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On a préparé Marseille-Lille avec des supporters de l’OM…à Lille
Décidément, l’amour du football est une équation à multiples inconnues. Sinon, comment expliquer qu’à Lille, plus qu’ailleurs, s’élève une véritable colonie de supporters marseillais ? Avant Marseille-Lille, on est donc parti à la rencontre de ces faux Lillois.
Tous les supporters lillois le savent : il est aussi fréquent de croiser un supporter marseillais dans les rues de la métropole que de croiser un homme citant une réplique de Bienvenue chez les Ch’tis. La comparaison est peut-être oblique, mais tient la route. Théo, 24 ans, supporter de l’OM depuis le début des années 2000, introduit la chose comme suit : « Le truc, c’est que j’aime bien Lille, je suis même abonné. Mais le problème, c’est que le LOSC, pendant des années, ça a été un club trop nul pour les aimer. Après, je dois avouer que si j’avais eu 10 ans il y a quatre-cinq ans, j’aurai forcément été supporter de Lille. Mais à la fin des années 90, on ne peut pas dire que le club faisait rêver. » À entendre ce jeune supporter, le palmarès d’un club conditionnerait son aura auprès d’un public plus large. La règle semble logique, mais il tient à la justifier : « En France, il n’y a pas beaucoup d’équipes qui ont un vrai passé et un putain d’effectif. C’est le palmarès de Marseille qui a engendré ma passion pour ce club, mais pas sa victoire en Ligue des champions, j’étais trop jeune à ce moment-là. »
De Marseille, ils ne ratent rien
Mais cela ne répond pas à notre question : pourquoi y a-t-il tant de supporters de Marseille dans le Nord de la France ? Tous n’ont pas connus la grande époque de l’OM, et certains, à l’instar de Théo, étaient même trop jeunes pour se souvenir de la victoire en Coupe des clubs champions. Pour Théo, l’explication est simple : « C’est le club le plus populaire depuis que Saint-Étienne est mauvais. Et moi, étant petit, je devais me rattacher à un club qui me faisait rêver. » En interrogeant d’autres supporters, plus anciens, avec lesquels on assiste gentiment et tristement à la défaite de l’OM contre Fenerbahçe, on comprend que cette passion trouve son origine dans d’autres phénomènes. Et là, les choses ont soudain beaucoup plus de sens. « On a commencé a supporté l’OM à la fin des années 80. Rien que le stade nous faisait vibrer, alors qu’à Lille, il n’y avait rien. L’époque Tapie était tout simplement magique. On était derrière l’OM et on l’est resté après. Même en D2. » Si pour David, fervent supporter et inconditionnel des matchs de l’OM, les raisons semblent évidentes, pour Michaël, qui achète chaque année le nouveau maillot de son équipe favorite, cela tiendrait davantage d’un phénomène générationnel : « Si tu regardes les petits jeunes d’aujourd’hui, ils sont tous derrière Lyon. Pourquoi ? Parce que l’OL a tout raflé pendant 7 ans. »
Supporters par procuration
S’il leur est déjà arrivé de faire le déplacement au Vélodrome, c’est surtout à travers les médias que ces supporters par procuration suivent les matchs de leur équipe de cœur. Dans ces conditions, difficile de s’imprégner de l’ambiance d’un club. « Pas d’accord » , nous répond David qui possède son avis personnel sur la question : « C’est un ensemble. On ne peut pas séparer l’équipe des supporters. Et même quand les résultats ne suivent pas, il y a toujours quelque chose pour nous faire vibrer. Quand t’entends les supporters, t’as beau être seul dans ton canapé, ça te fait forcément quelque chose. » Mais ne pensez pas pour autant que ces supporters marseillais d’adoption rejettent en bloc toute affinité avec le LOSC. Bien au contraire, tous affirment être attachés à ce club. À commencer par Théo : « Si je devais refaire mon choix, je prendrai Lille. Parce que c’est ma ville et parce que c’est une équipe ambitieuse avec un grand stade. Mais là, mon choix est fait. Du coup, pendant les Lille-Marseille, je suis toujours pour l’OM. Et s’ils peuvent humilier Lille, ça me ferait on ne peut plus plaisir. » Un constat que partage également David, jamais le dernier pour aller faire la fête : « C’est notre ville, donc plein de fois on a été au stade pour les encourager. Quand ils ont gagné le championnat, je suis même allé faire la fête place François Mitterrand avec le reste des supporters. Tant qu’ils ne gagnent pas contre l’OM, ça me va. Et si je sens que Marseille ne peut pas remporter le championnat, je préfère que ce soit Lille qu’un autre club. »
Le foot, c’est la guerre
Reste toutefois une énigme à élucider : dans une ville en pleine effervescence sur le plan footballistique, que pensent les supporters lillois de ces « traitres à la région » ? Jawed, supporter du LOSC depuis le plus jeune âge, nous confie son amertume : « Ils devraient peut-être supporter le club de leur région. À mon avis, si beaucoup supportent Marseille, c’est parce qu’ils ont été influencé par leur famille. Ils avaient le choix entre deux clubs, mais ont été conquis par le palmarès. Ils font ce qu’ils veulent, mais je trouve ça un peu décevant. » Une déception que beaucoup de supporters lillois ne prennent à la légère. Entre convivialité et provocation, c’est à pile ou face. Et forcément, on retrouve cette dualité au stade, où l’instinct primitif prend de plus en plus le dessus. Théo souligne cette curiosité : « Avant, il y avait beaucoup de supporters marseillais dans les tribunes lilloises. Mais depuis quelques années, ces supporters ont plutôt tendance à cacher leur maillot. Avant, c’était presque bon enfant, là ça devient hostile. Moi, je viens voir un match, pas forcément supporter ma ville. Ce n’est que du foot. »
Par Maxime Delcourt