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- Inter-Milan (1-1)
On a revu Inter-Milan 2003
De nouveau bien en place, l'Inter a tout de même cédé sur un joli mouvement du Milan avant la pause. Cela a suffi pour que la bande d'Ancelotti s'envole vers sa première finale de C1 depuis 1995 malgré un but tardif de Martins (1-1).
Gens qui pleurent, gens qui rient. Gens qui courent, gens qui crient. Tout à coup, tard dans la nuit milanaise, la cocotte a débordé, et des types aux billes injectées de sang depuis plus de 90 minutes ont alors laissé des larmes couler. Oui, même Iván Córdoba, histoire d’apporter une nouvelle preuve à l’affirmation qu’un match de dernier carré de Ligue des champions reste, et restera toujours, un truc à part, une soirée où la tension peut pousser n’importe quel humain à faire n’importe quoi. Ce sommet historique de San Siro, cette manche retour venue refermer une boucle de six jours d’asphyxie, a notamment vu, pêle-mêle, Marco Materazzi balayer Rui Costa, puis envoyer une volée dans les testicules d’Andreï Shevchenko, des insultes voler dans tous les sens, Cúper se griller une clope toutes les deux minutes, Gennaro Gattuso partir dans un concours de découpages avec Luigi Di Biagio – concours que le sanglier calabrais a, bien sûr, gagné – et Álvaro Recoba se faire hacher menu par Alessandro Nesta.
Une semaine après un match aller sans but et trois jours après avoir vu la Juventus officialiser son 28e titre de champion d’Italie, l’Inter et l’AC Milan se sont arrachés comme prévu et ont offert tout ce que l’Europe du foot attendait : un scénario riche, des tacles, de la tension à gogo, des buts et même un final torride. Il n’y avait de la place que pour un seul groupe de héros et dans quinze jours, c’est celui de Carlo Ancelotti qui ira à Old Trafford. Héctor Cúper se voyait diriger la troisième finale de C1 de sa vie, il peut ranger son briquet.
Il y a eu un temps additionnel
Longtemps, le serpent à lunettes argentin a pourtant cru voir se dessiner le coup parfait. Il est d’ailleurs difficile d’affirmer que le technicien a foiré un croquis qui avait laissé Francesco Toldo relativement au chaud lors du match aller et qui a de nouveau plutôt fonctionné. Durant quarante-cinq premières minutes intenses, le gardien italien n’a ainsi eu qu’une tentative trop croisée de Shevchenko à accompagner du regard et un sacrifice à faire devant Inzaghi. Au cours de la deuxième période, rebelote : entre les braises et les coups de sifflet de Gilles Veissière, le portier de l’Inter n’a eu qu’une seule frappe trop enroulée de Shevchenko à contrôler. Devant lui, comme à l’aller, Córdoba et Cannavaro, très bien soutenus par Materazzi, ont parfaitement géré Shevchenko et Inzaghi et sont à plusieurs reprises sortis pour rattraper des ballons perdus par leurs milieux devant un duo Gattuso-Pirlo vorace. Mieux, la machine nerrazurra, de nouveau déployée en 3-5-2, a plutôt su éteindre un Rui Costa qui a évolué un cran plus haut avec le retour aux affaires d’un Andrea Pirlo vital dans toutes les phases.
Il faut noter, quand même, qu’Emre, aligné piston gauche, a eu du mal à exister et a souffert sous les fusées envoyées par Pirlo en direction de Costacurta. Il faut surtout rappeler qu’entre les quarante-cinq premières minutes et la seconde période, il y a eu un temps additionnel et que c’est là que tout a basculé : Rui Costa, trouvé par Kaladze au niveau de la ligne médiane, a alors fait sortir Cristiano Zanetti, puis est reparti avec Maldini qui a ensuite touché Gattuso derrière les milieux interistes, faisant grimper d’un cran Materazzi et troublant l’équilibre de la bande de Cúper, déjà structurellement fragile sur le papier face au losange du 4-3-1-2 d’Ancelotti. Pour la seule fois du match, voire de la double confrontation, Clarence Seedorf a donc pu envoyer Inzaghi et Shevchenko en un contre un face à Córdoba et Cannavaro, le premier embrouillant les pistes et le second se chargeant de transformer la situation en explosion après un subtil crochet posé sur Córdoba.
Le point de départ de la séquence du 0-1 avec Maldini qui trouve Gattuso derrière Di Biagio…
… pour compenser l’infériorité numérique dans l’entrejeu, Materazzi sort sur Gattuso alors que Cristiano Zanetti gère Rui Costa et que Javier Zanetti surveille Seedorf…
… cela va alors placer Inzaghi et Shevchenko en deux contre deux et non plus en deux contre trois. Córdoba et Cannavaro vont alors être embrouillés par les appels croisés des deux attaquants du Milan, et derrière, Shevchenko va crocheter Córdoba avant de battre Toldo de près.
Les coups de Martins, les choix de Cúper
Que faire ? Réponse d’Héctor Cúper : ranger Di Biagio et Recoba, puis faire entrer Stéphane Dalmat et, surtout, Obafemi Martins. Oui, le Martins qui, sur deux de ses premiers ballons, va d’abord foncer tête baissée en touche et finir ensuite avec le crâne dans les parties de Nesta, mais surtout le Martins qui va électriser avec son style la suite d’une rencontre que Conceição a poursuivie côté gauche et qu’Emre a bouclée dans l’entrejeu. Là, le Milan a souffert pour de bon et a laissé le ballon à l’Inter, sans non plus concéder trop de choses à une attaque qui aura cruellement manqué d’un Vieri et a été amputée – un choix étrange – par Cúper de Crespo. Ancelotti s’est ajusté en faisant entrer Massimo Ambrosini à la place de Rui Costa, essoré, mais cela n’a pas suffi : l’Inter a continué à mettre des coups, enchaîné les corners, et Martins a profité d’une erreur de Costacurta pour se marrer dans le dos de Maldini à six minutes de la fin. Il n’a plus été question de tactique et de contrôle. Abbiati, titulaire à la suite de la fracture de l’auriculaire gauche de Dida, a dû sauver son clan en gardant la tête froide et de la lucidité devant Kallon. À cet instant, la petite histoire raconte qu’Adriano Galliani, le fidèle bras droit de Berlusconi, était allongé sur la table de massage du vestiaire du Milan, incapable de rester debout. Alors qu’il devait signer à Parme, c’est lui qui a convaincu Carlo Ancelotti de grimper dans l’aventure. Pour la première fois depuis 1995, le Milan est en finale de la C1. La ville peut désormais respirer. Le banquet, qui n’a jamais baissé en intensité, est désormais terminé, avec des gens qui pleurent et des gens qui rient, des gens qui courent et des gens qui crient.
Par Maxime Brigand