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On a discuté avec Ángel Jiménez, l’arbitre de la paix

Propos recueillis par Quentin Ballue
On a discuté avec Ángel Jiménez, l’arbitre de la paix

Aucune rencontre de Tercera (D5) ni de Preferente (D6) n'a lieu ce week-end aux Baléares. Les arbitres locaux ont dit stop suite à une série d'événements violents. Ángel Jiménez Bonillo œuvre depuis plusieurs années du côté de Malaga pour lutter contre ce type d’incidents. Ses armes : la VAR des supporters et la VAR de l’honnêteté. Ici, pas de vidéo, mais un trio « ver, animar, respetar » (voir, soutenir, respecter) pensé dans le seul but de ramener la tranquillité et le respect sur les terrains. Explications du seul et unique arbitre de la paix.

Pouvez-vous vous présenter ?J’ai 44 ans et je suis professeur au Colegio Maravillas de Benalmádena. J’ai débuté l’arbitrage à 16 ans, en 1994. On me connaît comme « el arbitro de la paz ». Un média andalou, Canal Sur, m’a donné ce surnom en 2007 parce qu’en 2006, j’ai commencé à stopper des matchs quand il y avait des insultes. J’arrêtais au moindre incident, et j’ai eu de très bons résultats. Aujourd’hui, j’arbitre des matchs de jeunes, qui ont 16 ans ou moins, et je suis ambassadeur de la Plataforma 0:90 (zéro violence pendant 90 minutes), une initiative de la municipalité de Málaga.

On m’a traité de fils de pute quand ma mère était là et ça fait mal, plus que les coups.

Il y a quelques années, vous avez fait une pause dans l’arbitrage. C’était à cause des incidents dont vous avez été témoin ou victime ?C’était l’une des raisons, oui. Je n’acceptais pas la violence et le manque de respect. La violence est physique, mais aussi verbale. Malheureusement, les insultes sont normalisées dans le foot. Avant d’être l’arbitre de la paix, être traité de fils de pute ou de connard, c’était très fréquent. Je ne pourrais même pas dire combien de fois j’entendais ça pendant un match. Il faut lutter contre toutes les formes de violence. Toutes. Sinon, le football ne peut pas être un sport éducatif.

Quelle est la situation la plus violente à laquelle vous avez été confronté ?J’ai vécu des situations très violentes, j’ai déjà reçu un gros coup de poing. Mais la situation la plus douloureuse que j’ai connue sur un terrain, c’était un jour où nous avons été impliquées dans un accident alors que nous étions sur la route pour aller arbitrer une rencontre. Une voiture arrivait en face, on a réussi à l’esquiver, mais elle a percuté le véhicule derrière nous. C’était horrible. On a quand même arbitré et en fin de match, un spectateur énervé a dit que nous aurions dû mourir dans l’accident. On m’a aussi traité de fils de pute quand ma mère était là et ça fait mal, plus que les coups.

À quel moment vous avez pensé à mettre en place un protocole particulier ?En 2006, un jour où un monsieur m’a insulté. Je me suis dit : « Non, je dois faire quelque chose. » J’y ai pensé à la mi-temps et avant la deuxième période, j’ai prévenu les entraîneurs et le délégué qu’à la prochaine insulte, je m’en irais. C’est à partir de là que j’ai imaginé ce protocole. Je parle avec le public et les équipes avant chaque rencontre : à la première insulte, j’arrête le match. À la deuxième, c’est la police. À la troisième, c’est terminé. Ça n’est jamais allé jusque-là. J’ai appelé la police seulement quatre fois. « Seulement » car si on compare avec les chiffres de mes collègues, c’est un grand progrès.

Les enfants peuvent m’aider à me corriger si je me trompe. J’ai vu plusieurs exemples sur le terrain. Des situations où je donne une sortie de but et où un enfant me dit qu’il a touché le ballon, et donc qu’il y a corner pour l’équipe adverse.

Avant chaque rencontre, vous dîtes aux joueurs et aux spectateurs que vous allez commettre des erreurs, c’est assez original.C’est simplement la vérité, même si tous les arbitres ne le disent pas. Je dis ce que tout le monde sait, c’est-à-dire que l’arbitre va se tromper. Je trouve ça important pour la réflexion du public, des joueurs et des entraîneurs. Les erreurs vont partie du jeu, il faut l’accepter et en tenir compte. Avec la VAR de l’honnêteté, les enfants peuvent m’aider à me corriger si je me trompe. J’ai vu plusieurs exemples sur le terrain. Des situations où je donne une sortie de but et où un enfant me dit qu’il a touché le ballon, et donc qu’il y a corner pour l’équipe adverse. C’est super, c’est mieux que de tricher. Par ailleurs, je n’ai déploré aucune insulte dans les tribunes ces derniers mois, et c’est la VAR des supporters : « ver, animar, respetar. »

L’arbitre de la paix a donc plus d’autorité que Pierluigi Collina ?(Rires.) C’est une bonne question ! Pierluigi Collina était un arbitre magnifique, avec beaucoup d’autorité et beaucoup de qualités. Je ne sais pas si j’ai plus d’autorité, mais j’ai plus de succès avec le public.

