- Football amateur
- Belgique
« On a comparé mon but à celui de Zlatan Ibrahimović en MLS pour son 500e but »
Le match entre Libramont et La Roche en 1re Provinciale de Province de Luxembourg aurait dû rester dans l’anonymat du football amateur belge pour l’éternité. Jusqu’à ce qu’à la 86e minute, Nicolas Roset, bel attaquant gaucher, décide de claquer un but venu d’ailleurs – de son talon, en fait – pour ouvrir le score en faveur de Libramont. Retour sur ce coup de génie, en version originale non sous-titrée et avec l’accent qui fait plaisir aux oreilles.
Bonjour Nicolas, pour commencer, racontez-nous ce match et surtout, ce but… (voir vidéo)
C’était un match de championnat opposant mon équipe de Libramont (3e) à celle de La Roche (5e). L’enjeu est une place au tour final, comme on appelle cela chez nous, composé des équipes qui suivent le champion (2e, 3e, 4e et 5e places). On jouait devant une grosse centaine de personnes, ça reste du foot amateur. L’action est simple : nous jouons la 85e minute quand nous héritons d’un coup franc près de notre milieu de terrain. Longue chandelle, déviation, la balle passe au-dessus de moi et là, l’instinct se met en route ! Je réalise ce geste un peu fou en me disant : « On ne sait jamais. » Je me dis que si je ne fais rien, elle finira en coup de pied de but, donc pourquoi ne pas tenter quelque chose… Et paf, je la prends bien du talon, et plafond opposé ! Quand j’ai vu le ballon atterrir dans les filets, je ne vous raconte pas la joie intérieure.
Les médias locaux ont comparé ce but à un but de Zlatan !Nous avons la chance, dans notre catégorie, d’être mis en avant via des journaux écrits, commet L’avenir et La Meuse Luxembourg. Du coup, à chaque match, deux journalistes sont présents, un pour chaque journal écrit. Ils ont vu le but, m’ont interviewé, et on a directement comparé ce but à celui de Zlatan en MLS pour son 500e but. Je pense en effet que ce but est un peu dans le même genre, rocambolesque, mais splendide. De plus, j’ai publié cette vidéo du but de Zlatan le 16 septembre dernier avec des smileys de « yeux étonnés » tellement ce but m’a fait halluciner !
Est-ce que vous avez été contacté par EA Sports ou Konami pour modéliser ce but dans un jeu vidéo ? Je suis un grand amateur de la saga FIFA, mais je ne pense pas qu’on verra ce but dans cette saga…
D’ailleurs, quel nom on lui donne à ce geste un peu hybride ?Je n’ai pas vraiment la prétention de lui donner un nom. Je pense que ce sont les médias qui donnent des noms à certains gestes fabuleux ou emblématiques, vous en pensez quoi ?
Est-ce qu’au moment où vous frappez le ballon, vous sentez qu’elle part bien ?Je vous avoue que lorsque je touche le ballon, je sens bien que celui-ci percute mon talon de manière tip top… Maintenant de là à dire « oui je voulais la mettre là tranquille » , je ne vais pas abuser ! Mais quand je la prends, on voit sur la vidéo que je me retourne super vite sentant le fait qu’elle peut terminer au fond et c’est le cas.
Qu’est-ce qui se passe dans votre tête à ce moment-là ?Quand je marque, je mets ma main près de la tête pour faire le geste de Luca Toni à sa belle époque pour dire que ce geste est fou ! J’avais en plus envie de faire taire les supporters locaux qui n’ont pas été tendres avec moi pendant ce match. Notamment à un moment quand je pars seul au but avec un coéquipier et que je pousse le ballon trop loin et je la donne littéralement au gardien adverse… Mais bon, nous ne jouons pas chaque semaine à Wembley !
Vous n’aviez pas été bon dans ce match jusqu’à ce but ?J’avais été correct. Dans la province du Luxembourg, on me dit souvent que je suis un joueur atypique du fait que je suis un peu fainéant de temps en temps, que je m’énerve vite, mais que j’ai un sens du but plutôt au-dessus de la norme, toutes proportions gardées. J’ai un bon pied gauche aussi et une intelligence de jeu qui me vient de ma formation en jeunes à Virton, à l’époque en Ligue 2 belge si je peux le dire ainsi. D’ailleurs, cet épisode aurait pu être un tournant dans ma carrière si le coach de l’équipe A avait décidé de me faire confiance. J’ai intégré le noyau A pendant quelques mois sans pour autant fouler la pelouse de championnat. J’ai juste disputé les matchs amicaux, et marqué quelques buts…
Est-ce que vous avez déjà mis des buts comme ça en match ?Je n’ai jamais mis ce genre de but en match. C’est le premier. J’ai déjà mis des lobs du milieu de terrain en jeunes, des coups francs, pénos, buts de chanceux, etc. Mais pas un pareil. D’ailleurs, je regarde encore la vidéo du but aujourd’hui et je la regarderai encore d’ici quelques années pour me rappeler ce joli souvenir.
Et à l’entraînement ?À l’entraînement, j’ai déjà mis pas mal de buts sympas. Il n’y a aucune pression de louper, donc on tente de temps en temps des choses cocasses : lob de l’extérieur avec le pointu, des déviations fortuites et pas très élégantes qui finissent au fond…
C’est le plus beau but de votre carrière ?Je pense.
Comment définiriez-vous votre style de jeu ?J’aime avoir le ballon dans les pieds. J’ai une bonne technique de balle et une protection correcte. J’ai une intelligence de jeu correcte et cela me permet de jouer « malin » comme je dis toujours afin de me retrouver un maximum de temps seul pour pouvoir jouer. J’ai une bonne dernière passe, aussi. D’ailleurs, le coach me positionne encore bien en 10 lorsque le jeu ne tourne pas assez à son goût. Enfin, j’ai un sens du but plutôt développé : j’ai terminé deux fois meilleur buteur de la série.
