- Foot amateur
On a discuté avec Eric Rosenfelder, l’un des arbitres qui a renoncé à ses indemnités pour soutenir les clubs
Pas de spectateurs + pas de buvette = pas de recette. L'équation est on ne peut plus simple pour Eric Rosenfelder. Ce magasinier cariste enfile chaque semaine sa tenue d'arbitre en Alsace. Le week-end dernier, il a lancé une opération de soutien aux clubs en renonçant à ses indemnités, une initiative suivie par nombre de ses collègues. Un pour tous, tous pour un.
Depuis combien de temps arbitrez-vous ?J’ai commencé à l’âge de 15 ans, j’en ai 41 maintenant, donc c’est ma 26e année. J’ai arbitré jusqu’en division d’honneur à l’époque et en ce moment, je suis en district, dans le Bas-Rhin.
Comment est née l’initiative qui s’est manifestée ce week-end ?J’ai discuté avec mon président de l’AS Uhrwiller, Stéphane Weber. Je fais partie du comité du club et comme on est assez investi, on sait ce qui s’y passe, on connaît les problèmes. On s’est dit, avec Cyril Suss et d’autres arbitres, qu’il fallait essayer de trouver une solution pour aider les clubs. Ils risquent de se retrouver en cessation de paiement si ça continue comme ça. On voulait faire une petite opération coup de poing, tout simplement.
Comment ça s’est mis en place ?On a joint la page Foot Alsace, qui a partagé tout ça. D’un coup, ça a pris de l’ampleur, c’est assez impressionnant. On ne s’y attendait pas du tout ! On a de plus en plus de retours d’arbitres qui ont fait la même chose d’ailleurs, qui ont aussi laissé leurs frais. On a l’impression que ça a pas mal été suivi. Je vois ça de plus en plus sur les réseaux.
Où avez-vous arbitré ce week-end ?J’étais à Niederbronn, en D5, pour Niederbronn – Climbach. C’est à 12 kilomètres de chez moi. Ça représente environ 50 euros d’indemnités.
Jusqu’où peuvent aller ces indemnités ?En district, on dépasse rarement les 60-70 euros. Les frais dépendent des kilomètres que l’on fait et on reste dans le Bas-Rhin, donc ça va rarement au-dessus des 60 euros.
Comment les clubs ont-ils réagi à votre initiative ?Ils ont été agréablement surpris. J’ai énormément de retours, des présidents qui m’appellent, qui m’envoient des textos, qui me joignent sur les réseaux sociaux et qui valident ce qu’on a fait. Après, beaucoup disent aussi que ce n’était peut-être pas à nous de le faire. On n’est pas là pour sauver le monde non plus, peut-être que les instances auraient dû prendre ça en main. J’ai énormément de retours en tout cas, sans arrêt. Ça fait chaud au cœur.
C’est assez rare que l’on parle des arbitres positivement. Vous êtes content de ça également ?Bien évidemment. C’était un peu le but aussi, que les clubs voient aussi que les arbitres sont capables de faire des choses en pensant aux clubs, qu’ils ne viennent pas seulement pour faire le gendarme et prendre des sous. Ils ne s’attendaient pas à un geste pareil. En général, il y a toujours des petites tensions entre les arbitres et les clubs. Pour une fois, les arbitres ont fait un pas en avant.
Cette opération sera-t-elle reconduite ?Ça va être compliqué de la reconduire. Il faut aussi penser à nous, beaucoup d’arbitres ont besoin de ces sous, des jeunes par exemple qui sont étudiants. Et si on continue cette opération, certains clubs vont regarder en se disant, « cet arbitre prend des sous, celui-ci n’en prend pas » , et ça va créer des tensions, ce qui n’était pas le but. Le but était de soutenir les clubs et de faire ouvrir les yeux à la ligue. Les clubs ne peuvent pas continuer comme ça à payer des frais sans arrêt. Il faut qu’ils payent la location des terrains, l’éclairage, leur matériel, le gaz, l’électricité, l’eau… Tous ces frais continuent, et il n’y a aucune rentrée d’argent.
Quentin Ballue