Votre manière d’arbitrer semble refléter votre métier de professeur.Oui, mon travail de professeur est important et j’essaie de l’apporter dans le sport. Je crois que tous les gens impliqués dans le sport auprès des jeunes doivent être aussi des éducateurs. Je veux participer à ce processus, créer un environnement qui aide les enfants à s’amuser et à grandir comme personnes.

Vous avez présenté ce protocole aux instances pour qu’il soit mis en place à plus grande échelle ?Je l’ai présenté à la fédération andalouse puisque nous, arbitres, sommes reliés à une fédération régionale, selon chaque communauté autonome. Mais ils n’ont pas considéré ma proposition comme appropriée. La fédération sait déjà ce que je fais, il y a eu beaucoup de reportages, de vidéos, d’articles… Ils savent que cela fonctionne, mais ils ne veulent pas l’appliquer.

Si le président parlait publiquement de ce protocole, ce serait énorme, ça pourrait inciter les fédérations régionales à s’y intéresser.

Pour quelles raisons ?J’aimerais bien savoir ! Ici, en Andalousie, on m’a dit que tous les arbitres ne pouvaient pas faire ce que je fais, parce que tous ne s’expriment pas de la même manière que moi. Je le comprends, mais il n’y a pas besoin que tout le monde fasse exactement ce que je fais. Il faut simplement penser un protocole, que chacun s’appropriera à sa manière. Je leur ai aussi dit dans ma proposition que ma causerie d’avant-match aide énormément à installer une bonne ambiance. Ce discours peut être tenu par un arbitre, mais aussi par un entraîneur, par un délégué ou même par un supporter. Tout le monde est impliqué, tout le monde a un rôle à jouer pour maintenir cet environnement positif et serein.

Vous avez aussi discuté de ce protocole avec le président de la fédération espagnole, Luis Rubiales. Qu’en est-il sorti ?Je l’ai rencontré un jour aux Canaries. Il m’a dit : « Ce que tu fais devrait être appliqué pour tous les matchs de jeunes, c’est très bien. »Je n’ai pas pu continuer à parler avec lui car il y avait beaucoup de monde. Maintenant, c’était une conversation privée, il n’a pas fait de déclaration publique. L’autre problème, c’est que les catégories jeunes ne sont pas dirigées par la fédération espagnole, mais par la fédération de chaque communauté. Si le président parlait publiquement de ce protocole, ce serait énorme, ça pourrait inciter les fédérations régionales à s’y intéresser et à essayer de le mettre en place.

Le football est le sport le plus pratiqué et le plus suivi, il faut s’en servir pour aider les jeunes à grandir en étant de meilleures personnes pour le futur. L’objectif, c’est un sport meilleur pour une société meilleure.

Ce protocole est facilement applicable au niveau amateur, mais pourrait-il être mis en œuvre dans le monde professionnel ?Si on le veut, oui. Bien entendu, c’est plus simple lors d’un match de jeunes avec moins de monde. C’est aussi plus facile si on le fait dès le plus jeune âge puisqu’en huit à dix ans, les choses peuvent changer. Ce protocole pourrait néanmoins s’appliquer pour n’importe quel match. Il y a des haut-parleurs, le message pourrait être lu par les capitaines de chaque équipe par exemple. Ce serait plus difficile de prendre des mesures drastiques dans un match professionnel car il y aurait beaucoup de répercussions… Mais s’il y a de grandes répercussions, le débat social est plus important et ça permet de sensibiliser. Que veut-on ? Qu’est-ce qu’on ne doit jamais accepter ? Ces questions doivent être posées dans une société. C’est important d’agir contre la violence et en faveur des valeurs que nous voulons porter. De même qu’on ne peut pas accepter la violence, on ne peut pas applaudir quelqu’un qui triche et qui trompe l’arbitre. On a l’impression que ça fait partie du jeu et c’est dommage, il faut essayer de changer ça. On se sent mieux si on fait ce qui est correct, et on doit inculquer aux enfants que l’on est plus heureux quand on se comporte bien que quand on se comporte mal.

Que ressentez-vous en voyant les gens applaudir certains de vos discours d’avant-match ?La seule chose dont j’ai besoin, c’est de respect. Après, s’il y a des applaudissements, je les accepte avec plaisir. Des gens me remercient parfois pour ce que je fais en faveur de l’éducation des enfants et c’est gratifiant. Mon principal objectif, c’est que les jeunes se divertissent dans un cadre serein. Sans respect, il n’y a pas de distraction. Le philosophe Sénèque disait que la récompense d’une bonne action est de l’avoir accomplie. Je suis content parce que je sais que ce que je fais est positif.

Comment avez-vous réagi en voyant Pau Gasol partager l’une de vos vidéos ?Oh, mon dieu… Je n’y croyais pas. Pau Gasol est une référence, une personne que j’admire comme basketteur mais aussi comme être humain pour ses valeurs. Le fait qu’il partage la vidéo et dise « c’est ça le sport », c’est l’une des choses qui m’apporté le plus de joie dans ce projet. Le football est le sport le plus pratiqué et le plus suivi, il faut s’en servir pour aider les jeunes à grandir en étant de meilleures personnes pour le futur. L’objectif, c’est un sport meilleur pour une société meilleure.

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