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OM-OL : Une balle dans les pieds des supporters
Les incidents gravissimes qui ont empêché la tenue de l’Olympico dimanche soir soulèvent d’importantes interrogations en matière sécuritaire et même politique. En tout cas, ces violences illustrent la crispation grandissante dans, et autour, des tribunes de l’Hexagone.
« Face aux recours fréquents des associations de supporters et des clubs, les mesures de police administrative devront être particulièrement justifiées, sur la base d’antécédents de troubles à l’ordre public, d’antagonismes entre supporters, d’une impossibilité de mobiliser des forces en nombre suffisant pour sécuriser la rencontre et, plus généralement, de l’analyse de la DNLH. Le seul enjeu sportif de la rencontre ne suffit pas à démontrer un risque de trouble à l’ordre public. » Cet extrait du courrier envoyé le mois dernier aux préfets par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et Amélie Oudéa-Castéra, la ministre chargée des Sports, attestant une timide ouverture, semble déjà caduc. Depuis de longues années, des groupes de supporters et même des directions des clubs réclamaient un assouplissement et une meilleure compréhension de la part des autorités autour des déplacements des supporters adverses. Les incidents violents avant le match entre l’OM et l’OL ont sûrement déjà enterré toutes velléités d’assouplissement.
Pas un pour rattraper l’autre
Certes, les attaques de bus des équipes visiteuses (on se souvient de celui des Havrais à Ajaccio en 2018, par exemple) et de leurs fans ne sont malheureusement pas une nouveauté. Mais les images diffusées dimanche, notamment d’un Fabio Grosso sonné et blessé après que les vitres ont éclaté sur tout le côté de son car, vont clairement donner un visage, ensanglanté, à cette réalité. Douze points de suture plus tard, l’annulation de la rencontre était de fait la seule et sage décision, tant sur le plan sécuritaire qu’éthique. Elle a été décidée, comme François Letexier s’en est expliqué, après « une réunion de crise » pour « prendre l’avis des parties prenantes ». Il ne faut pas oublier que cette procédure découle de crises similaires récentes, notamment à Nice à la suite de l’invasion du terrain par des supporters venant au contact des joueurs marseillais, qui avaient refusé de revenir ensuite sur le terrain.
Les incidents aux abords du Vélodrome paraissent s’inscrire dans un crescendo depuis le début de la saison. On se souvient évidemment du pétard jeté à Montpellier à côté du gardien de Clermont, Mory Diaw, ou encore de l’agression du Palois Laurent Buades à Bordeaux, et qui ont valu à chaque fois des sanctions aux clubs recevants. Toutefois, la gravité s’avère cette fois d’une tout autre dimension, y compris par l’écho qu’elle va probablement avoir dans les jours à venir. Ce match était clairement identifié comme sensible. La rivalité entre les deux clubs, et surtout leurs ultras, avec un arrière-plan politique, perdure depuis de nombreuses années (Bad Gones et South Winners s’étaient affrontés sur une aire d’autoroute voici déjà dix ans en 2013). Nous ignorons pour le moment qui est responsable des violences avant l’Olympico, y compris contre les bus des 600 Lyonnais autorisés pour la première fois depuis longtemps à se rendre dans la cité phocéenne. Quoi qu’il en soit, les préfets vont désormais pouvoir se prévaloir de ce précédent pour justifier et reconduire les interdictions quasi systématiques de déplacement.
« Honte sur eux »
Cette soirée calamiteuse pose de nombreuses questions. En premier chef, dans quel état se trouve le mouvement supporter à Marseille (déjà au centre d’une crise au sein du club). Surtout que, comme l’a déploré la préfète de police des Bouches-du-Rhône, il s’agit d’une « occasion manquée pour le sport : la préparation du match avait donné lieu à d’excellents échanges préalables entre supporters lyonnais et marseillais. Quelques-uns en ont décidé autrement à l’extérieur du stade. Honte sur eux. » Il apparaît clairement que les groupes ultras français, y compris les plus structurés, ont de plus en plus de mal à tenir leurs troupes ou même, plus largement, leurs tribunes. Ce constat est-il conjoncturel ou un des symptômes d’un pays socialement en tension ? Enfin, il faudra aussi se demander par quelle faille dans la sécurité autour du stade cette agression a pu se produire, surtout lors d’un choc aussi attendu et alors que les forces de l’ordre locales ont normalement l’habitude de ce genre de risques. En souhaitant aux personnes blessées un prompt rétablissement.
Par Nicolas Kssis-Martov