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On a maté Nantes-Auxerre à La Baule
Nantes-Auxerre sera toujours une des affiches mythiques de la première Division d’antan. Aujourd’hui, elle est devenue un vulgaire match de préparation de Ligue 2. Compte-rendu depuis La Baule, station balnéaire, où les « ultras » nantais se mêlent à un arrivage de touristes.
Nantes – Auxerre : 1-0But : Djordjevic (90e) pour Nantes
Dans les nineties, une telle rencontre avait sa place en prime-time de la chaîne cryptée. Paga se serait promené entre les deux guérites : Reynald Denoueix, lunettes au nez, faisant vis-à-vis à Guy Roux, bonnet fixé au crâne. Avec ses huit titres hexagonaux au compteur, le FCN (FCNA pour les nostalgiques) reste toujours le troisième club le plus titré de France. Du côté de l’AJA, les Icaunais n’ont qu’une seule breloque et beaucoup de faits de gloire à afficher (si seulement Stéphane Mahé…). Ce sont aussi, et surtout, deux des plus fameuses pépinières de talents de France. Les Blanc, Cantona, Desailly, Deschamps, Makelele s’y sont aguerris. Tout le monde en conviendra, Rennais comme Dijonnais (rivalité oblige), ces deux institutions sont des monuments du ballon rond sauce cocorico. Sauf qu’en ce 14 juillet, aucune des deux équipes n’est à la parade. La crise n’épargne personne…
La grogne contre les horaires
Ce match de préparation pour la rentrée en Ligue 2 se déroule à La Baule, paisible station balnéaire de Loire-Atlantique. La cinquantaine de kilomètres qui la sépare de la cité des ducs de Bretagne permet à certains supporters canaris de faire le déplacement. Ces « ultras » , comme ils aiment à se faire appeler, font la gueule. En cause, les nouveaux horaires des rencontres de la seconde division. « Avec des matchs à 18h45 le vendredi, on ne pourra se rendre tous au stade. Alors les déplacements, ils sont fortement compromis. Ce n’est pas vraiment contre beIN que l’on en a, la faute revient à la Ligue et à Thiriez » , se lamente Jonathan, membre actif des Magic Canaris. Même son de cloche chez ceux de la Brigade Loire, plus nombreux, plus virulents, plus craints. Alors la sécurité de la Beaujoire a fait le déplacement à Moreau-Desfarges (sobriquet de l’enceinte bauloise) accompagnée de la police nationale, municipale et d’une agence privée… À la guerre comme à la guerre, comme disait l’autre.
Aux alentours de 18 heures, entre un millier et 1500 individus entourent le pré. Même la météo y met du sien : sous la pluie toute la semaine durant, la bourgade où se déroulera la prochaine université d’été du FN goûte à nouveau au joie du soleil. « Un temps idéal, explique-t-on. Du soleil et du vent, les gens peuvent sortir, mais pas pour aller à la plage. » Conséquence immédiate, les parkings environnants se voient remplis de plaques d’immatriculation parisiennes. Loin de cacher de dangereux hooligans en puissance, ce sont pour la plupart des touristes ou des amateurs de ballon rond du dimanche. Alors, au moment du coup d’envoi donné par l’arbitre Christian Guillard, la ferveur se fait plus sentir à la buvette que dans la seule et unique tribune.
Les « très belles interventions » de Trebel
A contrario d’un grand nombre de matchs amicaux, celui-ci offre son lot de surprises. Entendons, par là, de bonnes surprises. Sur la pelouse, un certain nombre de patronymes rappellent au bon souvenir les joutes de Ligue 1. Les Le Tallec, Sorin, Kapo, Coulibaly font face aux Pancrate, Riou, Bangoura. Rien à voir avec une dream-team, mais les deux onze ont de la gueule. Et surtout, les 22 acteurs ont décidé d’envoyer du jeu, un peu. À la 9e minute, suite à un décalage tout en délicatesse de Pancrate, Bangoura fusille à bout portant Sorin. Dommage pour l’ex-Manceau, le Bourguignon offre son corps à l’AJA et évite l’ouverture du score. Mais la vrai hype de ce premier acte est roux, pèse 60 kilos tout mouillé et n’affiche que 21 piges au compteur. Lui, c’est Adrien Trebel, pur produit de la Jonelière. Dans son royaume du milieu, il distribue, percute, dribble. Ce qui lui vaut quelques punchlines, plus ou moins bien senties. Ainsi « les très belles interventions de Trebel » font marrer leur monde. Pour son coach Michel Der Zakarian, ne lui manque que la « justesse dans la dernière passe » .
Après 45 minutes sympathiques, le tableau d’affichage de Moreau-Desfarges renvoie les ouailles de Jean-Guy Wallemme et Canaris aux vestiaires sur un score nul et vierge. Un 0-0 qui doit plus à la maladresse qu’au manque d’occasions. Après quelques demis et sandwichs à la rillette, le second acte reprend ses droits. Malgré une belle praline de Pancrate sur la barre dès la reprise, les jambes des 22 joueurs sont plus lourdes, les enchaînements plus approximatifs. Alors les deux coachs s’égosillent. Pour rien. Mais en bon samaritain qu’il n’est pas, le longiligne Djordjevic se décide enfin à cadrer une frappe. Ou plutôt un coup de casque. On joue la 90e et dernière minute de la rencontre, quand le Serbe, sur un énième débordement d’Issa Cissokho (le frangin d’Aly), fusille Sorin à bout portant. 1-0, fin du match.
Un AJA dans le dur, un FCNA confiant
Il est 20 heures passées. Dans les couloirs, l’ambiance est aux retrouvailles. Riou et Hengbart – blague à part, quelle tristesse de voir évoluer en Ligue 2 celui qui a envoyé Auxerre en Champion’s il y a deux ans de cela – parlent du billard du gardien du FCN. Adama Coulibaly attend devant le vestiaire canari d’où sort une musique au goût douteux (un son rappelant un Justin Bieber pour adulte). De leur côté, les deux coachs font les comptes. Tandis que Jean-Guy est « déçu d’avoir offert la victoire à des Nantais qui jouent bien » , Michel souhaite « du mieux dans la finition » . À deux semaines de la reprise, les Ajaïstes ont encore du pain sur la planche. Car pour le fond de jeu, il faut encore attendre. Du côté des pensionnaires de la Beaujoire, le temps du « jeu à la Nantaise » est encore loin, mais les signaux envoyés sont encourageants. Sous le bruit des mouettes, les spectateurs quittent le stade municipal de La Baule en se demandant si « ce ne serait pas enfin la bonne année pour Nantes » . Avant de le savoir, ils ont un feu d’artifice à aller apprécier.
Par Robin Delorme à La Baule