- Coupe du monde 2014
- Groupe H
- Reportage
On a regardé Belgique-Russie à Haversin
La Belgique entière voulait vivre sa probable qualification pour les huitièmes ! Au pied de l'Atomium, sur les places des grandes villes belges, dans les cafés, mais aussi à Haversin. Oui, Haversin, petit village d'environ 1000 habitants qui a rassemblé les supporters belges pour une soirée plutôt arrosée...
La Traverse. Ce n’est pas le nom d’une bière spéciale encore inconnue que vous pourriez faire découvrir à votre beau-père, mais le nom de la salle des fêtes d’Haversin, village de la province de Namur. De l’extérieur, le bâtiment n’a rien de très spécial : bardage en imitation de planches canadiennes avec, au milieu, l’inéluctable enseigne Jupiler. Il est 17h20, il ne reste plus que quelques minutes avant le coup d’envoi, et pourtant, seules 7-8 personnes sont présentes. Et pour cause : c’est la fancy fair de l’école communale !
Tango et moustache
Deux châteaux gonflables plutôt imposants installés sur la route font le bonheur des gamins et par la même occasion de leurs parents qui ne les ont plus dans les pattes pendant quelques minutes. À l’intérieur de la cour, environ 200 personnes se côtoient sous des petits chapiteaux dans la bonne humeur générale. Dans le même temps, les élèves de maternelle viennent de sortir de la petite scène improvisée pour leur traditionnel spectacle de fin d’année préparé avec motivation et abnégation depuis deux gros mois. Si l’atmosphère est particulièrement chaleureuse, la représentation ne plaît pas à tous. « Franchement, c’était à chier, annonce un père déçu, mais surtout bourré. Heureusement qu’il y a une bonne ambiance entre les parents parce que sinon… »
Au milieu de tout ce petit monde : Croco. Avec son omniprésente moustache et son tango (bière et grenadine), le président du comité de la salle est tellement bien qu’il en oublierait presque que c’est chez lui que se trouve le projecteur pour diffuser le match. « Il est quelle heure ?, interroge-t-il quand on lui fait remarquer que le match se déroule bien à 18h. Ha ça va ben j’arrive dans 10 minutes, conclut-il tout en suspens. »
« Moi j’en n’ai rien à foutre »
C’est un projet du comité du village d’amener tous les habitants au même endroit pour un événement de toute façon très rassembleur comme un match des Diables rouges. Alors qu’il ne reste qu’un petit quart d’heure avant le début, la foule débarque d’un seul coup, certainement après avoir récupéré les enfants transpirants dans les châteaux gonflables. Tout le monde est à La Traverse. Les commerçants du village, comme le boucher, qui n’hésite pas à subtiliser furtivement une petite saucisse dans le bain marie ; les grands fans qui stressent pour cette rencontre depuis le 6 décembre, mais aussi ceux qui viennent juste pour l’ambiance. « Moi j’en n’ai rien à foutre, s’exclame Philippe. Je viens juste pour être avec les voisins, puis t’as mes gamins qui sont contents d’être là et en plus ça fait bouger le village, il y a de l’animation et ça j’adore. »
L’ambiance est exquise, tout le monde ou presque se connaît, c’est d’ailleurs une des raisons principales qui fait venir les femmes voir le foot. Conversation Isabelle-Françoise : « Quand j’ai quitté la maison pour faire mon tour à vélo – tu sais j’ai un vélo électrique hein maintenant – le sac à linge sale était vide. Et au retour, sur quoi est-ce que je tombe ? Bah oui il était rempli de ses affaires de foot. Ils font pareil les tiens ? »
Pénurie de hot-dogs
Le match commence, il y a plus de monde que prévu, on frôle probablement les 200 personnes voire plus, certainement toutes revenues de la fancy fair. Il fait donc chaud. Heureusement, le bar possède assez de richesses pour étancher la soif des locaux. « On a 60 bacs de bière dans la salle, se félicite Croco, finalement arrivé à temps pour les hymnes nationaux. Puis s’il faut j’en ai encore 70 chez moi. Mais après ça… » Niveau boisson, ça va suffire, surtout que les jeunes ont préparé une casserole de caïpirinha qui va se vider avant même la mi-temps. Par contre, c’est au niveau de la bouffe que ça fait défaut. En 40 minutes, les 100 hot-dogs prévus foutent le camp, voilà le premier petit stress de la soirée : il faut trouver une solution. « On peut aller jusqu’au Night and Day » , lance Luc. « Ha ben attends, je pense qu’on peut demander aux Meurice pour leur racheter, je sais qu’ils en ont encore. » S’en suit une course poursuite à la recherche de Michel, le gardien des clés des hot dogs. Tout de T-shirt jaune « Haversin champion » vêtu, Michel se promène tranquillement dans la salle, l’appareil photo à la main. Une fois attrapé, il permet par un simple geste de la main de sustenter une bonne partie des supporters dont l’appétit n’est pas réduit par le niveau des Diables rouges.
À la mi-temps, les fans ont peur de se retaper le même match que contre l’Algérie. « T’inquiète, tout va se décider dans les dernières minutes » , rassure Pol tout en sirotant son panaché. Le jeune homme, équipé de sa Go Pro pour ne rien rater en cas de but, possède une semi ressemblance avec le gardien Rüstu. Non pas pour d’éventuelles origines turques ou pour une queue de cheval, mais pour ses traces noires en dessous des yeux, souvenir d’un coup de boule reçu deux jours auparavant en tournoi de foot.
Finalement, après une deuxième période fort peu emballante, les bières sautent dans tous les sens au moment du but d’Origi que le tiers de la salle ne connaissait pas avant le début du match. Dès le coup de sifflet final, c’est la folie. DJ Pech lance directement « Brazil » , repris en cœur par toute la salle qui saute comme un seul homme. Soulagés, les Haversinois envahissent le bar. La rencontre n’était pas belle, mais tout le monde a bon de se retrouver et de célébrer ensemble cette qualification. Et pour être sûr de garder du monde jusqu’à la fin de la nuit, DJ Pech a une idée, « Je bourre des chansons des années 80 comme ça tous les vieux restent ! »
Par Émilien Hofman, à Haversin