- Reportage
- D1 Féminine
- PSG/Juvisy (1-3)
On a croisé Eva Joly au match PSG/Juvisy
Dimanche soir, Eva Joly, candidate d'Europe Ecologie Les Verts aux prochaines présidentielles, s'est assise à l'heure de jeu dans les tribunes d'un match de D1 Féminine...
Ermont-Eaubonne, terminus. Ça change de la porte de Saint-Cloud. Des filles, pas beaucoup de monde, et (presque) pas de policiers. Ca change aussi. A l’entrée, le nouvel hymne du PSG résonne. Une belle saleté, quand on y pense, et force est de constater qu’il n’a pas plus de succès au stade Michel Hidalgo qu’au Parc des Princes. Bref, le derby francilien entre Juvisy et le PSG, en D1 féminine donc, commence et toujours pas de trace d’Eva Joly. La candidate d’EELV a prévenu qu’elle arriverait pendant la seconde mi-temps. Dans les travées du stade, les personnes s’étonnent un peu de la présence de la présidentiable ce soir : « Sérieux, elle vient ? Pourquoi ? Une écolo ça ne pense pas aux sports, non ? » . Un autre apprécie cette initiative : « C’est bien qu’elle vienne, ça va peut-être aider à médiatiser le football féminin » . Pendant ce temps, les équipes s’engagent à fond sur le terrain. Tacles, coups d’épaules, le tout sans simulation. Les supporters donnent de la voix, une leçon pour le Parc des Princes. Bien sûr, il y a toujours un lourdingue pour sortir la vanne qui gène tout le monde : « Oh regarde, elles se protègent les seins » .
Un but partout à la mi-temps et Kevin, membre de l’équipe Joly, explique qu’Eva est « partie de BFM depuis dix minutes » et qu’elle ne devrait « pas trop tarder » . C’est chose faite à la 60ème minute, Eva Joly arrive enfin et s’installe au milieu de la tribune dans la plus grande discrétion. Un geste volontaire de sa part. « Lorsque l’on arrive en retard, on essaye de ne pas se faire remarquer » , expliquera-t-elle après la rencontre. Dans les gradins, elle ne perd pas une miette de la rencontre, posant quelques questions à ses voisins. Si les spectateurs n’avaient pas remarqué son arrivée, la présence de photographes et de caméras intriguent et la candidate à la présidentielle ne reste pas incognito très longtemps. Entre-temps, Juvisy fait le jeu face aux parisiennes et inscrit deux buts supplémentaires. Score final 3-1 et quelques curieux dégainent le smartphone pour tenter de prendre une photo. Dans le salon VIP du stade – une salle des fêtes, en vrai -, Eva Joly revient plus longuement sur la situation du foot féminin en France.
– Madame Joly, dans quel état jugez-vous le football féminin en France ?
Ce qui est important aujourd’hui, c’est de voir à quel point le sport féminin est mal adapté. Pour s’entraîner, les lieux où elles peuvent jouer, l’attention médiatique qu’elles attirent… En 1995, l’équipe norvégienne avait gagné le Mondial de football féminin et c’était passé à peu près inaperçu. A la même époque, les hommes avaient atteint les quarts de finale je crois (NDLR, les huitièmes en fait, en 1998) et avaient été reçus comme des héros avec des manifestations populaires dans les rues. Je trouve que c’est une disproportion qui se reflète ici en France. Les joueuses ont du mal à exister, les matchs ne sont pas retransmis à la télé, elles n’ont pas le droit de jouer dans les beaux stades. Je trouve ça incroyable ! Les salaires dans le foot féminin tournent autour du SMIC, ou un peu plus. 250 fois moins que les hommes ! Je ne dis pas que le salaire des footballeurs masculins est une référence, mais bon là il y a quand même une grande injustice.
– Votre point de vue sur la modernisation des stades en vue de l’Euro 2016 en France ?
Les normes environnementales doivent être partout. On doit avoir le souci de réduire la consommation d’énergie. On doit donc penser le stade avec une autonomie d’énergie ou même « d’énergie positive ». Aussi, l’éducation au tri des déchets fait partie du sport. L’écologie doit se refléter dans le sport.
– Le gouvernement actuel mène une politique assez répressive à l’encontre des supporters. Interdictions de stade, dissolutions d’associations: quel est votre discours par rapport à cette politique ?Le tout répressif n’est jamais la solution. Le football est trop important pour que l’on puisse avoir une double peine et être exclu à tout jamais. Là comme ailleurs, le dialogue offre peut-être une seconde chance. Mais le racisme et le hooliganisme sont insupportables. Il y a eu beaucoup trop de violences. C’est aussi un avantage pour les sports féminins car vous n’avez pas ce phénomène, pas ces violences dans les stades. Une raison de plus pour venir voir les matchs des femmes.
– Un petit mot sur la « taxe Hollande » , critiquée par quelques footballeurs ?La taxe proposée par François Hollande est raisonnable et normale. Mais dans mon programme, je propose deux nouvelles tranches d’impôts. Une à 60% au-delà de 100 000 euros de revenus par an et une à 70% au-delà de 500 000 euros par an. Alors que celle de Monsieur Hollande ne s’applique qu’à partir d’un million d’euros de revenus par an.
Sur le parking du stade, Eva Joly échange avec les joueuses des deux équipes. Entre deux photos, la candidate EELV cherche à comprendre leurs revendications. Le passage en « semi-pro » est régulièrement évoqué pour permettre aux footballeuses de « travailler un peu moins » , toutes n’ayant pas la chance d’avoir un contrat professionnel. Sandrine Mathivet, coach de Juvisy, explique qu’elle a « des filles qui vont se lever à 7h demain » pour bosser avant de s’entraîner avec l’équipe de « 19h30 à 21h » . « Révoltée » par ces déclarations, Joly annonce qu’elle va se « battre pour faire changer tout ça » . Une position qui fait « plaisir » à Gwenaelle Butel, défenseur juvisienne. « C’est une reconnaissance pour nous. Est-ce que ça va changer quelque chose ? On espère, pourquoi pas » , raconte-t-elle. De la à voter pour elle ? « On verra » .
Par Antoine Aubry