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On a passé une journée avec l’UNFP FC
Comme chaque été depuis 30 ans désormais, l’UNFP organise son stage d’intersaison à Lisses (91) avec une sélection d’une vingtaine de joueurs libres. Six semaines intenses sur le plan physique, tactique et mental où l’exigence attendue n’est autre que celle d’un club professionnel. Avec l’objectif évident pour les joueurs de retrouver un club, mais pas que.
Le coach Arnaud Cormier siffle la fin de la séance matinale, mais l’obtention d’un « Parfum de femme » est encore en jeu entre Albert Rafetraniaina et Guy Roland Ndy Assembé. Non pas que la fragrance soit réservée à la gent féminine puisque comme son nom ne l’indique pas, il s’agit en fait du cocktail star (mais sans alcool) de l’hôtel de Lisses où sont logés les joueurs de l’UNFP FC. Si Rafetraniaina marque son tir, à lui la victoire. L’ancien Niçois s’élance, enroulé pied droit, pleine lucarne. Ndy Assembé ne peut qu’observer son coéquipier exulter et se jeter pour célébrer sa victoire devant le reste du groupe, hilare.
Une ambiance très détendue, loin de la pression qui entoure cette dernière semaine de stage pour les 28 éléments présents. Une semaine pour travailler en groupe, se montrer lors des deux rencontres amicales prévues (Montpellier le 31 juillet, Strasbourg le 4 août) et espérer retrouver un club. Après, il ne sera pas forcément trop tard puisque le mercato court encore jusqu’à la fin du mois d’août. Il leur sera possible de capitaliser sur les bons résultats obtenus lors des précédentes rencontres de l’été (quatre défaites, trois victoires contre Chambly, Orléans et Châteauroux). Mais il en sera fini de la vie de groupe, du staff et des infrastructures mis à leur disposition.
« Hormis le top 5 de Ligue 1, il n’y a pas mieux »
Une heure et demie plus tôt, quand Arnaud Cormier et son staff de l’UNFP FC ont réuni les joueurs avant l’entame de l’entraînement, l’heure n’était pas aux rires. Un staff composé de membres à la recherche d’un projet, comme Cormier, ou recruté spécifiquement pour l’été. Parce que même s’il n’y pas de contrat au bout, ni de championnat en vue, tout est pensé comme dans une formation professionnelle. « Hormis le top 5 de Ligue 1, il n’y a pas mieux pour se préparer en avant-saison » , lâche Philippe Rossi qui s’occupe des réseaux sociaux et de la communication de l’équipe. « Aujourd’hui, le staff se compose d’une douzaine de personnes : préparateur physique, mental, entraîneur des gardiens, masseur, kinésithérapeute, ostéopathe… Vous êtes logés, nourris, avec des journées cadrées par horaires. Il y a des analyses vidéo, de la balnéo et des salles de musculation » , explique-t-il, maillot bleu de l’UNFP sur le dos.
Et pour cause, les garçons présents — qui ont entre 20 et 34 ans — exigent une certaine qualité dans ce qui leur est proposé. Bon nombre ont connu la Ligue 1 (Billy Ketkeophomphone, Mohamed Larbi, Arnold Bouka-Moutou…) et tous aspirent à retrouver une formation au plus vite. Et l’évolution du stage se ressent au fil des années : Philippe Durpes, aujourd’hui masseur, était venu comme joueur en 2000. « Un staff médical, c’est incroyable ! À mon époque, on avait une valise avec de la pommade » , s’amuse le champion de France avec Lens en 1998.
Imiter Bobby Allain et Jérémy Cordoval
Les joueurs sont sélectionnés en fonction de leur date d’inscription au stage : premiers arrivés, premiers servis. Seul critère : être adhérent à l’UNFP. Par l’intermédiaire de Pascal Bollini (directeur du stage) qui passe dans les écuries de L1, L2 et National, les pros en fin de contrat sont mis au courant dès le mois de février. Mais leur venue se fait dans les derniers instants, pour une durée indéterminée. « Malgré les contraintes, on vient pour mettre en place un projet de jeu » , affirme David Recorbet, entraîneur adjoint. « On a travaillé sur quelque chose de défensif, en fonction de notre philosophie, mais aussi des profils disponibles. Et c’est terriblement frustrant d’arriver en fin de stage alors que le groupe est prêt ! C’est du niveau première partie de tableau de Ligue 2, au moins » , lâche l’ancien joueur d’Auxerre aujourd’hui directeur technique à Pornic (R1). Du jour au lendemain, le groupe peut être amputé d’éléments : contrairement à un mercato classique, c’est ici un aboutissement. Entre 70% et 80% des joueurs du stage retrouvent une formation dans l’année. Pour ne citer qu’eux, Bobby Allain a signé à l’Olympiakos, alors que Jérémy Cordoval a rejoint Châteauroux ces derniers jours.
Un autre est proche de les imiter : Teddy Mezague. L’ancien du MHSC est parti en Écosse la semaine passée pour effectuer un essai avec Kilmarnorck. « Je suis parti cinq jours là-bas, avec en ligne de mire un match amical. Malheureusement, il a été annulé faute d’adversaire. Mais je suis satisfait de mes performances à l’entraînement. J’étais au niveau physiquement et tactiquement : ça n’a rien à voir avec le fait de prendre un préparateur physique seul chez soi » , avoue-t-il. La tentation, pourtant, de beaucoup de joueurs libres quand la fin de contrat arrive. Pour autant, le défenseur central ne veut pas s’enflammer : « Si jamais ils me voulaient vraiment, le coach m’aurait dit un mot en partant au moins. Là, rien. Donc je pense que ça ne va pas se faire, mais j’attends la réponse et on verra bien » , explique Mezague. Mais toutes les considérations du mercato s’éloignent le temps du repas à l’occasion duquel joueurs et staff se réunissent dans la salle de réception de l’hôtel.
