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On a passé l’épreuve de philo du baccalauréat 2022
Par solidarité avec des milliers de lycéens appelé à bûcher sur la mythique épreuve de philosophie, nous nous sommes penchés cette année sur un des sujets proposés pour la filière technologique. Entre « La liberté consiste-t-elle à n’obéir à personne ? », « Est-il juste de défendre ses droits par tous les moyens ? » en dissertation et un commentaire de L’Encyclopédie de Diderot, c'est la première option qui a retenu notre attention. Un exercice garanti sans perle et dans les délais impartis.
La liberté, quelle notion si vague ! L’homme libre, opposé à toute sorte de doctrine déterministe et fataliste, c’est celui qui s’affranchit de toute contrainte, qui peut vanter son indépendance la plus totale. C’est celui qui ne dépend de personne, ni de rien. Mais quelles bornes donner à cette liberté ? Liberté d’agir ? Liberté de penser ? Par opposition, cette notion est à mettre en perspective avec celle d’obéissance, qui rappelle une certaine soumission à une entité. En somme, il convient de se demander si liberté et obéissance peuvent être interdépendantes. Dans un premier temps, nous verrons que la liberté consiste, en effet, à faire abstraction de toute obéissance. Nous analyserons ensuite dans quelle mesure la liberté est également associable avec l’obéissance, afin d’en tirer les conclusions nécessaires.
Dans l’hypothèse où la liberté consiste à se défausser de toute contrainte, alors en effet, n’obéir à personne est une condition maîtresse de ladite liberté. N’obéir non seulement à « personne » en tant qu’individu, mais aussi en tant que concept. Concernant l’aspect dit « humain » de l’obéissance, l’homme libre est, par définition, totalement disposé à ignorer les consignes extérieures. Un grand philosophe, Didier Deschamps, confiait sa liberté de penser la plus totale dans la publication So Foot. « Si tu gagnes, tu as raison, quoi que tu aies fait », se défendait-il. C’est une pensée qui lui est propre. Vraie ou non, il n’obéit à aucun principe, alors qu’un homologue pourrait lui exposer un avis contraire, en supposant qu’il est possible d’avoir tort en ayant gagné ou raison malgré une défaite. Mais il est du chef de Deschamps de penser ainsi et personne ne pourra s’opposer à ce qu’il pense de cette manière.
Et puis, la liberté d’agir est aussi une ode à la désobéissance. En février 2021, le gardien de Brest Sébastien Cibois tente un dribble osé sur le Lyonnais Lucas Paquetá. Résultat, il se fait chiper le ballon par le Brésilien, qui n’a plus qu’à le pousser dans la cage déserte, et précipite la défaite des siens. « On avait parlé avec Sébastien de ce genre de crochets. Visiblement, ça n’a pas percuté dans la tête. Les erreurs, il faudra les assumer », déclare par la suite son entraîneur, Olivier Dall’Oglio. Preuve que la liberté consiste à n’obéir à personne, puisque malgré la contrainte selon laquelle Cibois était défendu de s’amuser de la sorte, le portier a désobéi. Et c’était de son ressort, sa liberté de le faire.
À l’inverse, plusieurs pistes laissent à penser que la liberté et l’obéissance peuvent cohabiter. Par exemple, Mauricio Pochettino est un homme totalement libre. Factuellement, rien ne l’empêche de remplacer Kylian Mbappé ou Lionel Messi après 60 minutes absolument infâmes. Et pourtant, c’est comme si une force extérieure l’en défendait. Et c’est le cas : l’entraîneur est soumis au talent de ses joueurs qui peuvent débloquer une situation à tout moment, soumis aux exigences de ces mêmes joueurs qui, de par leur statut, se permettront un caprice en étant remplacés. Soumis aux conditions contractuelles, aussi. Malgré ces contraintes, l’entraîneur, dans les faits, a toujours la possibilité de remplacer ses joueurs importants. L’entraîneur est donc libre, tout en se devant par la force des choses d’obéir à certaines contraintes, certaines personnes.
Le sport s’avance aussi comme un parfait exemple du lien entre liberté et obéissance. La nature du football veut que la liberté soit intimement liée à un sentiment d’obéissance. Par définition, obéir à son entraîneur, à sa hiérarchie. Pour gagner, il faut respecter des consignes, un schéma de jeu, une tactique, des dispositifs, des rôles, des postes. Et de ces nombreuses contraintes et exigences découlera la liberté des joueurs sur le terrain. Liberté de penser en analysant qu’il vaut mieux adresser une passe à untel plutôt que tirer, et liberté d’agir, conséquence, dans ce cadre, de celle de penser.
En somme, l’homme libre est disposé à ne pas obéir, mais s’expose à des conséquences et représailles. C’est en quelque sorte la définition du dilettantisme : ce dernier se base sur une liberté constante. Celui qui vit en dilettante aime avoir le monopole de sa liberté, et n’a que faire des remarques extérieures. Il vit pour lui, endosse le rôle de l’homme libre, désobéissant par nature et soumis à des contraintes faisant de l’ombre à sa liberté qu’il contournera.
Ainsi, l’incarnation de cette problématique ne serait-elle pas le personnage de Memphis Depay ? La conclusion de cette réflexion voudrait que la liberté la plus profonde consiste effectivement à faire abstraction de toute entité extérieure, puisque rien ni personne n’empêche l’homme libre d’agir ou de penser. Mais si un élément vient obstruer le chemin de l’homme libre, ce dernier possède les moyens de conserver sa liberté malgré des aspects étrangers venus la perturber. Blind and deaf to the world, « aveugle et sourd face au monde », aime répéter le Batave à l’envi. Une sorte de liberté qu’il s’octroie malgré les contraintes imposées par le monde.
PS : Si un professeur de philosophie veut nous offrir un corrigé, nous sommes preneurs !
Par Clément Barbier, minot de promo