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Omar Belbey : « L’Algérie est taillée pour aller au bout »

Propos recueillis par Mathias Edwards
7 minutes
Omar Belbey : « L’Algérie est taillée pour aller au bout »

La qualification de l'Algérie pour les demi-finales de la CAN offre un prétexte parfait pour prendre des nouvelles d'Omar Belbey. À 45 ans, l'ancien Croco est ravi par la performance des Fennecs, mais cause aussi d'archivage confidentiel, de Zinédine Zidane, de violences dans le foot amateur et surtout, d'Omar Sharif.

Qu’avez-vous pensé de la qualification de l’Algérie face à la Côte d’Ivoire ?Déjà, j’ai trouvé que c’était un beau match. Cela aurait pu basculer d’un côté comme de l’autre. L’Algérie a eu plusieurs occasions de tuer le match, mais malheureusement, on ne l’a pas fait et cela a permis à la Côte d’Ivoire d’espérer. C’était indécis jusqu’à la fin, avec cette tête ivoirienne repoussée par M’Bolhi, et ce coup franc frappé par Delort à la toute dernière seconde. De ce que j’en ai vu jusqu’à présent, c’était le plus beau match depuis le début de cette CAN.

Vous avez fêté ça ?Évidemment ! J’ai regardé le match en famille, à Rouen. Je ne vous apprends pas que nous, les Algériens, nous sommes très fiers. Partout dans le monde, les Algériens sont en train de sauter en l’air.

Comment voyez-vous la suite de la compétition, pour l’Algérie ?Là, on vient de réaliser une grosse performance, même si on n’a fait que match nul. Dix buts marqués pour un seul encaissé depuis le début de la CAN, que demander de plus ? Ils sont taillés pour aller au bout.

Que pensez-vous de la présence d’Andy Delort ?Lorsque j’ai appris qu’il avait demandé la nationalité algérienne, cela m’a surpris. Mais plus tard, j’ai appris que ses grands-parents était de Mostaganem, donc j’étais content. C’est un joueur que j’adore. Et puis c’est touchant, ce qu’il a fait. Il a commencé par demander un passeport algérien, avant de dire qu’il était disponible pour la sélection. C’est une belle démarche, je ne pense pas que ce soit un opportuniste. C’est quelqu’un d’entier.

Avec Nîmes, on a été la première équipe de troisième division à atteindre les huitièmes de finale d’une compétition européenne. On a perdu contre des Suédois à notre portée parce que Pierre Mosca, l’entraîneur, a préféré privilégier le championnat vu qu’on jouait la montée en Ligue 2.

Vous vivez toujours à Nîmes ?Oui. Je suis en train de monter une entreprise d’externalisation d’archivage confidentiel. Cela consiste à recueillir toutes les archives qu’on me confie. Cela peut venir d’hôpitaux, d’avocats, du Palais de justice, etc. L’idée, c’est de stocker et classer tout cela dans un dépôt, et de restituer tel ou tel dossier au client lorsqu’il en a besoin. Les gens ne savent plus où stocker leurs archives papier, donc je leur apporte cette solution.

En parlant d’archives, le grand public retient surtout de votre carrière l’épopée nîmoise de 1996 en Coupe de France, et votre but en finale face à Auxerre. Mais vous, vous retenez quoi d’autre ? En août 2001, alors que je jouais à Montpellier, j’ai participé à une rencontre à Alicante contre le Real. Et il se trouve que c’était le premier match de Zidane avec Madrid. J’avais pu l’approcher, discuter un peu avec lui. Et un mois plus tard, j’ai de nouveau joué contre lui à l’occasion du fameux France-Algérie au Stade de France. Pour moi, jouer contre Zidane a été aussi important que la finale de Coupe de France. Il y a aussi eu la participation à la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupes avec le Nîmes Olympique. On a été la première équipe de troisième division à atteindre les huitièmes de finale d’une compétition européenne. On a perdu contre des Suédois à notre portée (l’AIK Solna, N.D.L.R.), parce que Pierre Mosca, l’entraîneur, a préféré privilégier le championnat vu qu’on jouait la montée en Ligue 2. Au match aller, il a mis en place une tactique… Même nous, on était surpris. Il a changé tous les postes ! Je me suis retrouvé au marquage de leur 6. Si on s’était qualifiés, on aurait joué contre le Barça en quarts. Mais avec le recul, on se rend compte que le coach avait raison. Si on avait joué ces quarts, cela aurait été cuit pour la montée en L2. Et enfin, je retiendrai ma première sélection en équipe nationale, contre le Cap-Vert. Ça, c’était un moment super fort.

