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On a échangé nos coachs
Les retrouvailles ce dimanche entre Marcelo Bielsa et l’OM, couplées à celles entre Rudi Garcia et le LOSC, devraient garantir leur lot de nostalgie. Car c’est sous les ordres du technicien qui leur fait face aujourd’hui que ces clubs ont connu leurs derniers émois footballistiques. Reste à savoir qui a gagné au change.
Ce dimanche soir sera diffusé le genre de docu-réalité qui aurait très bien pu remplir les grilles de l’après-midi sur M6. Un programme avec un pitch simple : deux familles, l’une marseillaise, l’autre lilloise, que tout semble opposer sur le papier, décident d’échanger leur coach pour remettre de l’ordre dans leur maison respective. En Provence, le chef de famille, Frank McCourt, a accueilli la saison dernière l’ancien Lillois Rudi Garcia, pour enclencher un nouveau cycle. Dans le Nord, si le projet en est encore à ses prémices, Gérard Lopez a ouvert sa porte au mage phocéen Marcelo Bielsa.
Mon incroyable fiancé
En arrivant dans leur nouveau foyer, les coachs ont découvert la liste des courses sur le frigo avec un intitulé accrocheur : « OM Champions Project » pour l’un, « LOSC Unlimited » chez l’autre. Des mantras qui doivent leur parler, tant ces objectifs ressemblent exactement à ceux réalisés il y a peu dans leur ancien domicile. « J’aimerais faire avec l’OM ce que j’ai fait avec le LOSC » , clamait Garcia au moment de son intronisation à Marseille. Car si Bielsa et lui peuvent bien se targuer d’une chose, c’est qu’ils étaient chacun à la tête de la dernière version sexy de leurs anciens clubs.
À Lille en 2011, le titre de champion a dépassé le stade de projet sous la direction du coach français. Rudi Garcia avait alors redonné le goût de la victoire à des Dogues à la diète depuis le milieu des années 1950, grâce à un doublé championnat-coupe. Pour sa troisième saison à Lille, le successeur de Claude Puel s’appuyait alors sur un groupe arrivé à maturité et sur une attaque de feu (94 buts inscrits en 56 matchs) menée par le trio Hazard-Sow-Gervinho. Le point culminant de son ascension nordiste. À Marseille, l’OM de l’Argentin a longtemps nourri des ambitions illimitées lors de l’exercice 2014-2015. El Loco n’a pas décroché de trophée, mais a gagné bien plus : l’amour des supporters et un crédit dont aucun entraîneur marseillais n’avait bénéficié depuis Éric Gerets. L’Olympique de Marcelo, c’était un style de management qui bousculait les codes, un système de jeu résolument offensif, des talents révélés (Imbula, Mendy, Batshuayi), confirmés (Ayew, Lemina, Thauvin) ou relancés (Payet, Gignac, Morel) permettant à l’OM de virer en tête à la trêve hivernale. En six mois, Bielsa avait mis tout le monde d’accord.
L’amour est aveugle
Bien en place dans les albums de famille, ces souvenirs dorés ont pourtant été ternis par les difficultés post-succès. Là même où elles se sont imposées, les méthodes Bielsa et Garcia se sont usées. Bien que terminant européen les deux saisons suivant le titre, Rudi Garcia n’aurait pourtant pas su assurer les lendemains de fête. Sont mis en cause sa gestion court-termiste qui aurait laissé les finances du club exsangues et empêché l’émergence d’une nouvelle génération lilloise pour assurer l’avenir. « Puel était un formateur, il travaillait avec les jeunes. Garcia, c’est l’opposé » , comparaît Grégory Tafforeau, figure emblématique du club, sur le plateau de SFR Sports. « Ce qu’il veut, c’est avoir les finances pour acheter à l’extérieur, ce qu’il a fait à Lille. Il a complètement délaissé la formation. Aujourd’hui, on voit les ravages. » Des pots cassés qu’auraient payés ses successeurs Girard, Renard et Antonetti. Même coup de blues à Marseille, après une deuxième partie de saison décevante et des relations tendues avec la direction. Fragilisé, l’Argentin finira par claquer la porte après le premier match de la saison 2015-2016 face à Caen. « Un gros coup de massue » , pour reprendre les mots du capitaine Mandanda, dont l’OM a mis plusieurs mois à se remettre, sans que le Doliprane Michel ou le placebo Franck Passi ne fassent effet.
Pendant que leurs clubs se remettaient de la rupture, Rome a été un carrefour pour les deux hommes. En Italie, le Français s’est confronté à l’exigence d’un club d’envergure européenne tel que l’AS Roma, tandis que Bielsa a montré qu’il pouvait planter n’importe qui, posant un lapin à la Lazio à l’été 2016. Ce qui n’a pas refroidi les prétendants dans l’Hexagone. Garcia choisi par McCourt, Bielsa longuement courtisé par Lopez, chacun a été désigné par les nouveaux proprios comme le pompier idéal pour éteindre le feu allumé par l’autre. Une situation cocasse avant un double date entre ex, dont les convives ne sont pas tous au même point.
La revanche des ex
En un an, Rudi Garcia a évidemment pris de l’avance dans sa mission vis-à-vis de son homologue. La saison dernière, le coach marseillais s’est adapté à son nouveau cadre de travail et a assuré l’essentiel en stabilisant l’équipe. De plus, il a pu récupérer certains meubles du vestiaire de Bielsa (Payet, Mandanda, Thauvin) tout en y ajoutant ceux sur lesquels il avait pu s’appuyer dans le passé (Pelé et Vainqueur l’an dernier, Payet et Rami aujourd’hui, Cabaye et Debuchy ayant été également approchés). Cette année, Garcia imprime ses propres règles, combativité et audace, même si les premières semaines furent laborieuses. Un Marseille certes moins flamboyant que lors de sa période bielsiste, mais un Marseille cinquième de Ligue 1 qui s’arrache pour être dans les temps de passage.
À Lille, depuis quatre mois, Bielsa a débarqué dans un appartement non meublé où tout était à refaire. L’actuelle dix-neuvième place au classement prouve qu’El Loco devra s’accrocher pour confirmer les espoirs placés en lui. Surtout que des voix commencent à s’élever en interne et dans le vestiaire lillois. Prendre sa revanche face à son ex serait le meilleur moyen pour lui d’éviter d’être déprogrammé sur une autre chaîne. Chez les Rouges de Lille, la sentence pourrait vite devenir irrévocable.
Par Mathieu Rollinger