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On a écumé le bar dédié à Rudi Völler

Par Ali Farhat et Sophie Serbini, à Berlin
6 minutes
On a écumé le bar dédié à Rudi Völler

À Berlin, dans le quartier de Prenzlauer Berg, se dresse un bar qui porte le doux nom de « Tante Käthe », le surnom de Rudi Völler. Un endroit qui respire le football, entre bouquins, photos, baby foot et écrans géants, sans oublier les diverses références disséminées un peu partout à celui qui a fait les beaux jours du Werder Brême, de l'AS Rome ou encore de l'Olympique de Marseille.

À quelques mètres seulement de ce qui fut pendant plus de 40 ans la ligne de démarcation entre Berlin-Est et Berlin-Ouest, et juste devant l’entrée du fameux Mauerpark, se trouve Tante Käthe. Dans le district de Prenzlauer Berg où le bar se dresse – et même dans une bonne partie de l’Allemagne qui aime le foot -, tout le monde connaît cet endroit. Et pour cause, le lieu est l’un des rares dans le pays à être dédié complètement au football. Un peu à l’image du « Stadion an der Grünwalder Straße » de Munich, l’endroit n’est ouvert que quand il y a match. Mais si le lieu a atteint assez rapidement une certaine renommée – à tel point qu’il se retrouve maintenant dans les pages de la plupart des guides touristiques de la ville -, ce n’est pas simplement parce qu’il respire le football. Non, si l’endroit attire l’habitué comme le mec de passage, c’est parce que comme son nom et son logo (présent jusqu’au jeton pour la consigne) l’indiquent, il possède une petite particularité, celle de vouer un culte à un seul homme ou presque : Rudi Völler.

Pourtant, l’ancien attaquant de l’OM n’est pas originaire du coin, et n’a jamais joué à Berlin. « On a nommé le bar ainsi parce que Völler, c’est l’un des attaquants les plus importants de l’histoire du football allemand, nous étions fans de lui quand nous étions jeunes » , explique Lothar, 44 ans, co-propriétaire des lieux avec deux amis et qui officie souvent derrière le comptoir. « On aime bien son caractère, le fait qu’il démarre parfois au quart de tour et s’énerve pour un rien. Il est dans l’émotion. Et puis, l’image où il se fait cracher dessus par Frank Rijkaard lors de la Coupe du monde 1990 nous a marqués. » Au début des années 2000, quand les trois acolytes ont commencé à organiser des sessions de public viewing dans le Mauerpark, Rudi Völler était alors le sélectionneur de la Nationalmannschaft. Du coup, lorsqu’ils ont décidé d’ouvrir un bar, il ne pouvait donc pas s’appeler autrement que « Tante Käthe » , le surnom de Rudi. Un sobriquet qui, selon la légende, lui aurait été attribué par un coéquipier dans les vestiaires après une rencontre internationale. Le fameux coéquipier (probablement Thomas Berthold, originaire de Hanau, comme Rudi) qui, à la vue de la tignasse de Völler, aurait balancé : « Eh, tu ressembles à ma tante Käthe ! »

Canapés chinés, baby-foot et autel pour Rudi

Pour apprécier au mieux « Tante Käthe » , il faut s’y rendre pour un gros match. En ce sens, l’affiche entre le Bayer Leverkusen (dont Völler est le directeur sportif) et le Bayern Munich comptant pour la 20e journée de Bundesliga est parfaite. Quelques minutes avant la rencontre, des supporters bavarois prennent place sur les chaises devant l’écran géant, tandis que sur le côté, d’autres s’installent sur les vieux canapés et les fauteuils en cuir marron, bien larges et bien confortables, pour suivre le match sur une télévision, géante elle aussi. Ce qui frappe lorsqu’on visite les nouveaux locaux – Tante Käthe a en effet déménagé après avoir habité pendant quelques années au sein même du Mauerpark – c’est l’esprit « paillote » qui y règne. Il est en effet assez rare que les murs des bars allemands soient tapissés de roseaux. Sur ces derniers, des photos de footballeurs en noir et blanc, tirées par le biais d’une imprimante bon marché, sont affichés. Et force est de constater que Rudi Völler n’est pas le seul à avoir le droit à son portrait. Robben, Schweinsteiger, Ronaldinho ou encore Rooney sont présents pour veiller sur les fans. Il y a aussi quelques baby-foot, ainsi qu’une bibliothèque bien bancale avec des ouvrages sur l’Euro, la Coupe du monde, ou encore sur les clubs berlinois. Aux toilettes, les maîtres des lieux ont affiché les phrases les plus débiles prononcées par des footballeurs allemands, dont une de Toni Schumacher, au sujet d’une panne électrique lors de son jubilé : « Ça aurait pu se passer en Turquie. Mais pas ici, dans le monde civilisé. »

Bref, tout est fait pour que le fana de football se sente dans son élément. Mais ce qui a fait la renommée de « Tante Käthe » ces dernières années, c’est l’ « attraction » qui se trouve sur le comptoir. À côté du dernier 11 Freunde, un autel dédié à Rudi Völler trouve sa place. Sur un petit tapis de mousse vert, les propriétaires ont installé divers objets à la gloire de leur joueur préféré. On y trouve photos, médailles, bouquins et tout un tas d’autres trucs résolument kitsch. L’idée étant que les clients peuvent venir effectuer des « sacrifices » sur l’autel du dieu Rudi en déposant n’importe quel objet dans l’espoir que cela porte chance à leur équipe.

Le QG des fans exilés

La déco ne ressemble donc à rien, mais en même temps à tout. Le genre d’endroits qu’on ne trouve qu’à Berlin. Pourtant, Lothar n’est absolument pas berlinois, mais bavarois. « Munich, c’est un grand village. Tout le monde est gentil, mignon. Moi, je voulais la ville, la vraie, sale, moche et méchante. Donc je suis venu à Berlin » , ironise-t-il. Supporter du FC Bayern, il suit entre deux bières servies le match de son équipe qui lutte contre un Bayer Leverkusen survolté. Ce jour-là, il ne peut compter que sur le soutien de quelques supporters bavarois, la majorité des clients arrivés juste avant le match hurlant pour Leverkusen. Ou plutôt souhaitant une défaite du Bayern. Les plus excités sont évidemment les supporters du Borussia Dortmund arrivés directement de l’Olympiastadion et qui, après le match nul de leur équipe contre le Hertha quelques heures plus tôt, espèrent une défaite du triple champion en titre. Celle-ci n’arrivera pas, le Rekordmeister réussira tant bien que mal à rentrer avec le point du nul, mais le match intense et complètement fou a régalé les clients. Nombreux cette après-midi, ils le sont encore plus lors des soirées de Ligue des champions. Ou encore de 2. Bundesliga. Car depuis quelques années, de nombreuses associations de fans exilés à Berlin viennent ici. Celle de l’Arminia Bielefeld par exemple, ou encore celle du SC Fribourg. Leurs écharpes sont d’ailleurs fièrement accrochées aux murs du bar. Malgré l’engouement et la passion que suscite l’endroit, Lothar et ses potes attendent toujours la venue d’un seul homme, « Tante Käthe » évidemment. « Nous savons que Thomas Gottschalk (le Jean-Pierre Foucault allemand, ndlr) lui en a déjà parlé, mais il s’en fout » , raconte avec le sourire Lothar, qui connaît bien la réputation du bonhomme. Ceci étant, il assure que « l’invitation tient toujours » . La raison est assez simple : « Il n’y a qu’un seul Rudi Völler » .

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