- Reportage
- Serbie
On a assisté à FK Partizan – FK Sloboda Užice
À cent mètres du club où Djokovic a fait ses premiers pas et à deux cents mètres du « Marakana » des ennemis de l’Étoile rouge, le FK Partizan jouait ce dimanche en Jelen SuperLiga contre le FK Sloboda Užice, un club nommé « Liberté ». On y était.
Le Stadion Partizan. Le « temple du football » , d’après ses occupants. Un repère de vautours, pour les non-avertis. 30 000 places, des murs grisâtres, une atmosphère ténébreuse, et du noir et du blanc pour seules couleurs. En face du stade, les barres de traction du parc voisin affichent complet. Des veines gonflées, peu de cheveux et des airs de gros durs. On paye quatre cents dinars la place, soit un peu moins de quatre euros, à côté d’un ancien qui vend des produits du club à un euro. Le football vrai. Arrivés en tribune latérale, on nous signale que l’on peut s’asseoir où l’on veut. Effectivement, s’il y a du monde dans les virages, les tribunes latérales sont loin d’être remplies. Le contraste est saisissant entre la majorité d’ultras et les nombreux grands-parents venus passer leur après-midi avec leur petit-fils ou petite-fille, qui viennent « depuis les années cinquante » . Deux façons différentes de vivre la même passion. « Le Partizan est avant tout un club de militaires et de provinciaux » , nous dit-on. Le groupe Grobari, les « creuseurs de tombe » L’adversaire du jour est le FK Sloboda Užice. Un club situé à une centaine de kilomètres à l’ouest de Belgrade, qui arbore le maillot de l’OGC Nice et existe sur la carte du football moderne pour avoir formé le grand Nemanja Vidić entre ses treize et quinze ans (avant qu’il rejoigne l’académie de l’Étoile rouge). Les noms ne sont pas floqués sur leurs maillots : le contraste est saisissant avec le puissant Partizan, partenaire d’Adidas et habitué de l’Europe. En ce dimanche, ils sont cent « combattants de la Liberté » à s’être déplacés. Regroupés en quinze rangées de six derrière un seul drapeau, ils frappent des mains, chantent et hurlent avec une coordination impressionnante. Petit mais efficace. Dans la tribune Sud, les groupes ultras Grobari 1970 et Alcatraz prennent rapidement place. De noir et de blanc. Au singulier, hein, on est en Serbie. Drapeaux, chants, tambours, du grand classique. Mais sans les fumigènes ou autres bombes agricoles qu’ils utilisent si souvent lors des matchs de basket du club. Si le virage n’est rempli qu’aux deux tiers, c’est parce que le troisième tiers s’est déplacé dans le corner Nord-Est du stade, façon Authentiks à Paris. Les Zabranjeni (les « Interdits » ) s’en seraient pris aux Alcatraz en 2011, les accusant de trahir la nature ultra du groupe en donnant priorité à d’autres activités… Moins nombreux, ils sont pourtant bien plus bruyants et mettent plus de couleurs. Impressionnant. Pendant le match, les deux groupes ne se calculent pas et animent chacun de leur côté. L’ambiance est plutôt calme, même si on se dit qu’étant donné la popularité de l’athlétisme en Serbie, la piste doit être là par pure mesure de sécurité. À l’heure de jeu, les Zabranjeni lancent un chant-hommage à Ivan Perović, jeune homme de 20 ans assassiné en 2011 en pleine rue. Repris tour à tour par tous les secteurs du stade (sauf le Sud…), enfants compris, le chant réveille les tribunes latérales. Lazar Marković, nouvelle star Le match commence. Après quelques minutes, un ballon est envoyé dans la tribune Sud. Un type venu des latérales court pour avoir la chance de le toucher et de le renvoyer à ses héros, mais non, un membre des Grobari s’en empare et disparaît dans la masse. Aucun officiel n’essayera de le récupérer. Voilà un défi pour Guy Roux ! Rien à signaler du côté du Sloboda, à part un numéro 9 très balèze et un 10 aussi gros qu’habile (il n’y a pas de flocage de nom). Chez le Partizan, on reconnaît le numéro 88 du gardien Vladimir Stojković, ancien fidèle de l’Étoile rouge (formé au club et membre d’honneur) arrivé il y a deux ans au Partizan. D’après notre voisin, « personne ne l’aime, on sait tous que c’est un traître, mais il est plutôt costaud et personne dans l’équipe n’est en mesure de lui donner une leçon. » Avec un joli double mètre et cent kilos, on peut comprendre. Lors de son premier derby, il était même venu sous le virage de ses nouveaux supporters avec un T-shirt « s’il vous plaît, oubliez mon horrible passé » . Dans le champ, la star de l’équipe porte la coupe de Zac Efron, le numéro 50 et joue sur les côtés. Lazar Marković, retenez ce nom, car les plus grands clubs européens l’ont déjà fait. Feintes de corps, talonnades et certains dribbles qui rappellent la vitesse d’exécution du meilleur Krasić et la facilité de Jovetić, parti il y a seulement quatre ans. En première mi-temps, le gamin de 18 ans ouvre le score et délivre une belle passe décisive. 2-0. Puis il prend un coup et sort à la mi-temps, en écoutant les deux virages chanter son nom. Du côté des visiteurs, c’est l’entraîneur qui fait le spectacle. Fou de rage à chaque perte de balle, le bonhomme insulte son banc, ses joueurs et le quatrième arbitre, avant de recevoir à son tour une flopée d’injures de la part du public. « Assis-toi, sale merde » , au début. Puis « Dans la chatte de ta mère ! » , à chaque but. Et il y en a eu cinq. À croire que le Sloboda ne se remettra jamais du départ de Vidić… Plus sérieusement, le club d’Užice a beaucoup perdu en vendant son central Nikola Maksimović et son avant-centre Filip Kasalica à l’Étoile rouge l’an dernier. Si le Partizan remporte le championnat cette année, son palmarès égalera celui de l’Étoile rouge en termes de championnats nationaux, à 25 partout. Avec tout de même une Ligue des champions en moins…
À visiter :
Le blog Faute Tactique sur SoFoot.com
Markus Kaufmann