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On a été voir Clément Turpin sur scène

Par Arnaud Clément
On a été voir Clément Turpin sur scène

Lundi soir, l'arbitre international Clément Turpin sur ses terres bourguignonnes, à Mâcon, pour la seconde représentation de sa conférence-one man show intitulé M'sieur l'arbitre !. Avec un résultat plutôt réussi concernant le but recherché : amener les spectateurs à penser autrement sa fonction qu'à travers la critique.

Plus jeune Français nommé arbitre international, plus jeune référé à avoir dirigé une finale de Coupe de France, à moins de 30 ans, Clément Turpin a ajouté à sa collection de jeune premier : se prendre au jeu de monter sur scène devant un public pour aborder sa fonction volontiers décriée et tenter de changer le regard des néophytes et des acteurs du ballon rond. Avec une promesse, faite dans la presse locale : « Le spectacle est écrit de façon ludique, très concrète. Et même un peu provocante, pour tordre le cou à certains clichés. (…) J’ai juste l’ambition de faire passer un bon moment en donnant un message rock’n’roll de l’arbitrage. » Bon, pour le côté provoc’, ce n’est pas du Desproges dans le texte. Ce projet, il le mûrît depuis sept ans, lui qui tient déjà des réunions de pédagogie dans les clubs, de par son rôle de conseiller technique régional de l’arbitrage. Il l’a mis en pratique avant et après avoir officié lors du derby à Geoffroy-Guichard : samedi à Montceau-les-Mines, ville de son club depuis son jeune âge, puis lundi soir à Mâcon, ville préfecture, au complexe Cinémarivaux, dans une salle aux fauteuils rouges de 400 places remplie seulement à moitié. Jeunes joueurs, entraîneurs, dirigeants et bien entendu arbitres affiliés à l’Unaf pour l’essentiel, le public est venu avant tout voir une réussite du football local, plus qu’un « corbeau » sur lequel il faut taper.

Quand bien même il aurait eu les dossiers d’un Chapron ou d’un Duhamel collés à ses basques, Clément Turpin aurait peut-être réussi son pari de faire changer les regards après 1h30 d’une partie assez finement jouée. 90 minutes, avec deux mi-temps comme sur le pré : une première plutôt didactique pour évoquer dans sa globalité son métier, sa complexité, ses difficultés, avant une seconde plus ludique où le public était amené à prendre des décisions à sa place, vidéos à l’appui. « Pardon, à prendre les bonnes décisions, parce que vous savez ce qui se passe au bord de la plaine de jeux si elle n’est pas bonne… C’est bon, vous visualisez ? Comptez sur moi pour critiquer et contester si ce n’est pas le cas » , pose-t-il d’emblée. Sourires dans la salle, « il n’y a pas de raison de se planter » , peut-on lire sur les visages. La conférence commence, malgré quelques problèmes techniques pour faire dérouler son power point, sans parler de polices utilisées et de couleurs complètement improbables façon clip des nineties sur les slides. Et de suite, l’assistance place toute son attention sur le débit fluide et les mots de l’intéressé, à des années-lumière du vocabulaire convenu, type sanction administrative. Le garçon est proche de son auditoire.

Arbitre, c’est aussi être comédien

Premier point de son propos : qu’est-ce qu’un arbitre ? Quatre points clés selon Clément Turpin. D’abord un sportif capable d’avaler entre 11 et 13 km par match, données à l’appui, qui s’entraîne, seul ou avec son club et envoie ses données à un préparateur physique de la FFF avant retours et conseils. Ensuite un juriste, maître des lois du jeu. « Ces deux points, ce n’est pas compliqué si on veut. Par contre, le troisième, la lecture du jeu, l’intelligence et l’adaptation selon le contexte, cela demande beaucoup de temps. » Et d’illustrer par un cas concret : « Quand on prépare un match, on sait quels joueurs peuvent aller provoquer l’adversaire grâce à leur technique, aller jouer des duels, on en connaît tous. Est-ce que ça m’intéresse d’être à 10 ou 15 m de l’action, en retrait, comme le stipulent les lois du jeu, si ce joueur percute et va rentrer dans la surface ? Non. » Dernier point de la définition turpinienne de l’arbitrage ? La comédie, oui oui ! Avec une question simple, mais à la réponse efficace. « Si je vous demande de me citer de grands arbitres, à qui pensez-vous ? » Réponses unanimes de la salle. « Wurtz, Collina, c’est bien ce qui me semblait. Alors que vous ne sauriez me donner un match précis de leur part. Je crois au côté transmission d’émotions de l’arbitrage. Si tout va bien, on doit pouvoir le montrer, et muscler notre jeu quand ça se passe mal. » Comme Nicolas Rainville avec Edinson Cavani au Stade de France contre Lens ?

