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On a assisté au retour de la Coupe de France à Surques-Escoeuilles
Après six mois sans matchs officiels pour les amateurs, la Coupe de France est venue leur porter secours malgré l'épidémie de Covid-19. Ce dimanche, à Surques-Escoeuilles dans le Pas-de-Calais, le football (masqué) a repris du service à l'occasion du premier tour de la plus vieille compétition nationale. Avec une affiche : AS Surques-Escoeuilles contre l'AS Saint-Martin-au-Laërt. Un match de coupe, un vrai, avec quelques bonnes semelles, des escalopes sur le gazon et des sourires pour les locaux à la clef.
C’est un stade comme il en existe des milliers à travers l’Hexagone. Ouvert aux quatre vents sur les hauteurs du patelin, la main courante aux plots bétonnés, des pâtures d’éleveurs en guise de voisinage et une départementale, la D215. Seule possibilité de se garer : contre la haie « parce qu’il est compliqué pour le moment de créer un parking », contextualise le président de 47 ans Philippe Havart. Bienvenue à l’ASSE, l’association sportive Surques-Escoeuilles. Ce n’est pas le Forez, on ne joue pas en vert – même si ce fut le cas au lancement du club en 1969 –, mais on se décarcasse pour faire tourner la boutique avec 250 licenciés et bénévoles pour un peu plus de 1 000 habitants sur les deux villages réunis. Les gamins portent les survêts du club, mais aussi de Boulogne-sur-Mer, on penche aussi du côté de Lens, « et il y a forcément la guéguerre entre Paris et l’OM », glisse le président, qui est aussi manager de rayon dans une chaîne de grande distribution. Voilà pour le décor. Parce qu’en réalité, ce qui nous amène au milieu des champs, c’est bien la Coupe de France. Cette Vieille Dame appétissante au possible pour les amateurs en quête de frissons. Dans le viseur du coach, Benoît Fortin, la trentaine et une barbe que son masque peine à dissimuler, « le quatrième tour, celui où on a les maillots. C’est arrivé une fois, en 2016 ».
Sept matchs joués et une montée
Mais au-delà de la Coupe, le frisson de repasser la grille d’entrée pour la compétition fait office de sucrerie qu’on dévore à pleines dents. « On n’en a pas dormi de la nuit », avoue Fabrice, milieu de terrain. L’hibernation touche à sa fin. « C’était interminable, poursuit l’entraîneur, installé dans la buvette où sont punaisées quelques coupures de presse et l’écharpe du club. On ne s’est pas vus durant trois, quatre mois. » Fin juin, des séances Covid-19, avec distanciation, ont été organisées avant la reprise de l’entraînement à la mi-juillet. À Surques, comme ailleurs, la saison s’est achevée en février. « On avait disputé seulement sept matchs et deux tours de Coupe… ce n’est rien du tout. » Seul avantage de la pandémie, là où la formation de Benoît visait le maintien en D3 après avoir été promue au printemps 2019, l’arrêt des championnats l’a conduite à la D2 du district Côte d’Opale (équivalent de la 10e division nationale). « Nous étions premiers quand tout a été stoppé. Nos trois équipes seniors sont montées. Ce n’est pas plus mal. (Rires.) »
Un 3-5-2 à la niçoise
Un accroc tout de même et non des moindres, certains gamins n’ont pas encore remis les crampons, « des parents doivent avoir peur de voir leur enfant en groupe », estime Philippe Havart qui estime entre 10 et 15% le pourcentage de licenciés qui manquent encore à l’appel, soit une vingtaine de jeunes. L’évolution de la pandémie dictera de toute façon la saison, mais qu’importe, ce dimanche, ils sont environ 200 à s’être massés le long de l’unique main courante ou sous l’abri construit par les bénévoles. En face, c’est Saint-Martin-au-Laërt, commune limitrophe de Saint-Omer qui évolue un cran en dessous en D3. Pas une formalité, mais presque pour l’ASSE, composée de gamins du cru, biberonnés au 3-5-2 depuis quelques saisons. Une révélation pour Benoît Fortin, qui s’est inspiré du Nice de Lucien Favre.
« C’était très difficile à installer, mais j’ai deux pistons qui gèrent parfaitement leurs couloirs et nous permettent d’avoir ce système. » L’ambition n’est pas une question de division. « Ce projet de jeu est appliqué également chez les jeunes. Une fois en senior, ils connaissent le fonctionnement avec cette triplette derrière. On a beaucoup le ballon et on ressort proprement. » « C’est vrai que ça joue pas mal », analyse finement Roger Desombre, 82 ans, un masque en dessous du nez et une bière dans la main droite. Le retraité, l’un des trois à avoir « lancé le club avec des copains » à la fin des Sixties, avait coché la date sur le calendrier. « Autant de temps sans voir du foot à Surques, c’était trop. J’ai joué jusqu’à 55 ans, dans les buts, parce que je ne pouvais plus courir et je ne me vois pas rater un match ici. Avoir le masque ne m’a pas empêché de venir. »
L’indétrônable buvette
Pendant que sur le terrain, les Orange et Noir malmènent leur adversaire sans vraiment concrétiser, la buvette retrouve des couleurs. « C’est quasiment un quart de nos recettes, apprécie le président, bien conscient qu’avec seulement 500 euros de subventions municipales pour 24 000 euros de budget, la pompe à bière est indispensable pour exister. Jusqu’à samedi, nous ne savions pas si nous allions pouvoir accueillir du public parce qu’une tribune était nécessaire. Finalement, la Ligue a tranché et nous avons mis en place des mesures de distanciation et un parcours fléché sans pouvoir entrer dans la buvette. »
« Six mois sans buvette, ce n’est pas possible », renchérit Daniel, bénévole et homme à tout faire, comme chacun ici. « J’ai tracé les lignes quelques jours avant le match, j’espère qu’il ne va pas trop dracher (pleuvoir, N.D.L.R.), sinon ça va vite partir. » Les averses se succèdent, et Surques finit par faire sauter le verrou visiteur. Fabrice envoie une première mine aux 20 mètres qui termine sa course au ras du sol (1-0, 54e), puis Benjamin double la mise (2-0, 74e). Saint-Martin-au-Laërt ravive sa flamme (2-1, 85e) avant une fin de match comme on les aime. Attaque-défense, le tout pour le tout, quelques tampons sur un ailier qui cavale trop au goût des défenseurs, un corner rentrant qui touche la barre et une patate envoyée sur le poteau des Surquois à la 95e minute. La qualif’ est dans la poche, le cri de la victoire peut jaillir après un semestre d’attente. « C’était intense, dixit Benoît Fortin. C’est un groupe jeune et on a senti un peu la peur en fin de match, mais on a su être solides. » Et la buvette ? « Elle a bien tourné et c’est pas fini », achève le président. Oui, le « vrai » foot est de retour à la maison.
Par Florent Caffery, au stade municipal de Surques