Omar Belbey fête son but en finale de la Coupe de France 1996.

En 2004, après un litige entre le MHSC, la Fédé algérienne et votre compagnie d’assurance à la suite d’une blessure à la CAN 2002, vous quittez le foot pro, dégoûté, après une dernière pige à Wasquehal. Dans quel état étiez-vous ?J’étais ruiné moralement, physiquement et financièrement. Au moment de la blessure, j’étais en fin de contrat à Montpellier, et des émissaires de Coventry étaient venus me voir. Mais au lieu de signer en Angleterre, je me suis retrouvé dans un merdier pas possible. Je n’étais pas considéré comme accidenté du travail parce que la blessure avait eu lieu à l’étranger. La sécurité sociale n’a pas voulu prendre en compte les lois de la FIFA, et la fédé algérienne n’était pas aussi bien organisée qu’aujourd’hui. Le lendemain de la blessure, une triple rupture des ligaments du genou, j’ai pris l’avion seul de Bamako à Marrakech, puis de Marrakech à Paris, et enfin de Paris à Montpellier. Le chirurgien qui m’a opéré m’a dit que je pourrais remarcher, mais ne m’a rien promis pour le foot. Dix-huit mois plus tard, je rejouais.

Cette saison, alors qu’on gagnait un match, un mec a mis un coup de pied, il a pris un carton rouge, cela s’est envenimé, le gars a passé un coup de fil, ses collègues ont débarqué calibrés.

Tout cela vous a dégoûté du football professionnel ?Oui, parce qu’il y a eu dix ans de procédures. En plus, je suis tombé sur un avocat qui a fait deux énormes bourdes qui ont pas mal compliqué les choses. Vraiment, tout est allé à l’envers pour moi. Mais enfin, aujourd’hui je suis sorti de tout ça et c’est très bien.

Aujourd’hui, vous entraînez l’Émulation sportive Grau-du-Roi. Vous vous sentez plus à l’aise dans le foot amateur ?Non, le football amateur est compliqué aussi. On y voit des épisodes de violence qui n’ont pas lieu d’être. Cette saison, alors qu’on gagnait un match, un mec a mis un coup de pied, il a pris un carton rouge, cela s’est envenimé, le gars a passé un coup de fil, ses collègues ont débarqué calibrés. Il faut arrêter, on est là pour jouer au foot, pas pour faire la guerre.

Ce qui me choque le plus, ce sont les recruteurs de grands clubs qui viennent voir des matchs de U14. Mais laissez les gamins tranquilles, ils sont encore au collège !

Quel regard portez-vous sur le foot professionnel actuel, dans lequel les intérêts économiques sont tels qu’on essaie de réduire les incertitudes au maximum, notamment avec l’introduction de la VAR ?Il y a tellement d’argent qu’on ne fait presque plus attention au jeu. On parle plus des salaires de Neymar et M’Bappé que de foot. Il me semble que les matchs d’il y a 20 ans étaient plus plaisants à regarder, l’argent a pourri le jeu. Les joueurs moyens de Ligue 1 touchent des salaires… Quand j’ai signé mon premier contrat pro, c’était « à la charte » . 9000 francs brut. Et puis pour signer, il fallait avoir figuré 30 fois sur la feuille de match de l’équipe première. Aujourd’hui, un jeune qui joue 15 min avec les pros signe dans la foulée un contrat avec un salaire à 20 000 balles. Mais on ne sait pas ce que va donner le petit dans deux ans. C’est devenu fou. Ce qui me choque le plus, ce sont les recruteurs de grands clubs qui viennent voir des matchs de U14. Mais laissez les gamins tranquilles, ils sont encore au collège ! Les parents ne comprennent rien au football, dès qu’ils discutent avec un agent, ils imaginent que leur gamin va leur rapporter des millions, et ça devient ingérable.

Votre nom complet est Omar Sharif Belbey. C’est un hommage à l’acteur égyptien ?Tout à fait, et c’est la première fois qu’un journaliste me pose la question ! Ma mère était fan, mais elle ne m’a jamais montré ses films, je les ai regardés seul.

Lequel vous préférez ?Celui dans lequel il joue un inspecteur à la poursuite de Jean-Paul Belmondo. Malheureusement, je ne me souviens plus du titre. À la fin, il finit enseveli dans du blé, ou quelque chose comme ça (il s’agit probablement duCasse, d’Henri Verneuil, 1971, N.D.L.R.).

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