Seul dans la nature
À la table du staff, les piques et les boutades amicales fusent dans la bonne humeur générale. Pascal Bollini chambre ainsi David Recorbet à propos de sa consommation gargantuesque de citron. « La dernière fois, au bar, une dame de l’hôtel m’a dit qu’un membre musclé du staff dévorait tous les citrons, plaisante-il. C’est parce que c’est un brûleur de graisse, c’est ça ? » Pour répliquer, l’entraîneur adjoint évoque le contrôle particulièrement raté du responsable du stage lors d’un récent entraînement. « C’est à l’image de ce que l’on veut proposer, déclare Philippe Rossi. Un peu de sérieux, mais aussi de la rigolade et de la bonne humeur. » En réalité, si le stage a décidé de rapprocher son image de celle d’un club en se renommant UNFP FC, afin de repousser l’étiquette « chômage » qui colle parfois à sa peau, le staff tente de se maintenir loin de la froideur du monde pro, en donnant une grande importance à la facette humaine. « On veut aussi véhiculer des valeurs, prolonge David Recorbet. Des valeurs humaines dont les clubs professionnels manquent parfois. »
En effet, certains joueurs présents au stage n’arrivent pas dans les meilleures conditions après avoir vécu des saisons difficiles, ou en nourrissant des doutes sur l’avenir. D’autres ont été victimes de la politique parfois agressive des clubs dans la gestion de leur contrat. C’est notamment le cas d’Alexandre Vincent, laissé libre successivement par Auxerre, son club formateur où il a subi lors des dernières années de son contrat une série de blessures successives, puis par Laval, pour des raisons économiques. « Sans l’UNFP, il se serait retrouvé seul dans la nature, probablement sans rien, explique David Recorbet. Les clubs devraient se remettre en question par rapport à leur traitement de certains joueurs, qui ne tient pas tant à des raisons financières qu’à des valeurs sans doute perdues à travers le temps. » De fait, c’est la deuxième fois en deux ans qu’Alexandre Vincent participe au stage de l’UNFP FC. « Je ressens un peu d’amertume du fait de ne pas avoir ma chance, déplore-t-il. Mais c’est la règle du jeu, et elle est chiante : on est des morceaux de viande qui peuvent bouger dans tous les sens. »
Stage de cohésion militaire et championnat de Uno
De ce fait, les responsables du stage ont décidé il y a trois ans de s’attacher les services d’un « préparateur mental » , Thomas Aupic, ancien gardien du Paris FC, chargé de créer un environnement positif autour des joueurs. « À l’heure actuelle, les joueurs sont considérés comme des numéros interchangeables, explique-t-il. Or, on ne peut obtenir la quintessence de la performance d’un joueur qu’en le considérant comme un homme : si le joueur n’est pas heureux dans sa vie, il ne sera pas bon sur le terrain. Donc les joueurs ont besoin de parler : ici, ils sont souvent renvoyés à l’étiquette de chômeur, sans club, en difficulté. L’idée, c’est de transformer cette perception pour en faire quelque chose de positif. » Le stage comprend donc un certain nombre de séances collectives, auxquelles s’ajoutent des séances individuelles proposées aux joueurs volontaires, afin de permettre aux participants de se connaître au-delà de leur numéro de maillot et de leur statut de footballeur. Un stage de cohésion militaire à la base de Montmorency a également été organisé en tout début de stage pour créer des liens de solidarité.
Des préceptes qui portent leurs fruits, puisqu’une ambiance positive irradie dans l’hôtel. Après le repas, des éclats de voix perturbent ainsi la quiétude quand Moussa Bana et Anatole Ngamukol décident de s’affronter autour d’une table de ping-pong. « On organise aussi un championnat de Uno avec sept ou huit joueurs » , précise Teddy Mezague. « L’ambiance est bonne malgré la situation compliquée, prolonge Guy Roland Ndy Assembe. La concurrence est saine, car contrairement à un club, on n’a pas de place à défendre. » Le staff s’attache en effet à assurer à chaque joueur le même temps de jeu. « Ils jouent une mi-temps chacun, précise Philippe Rossi. On évite ainsi que certains recherchent trop la performance individuelle. » Les joueurs s’y retrouvent : en majorité satisfaits, les anciens contribuent à véhiculer une image positive du stage en échangeant avec leurs confrères. De plus, Pascal Bollini a récemment reçu un message sympathique. Son auteur ? Ghislain Printant, qui était passé par l’UNFP FC quelques années plus tôt. « Si on m’avait dit à l’époque que je serais numéro 1 à Sainté cette saison, on se serait sans doute saoulé la gueule. » Une semaine avant la fin du stage, tout reste donc possible : à 14h, le silence se fait dans l’hôtel. En prévision des séances de l’après-midi, tous les joueurs se sont retirés dans leur chambre pour se reposer : le sprint final a d’ores et déjà commencé.
Par Valentin Lutz et Arthur Stroebele
Tous propos recueillis par VL et AS.
Photographies par AS.