors que Cordoba surveille Shevchenko et que Materazzi assure la couverture.

L’art du hors-jeu, par l’Inter.

Un cerbère qui n’a jamais lâché son os

Dans la foulée d’un festival de Rui Costa aussi généreux que maladroit, c’est même par cette image – celle de Materazzi jouant avec Shevchenko devancé de justesse par Cannavaro (la plus grosse occasion du match) – que la seconde période a débuté, comme un signe : derrière, l’Inter n’est plus sortie de son camp et a laissé le Milan, tenu par un gigantesque Nesta, se débattre avec un casse-tête tactique. Tous les ingrédients possibles ont été sortis des placards, mais Andreï Shevchenko, enfin trouvé avec de l’espace à attaquer, a fait un mauvais choix à l’heure de jeu, puis Toldo s’est détendu sur une tentative de Gattuso après une belle reprise d’Inzaghi. Quelques fenêtres sont apparues dans le dos de la paire Inzaghi-Shevchenko et, stressé, Vieiri a fait tomber le pull pour se balader en T-shirt blanc le long de la ligne de touche. Il a alors serré les dents lorsque Shevchenko – oui, toujours lui – a été trouvé en appui par Seedorf pour une nouvelle tentative. Un nouvel échec, malgré un rythme monté d’un cran dans les échanges et davantage de changements d’aile tentés et réussis par la bande d’Ancelotti, Kakhaber Kaladze sortant quelques grimpées percutantes, ce qui s’explique encore et toujours par la discipline chirurgicale du cerbère défensif de Cúper. Un cerbère qui n’a jamais lâché son os.

Que faut-il espérer avant le retour ? Pour le Milan, sans doute une chose : le retour de Pirlo, qui devrait permettre à Rui Costa de moins faire l’ascenseur et donc au sapin de Carlo Ancelotti de davantage profiter de sa supériorité numérique structurelle au milieu. Une supériorité qu’il n’a pas totalement su faire fructifier à l’aller sans les idées de son métronome. Et pour l’Inter ? Des espaces seront à exploiter dans le dos des relayeurs du Milan, que Zanetti et Materazzi ont souvent su toucher lors de ce match aller. Au sol, Crespo a aussi montré qu’il pouvait déjouer plusieurs types de piège. Reste que l’Inter le sait : au retour, un coup reçu et c’est deux coups qu’il faudra donner. L’angoisse et l’histoire, toujours.

Coup de filet de la police italienne contre les ultras milanais

Par Maxime Brigand

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