S’ensuit alors le chapitre « Aimez-vous les uns les autres » destiné à tous les autres acteurs du ballon rond cotoyé pour réfléchir en profondeur sur l’ingratitude de la fonction. D’abord avec un plaidoyer sur le fait qu’être arbitre, et contrairement aux joueurs, c’est aimer le foot, mais dans son coin. « L’arbitre fait le même sac que vous le dimanche matin, tout en sachant qu’il va se faire contester. Donc imaginez son état d’esprit… Il va laisser la même femme que vous le dimanche. Enfin non pas la même femme que vous, pardon (rires)… Il va faire la route tout seul, va vivre des émotions pendant un match et rentrer ensuite, seul. Ce n’est pas aimer son activité et le football plus largement ? » Avant de lancer des passerelles entre des actions de joueur et de référé, pour montrer que même si on n’a pas le même maillot, les gestes qui leur incombent ne sont pas si opposés qu’on peut le penser… Laisser un avantage sur une offensive ou caler une talonnade, c’est avantager le spectacle. Une fois, CT s’était fendu d’un osé « Hey coach, c’est aussi grâce à moi » après une action de ce genre amenant un but. Tirer ou siffler un penalty à la 88e, c’est prendre ses responsabilités. Rater un but à deux mètres de la cage ou ne pas voir un penalty évident à la 88e, c’est faire une erreur qui va influer sur le jeu. Imparable. Le public acquiesce, encore plus lorsqu’il s’agit de reconnaître qu’un attaquant se signant d’un gros loupé n’est pas qualifié et « encouragé » de la même façon que le 23e homme. Non sans humour au moment d’illustrer les réactions des uns et des autres sur et en dehors du terrain, avant une conclusion moraliste, toutefois efficace : « Si on pouvait éviter tout ça, ça ne ferait pas changer la décision certes, mais ça ferait du bien à mon arbitre déjà bien sollicité et surtout à l’image de notre sport. »

« Bienvenue dans le monde de l’arbitrage ! »

Après quelques applaudissements de circonstance, Clément Turpin donne le coup d’envoi de la seconde mi-temps interactive. Munis de carton blanc (pour laisser jouer), jaune et rouge, les spectateurs sont invités à réagir à neuf situations projetées sur grand écran, avec un seul coup d’œil avant ralenti. « S’il y a un sans-faute, il y aura récompense » , balance-t-il avec un sourire en coin. Il a raison de se marrer vu la suite des événements. Les trois premières, un tacle propre, une charge sur un gardien et un tacle les pieds levés, ne posent pas trop de problèmes, malgré déjà quelques erreurs de jugement. Puis vient un Nigeria-Corée du Sud, où un joueur africain s’écroule grossièrement au coude à coude en entrant dans la surface. La salle est unanime, simulation ! Clément Turpin en sourit : « Et bien voilà, vous avez faussé le cours d’un match de Coupe du monde. Chapeau ! » Effectivement, un bon gros tirage de maillot précède la chute de l’attaquant. « Et voilà comment une erreur de jugement va nourrir des légendes urbaines. Alors que l’arbitre s’est simplement trompé. Moi-même en le voyant la première fois, j’ai pensé comme vous. Et pourtant… » Avant de montrer le coup de coude de De Rossi contre les USA en 2006, pas évident de prime abord à l’écran. Et le maître de cérémonie d’asséner : « L’arbitrage, ça tient à deux pas de différence. À un joueur qui ne passe devant le champ de vision. À vraiment pas grand-chose, même si on fait tout pour le voir… Bienvenue dans le monde de l’arbitrage ! »

Résultat des courses après l’échantillon visionné, aucun 0% d’erreur parmi le panel. Et une bonne réflexion pour chacun sur la complexité de l’univers du match à haute tension et intensité, avec de la communication et de la prise de décision à risque à grande vitesse en guise de silence et de rires gênés. Mission accomplie, l’acteur de la soirée a réussi son pari. L’occasion d’une synthèse plus philosophique pour Clément Turpin : « C’est un rôle unique et nécessaire, avec ce besoin d’appartenir à un groupe de personnes, pendant un match, et en même temps d’avoir un rôle à part entière. » Avant une séquence touchante de sincérité lorsque l’homme a signalé son bonheur et les moments qu’il a pu vivre grâce à sa passion : « J’ai pu connaître des ambiances folles en Turquie, j’ai aussi vu des impacts de balle pas très loin du stade lors d’un déplacement à Belgrade, à Cayenne pour un 32e de coupe et pouvoir visiter le centre spatial de Kourou et d’autres choses… Cet été, j’ai eu la chance d’aller arbitrer à San Siro en août. Ah San Siro (rêveur)… Avec mes collègues arbitres, nous avons pu nous entraîner à quatre sur le terrain, seuls, sous un beau soleil d’été. Un vieux monsieur était venu avec les clés nous l’ouvrir, juste pour nous quatre. C’est extra de pouvoir vivre ça grâce à sa passion. Et je dis pas ça pour susciter des vocations. Mais s’il y en a… » On va pas s’en plaindre ! N’est-ce pas, l’artiste ?

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