Quels sont vos modèles en tant qu’attaquant ?Il fut un temps où j’aimais bien Diego Milito. Ce mec jouait dans plusieurs clubs de niveaux différents et il marquait quand même ses 20 buts par saison. Pippo Inzaghi aussi, j’aimais bien. On m’a déjà un peu comparé à lui d’ailleurs, toutes proportions gardées de nouveau…
Quel est le but célèbre que vous rêveriez de mettre ?Je rêverais de mettre un but à la Diego Maradona contre l’Angleterre où il régale et fait un festival avant de dribbler le gardien et de marquer.
Vous jouez dans ce club depuis quand ? Expliquez-nous votre parcours footballistique.C’est la cinquième année que je joue dans ce club, mais pas d’affilée. Lorsque j’ai quitté Virton, j’ai joué 3 ans en équipe première à Libramont avant de quitter ce club pour aller à Meix-devant-Virton où j’ai mis 29 buts en 30 matchs, puis j’ai tenté ma chance plus haut, à Givry, en Promotion à l’époque. Cela ne s’est pas bien passé et j’ai quitté ce club au mercato pour aller au Grand Duché du Luxembourg pour 6 mois et sauver le club d’Harlange. J’ai alors signé à Longlier où on a été champions en 1re Provinciale et où on a accédé à l’échelon supérieur, à savoir la Promotion. J’ai eu un temps de jeu de 50% environ, terminant 2e buteur de l’équipe avec 7 buts. Je suis alors parti à Bertrix, le club de mon village, qui jouait également en Promotion où j’ai terminé meilleur buteur de l’équipe avec 6 buts malgré environ 55-60% de temps de jeu. Avant de jouer pour les « messieurs » on va dire, j’ai joué 6 ans à Virton, un club de D2 belge, où j’ai été très bien formé. J’ai un gros regret par rapport à ce club, assez long à expliquer. Il y a un point notamment qui m’a fait comprendre que le coach de l’équipe fanion n’était pas fan de moi. Il devait reprendre deux joueurs du noyau B pour un match de championnat. Nous jouions le vendredi et eux le samedi. Il est venu voir un match du noyau B contre Deinze. Nous gagnons 3-1 et je marque les 3 buts. Et il ne m’a pas repris pour l’équipe première du lendemain. J’avais des stats très honorables dans le noyau B, quelque chose comme 24 buts en 20 matchs, et je n’ai jamais eu ma chance. Je pense être passé à côté d’une aventure au niveau national sans avoir la prétention de quoi que ce soit. De là à dire que j’aurais pu être pro, il y a du chemin. Ah, et pour l’anecdote, j’ai joué avec Thomas Meunier à Virton pendant quelques mois.
Quel est l’objectif de l’équipe cette saison ? Et votre objectif personnel ?L’objectif de mon club est d’accéder au tour final en terminant 2e ou 3e afin de nous permettre de recevoir l’adversaire à la maison et donc engendrer de la recette financière. Personnellement, je veux juste prendre du plaisir et tenter de mettre encore quelques buts ; c’est tellement cool ! Et pourquoi pas aller loin dans ce tour final… Être champion risque d’être délicat, nous avons 6 points de retard sur le premier avec un match d’avance sur eux…
Il paraît que vous avez toujours quelques belles anecdotes à raconter…Une anecdote de cette année : nous jouions un vendredi à 20h30 en déplacement à 45 minutes de la maison. Je travaillais le matin et je pouvais donc facilement aller jouer. Nous sommes tombés sur une affaire conséquente (Nicolas est policier dans la vie de tous les jours, N.D.L.R.) et j’ai terminé le travail plus tard, vers 19h30. J’avais sonné (téléphoné, en VF) au coach pendant la journée pour lui dire que je serais peut-être en retard, mais que je pouvais m’arranger. Il m’a répondu : « De toute façon t’es sur le banc ! » Une fois le travail terminé, je suis rentré chez moi et j’ai bu une bière avec un ami qui bosse avec moi. Je suis alors parti au foot, arrivant là-bas à 20h45. Le match avait débuté depuis 15 minutes. J’étais frustré et légèrement énervé, mais bon… Le coach me fait entrer à la 70e, le score était de 1-0 pour nous. En 20 minutes, j’inscris un doublé.
Une dernière pour la route ?Une autre anecdote qui est cocasse également : je jouais à Meix-devant-Virton, on avait entraînement le vendredi et nous jouions le dimanche. Une balle anodine arrive, je veux la contrôler et mon pied se bloque dans un trou du terrain. Résultat : double entorse. Étant en lutte pour le titre de meilleur buteur, j’étais dépité. J’ai donc sonné le soir même vers 21h30 heures à un rebouteux comme on dit chez nous – c’est une personne qui guérit ce genre de choses via manipulations douloureuses etc. – qui vivait à proximité. La personne m’a dit d’aller chez lui ce soir-là pour 22 heures, ce que j’ai fait. Il m’a manipulé, et je peux vous dire que j’ai hurlé tellement la douleur était intense. Après quelques minutes, le rebouteux m’a dit : « Tu joueras dimanche ! » Je ne l’ai pas cru et lui ai dit : « Écoutez, je respecte ce que vous faites, mais je doute vraiment fort. » Il m’a répondu : « Mets un bandage pour serrer ton pied et tu joueras, tu verras. » Nous voici dimanche et j’écoute les conseils. Je fais poser le bandage via mon kinésithérapeute, je m’échauffe. Aucune douleur. Je joue le match. Nous gagnons 6-1 et j’en marque quatre ! Hallucinant.
Propos recueillis par Pierre Maturana