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OM-Manchester City : attention virage
Avant de retrouver Manchester City mardi, au Vélodrome, André Villas-Boas a précautionneusement décéléré avant de s'engager dans ce qui pourrait être l'un des tournants de son aventure marseillaise. Le Portugais le sait : une victoire face au City de Pep Guardiola lui permettrait de marquer des points, et pas seulement au classement du groupe C. Ce match est aussi une histoire de cœurs à conquérir.
C’est pour ça qu’il est venu à Marseille. Pour humer cette odeur de caoutchouc sur l’asphalte et goûter à la sensation de vitesse. Pour mettre le pied sur l’embrayage et conduire un groupe sur ces routes aussi sinueuses que prestigieuses. Et après la crevaison grecque de son OM, André Villas-Boas s’apprête à emmener son bolide sur le deuxième tronçon de la Highway 1. Là, au Vélodrome, il sait qu’il met le doigt dans « une machine à gagner » : Manchester City. Une belle bagnole conçue par Pep Guardiola, que le pilote olympien considère comme « l’un des meilleurs et une source d’inspiration ». S’il est de la même génération que son homologue catalan, Villas-Boas n’a encore jamais eu l’occasion de se mesurer à la tête d’ampoule du foot européen. Pourtant, ce ne sont pas les connexions qui manquent.
Il y a quelques années, les deux hommes se sont mêmes posés ensemble, autour d’une table d’orientation, pour partager les observations griffonnées sur leurs différents carnets de bord. « Je m’en souviens, c’était au mois février, quand j’entraînais Porto (lors de la saison 2010-2011, N.D.L.R.), racontait André Villas-Boas, lundi, avec un œil dans le rétro. Pep, lui, était à Barcelone. On a échangé sur le jeu de nos équipes, sur les systèmes, notamment le 4-3-3. C’était forcément intéressant, parce que Pep aime l’innovation, le mouvement, trouver des dynamiques, prendre des risques.[…]À l’inverse des coachs qui sont portés uniquement sur les résultats et les titres, lui continue de réfléchir au jeu et à être innovant. C’est en ça qu’il est une source d’inspiration. »
Humains après tout
De son côté, plus que de l’inspiration, Pep Guardiola aura avant tout besoin de carburant avant cette deuxième sortie européenne de la saison. Pour cause, le Catalan a été contraint de laisser au garage ses deux attaquants de pointe (Sergio Agüero et Gabriel Jesus), ainsi qu’une vieille connaissance du coin, Benjamin Mendy. Sans s’affoler, Guardiola sait aussi qu’il traverse le pire départ depuis son arrivée en Angleterre (13e, avec sept petits points chipés en cinq journées). La faute à la cadence démentielle imposée par le calendrier, d’après lui. « On demande des choses aux joueurs qu’ils ne peuvent pas faire. Ce n’est pas compliqué à comprendre, rageait-il après le nul concédé à West Ham (1-1) ce week-end. Je demande le maximum à mes joueurs, mais il y a une limite pour des êtres humains. »
Des êtres humains, c’est justement ce que rêvent d’affronter les Marseillais. Mais après les difficultés entrevues pour dominer son sujet en Ligue 1 (cf. la sortie sous la flotte à Lorient) et pour ne rien attraper sur la pelouse de l’Olympiakos, personne n’ose se réjouir de la mauvaise passe des Citizens. « Ils ont une profondeur d’effectif qui leur permet de surmonter ces périodes plus compliquées, avertissait AVB lundi, en conférence de presse. Par exemple, Foden a changé la donne contre West Ham. City n’est peut-être pas encore à son meilleur niveau, mais pour moi, ils restent les favoris. » Guardiola a déjà prouvé qu’il avait plusieurs tours possibles dans son coffre, et c’est bien la raison pour laquelle son homologue reste, à raison, sur ses gardes : « Le problème avec City, c’est ça : sa faculté à s’adapter à l’adversaire. » Alors quoi, on se laisse faire ? Certainement pas : il faudra « chercher les réponses par le jeu ». Et s’inspirer de l’OL, vainqueur du même adversaire en août dernier lors du Final 8 ? « Tu ne peux pas demander à un coach de l’OM de s’inspirer de l’OL… » Et puis quoi encore ?
En panne d’âme ?
Si l’on en croit les rares mots lâchés par un Duje Ćaleta-Car tatoué comme un garagiste, son patron aurait un plan. « Nous sommes prêts pour faire face à n’importe quelle situation », jurait le malabar croate lundi. Le boss, justement, sans dévoiler ses intentions, compte opposer à l’adaptabilité guardiolesque l’adaptabilité villasboesque. La preuve : « Les équipes modernes doivent s’adapter, entre une défense en ligne ou homme à homme. À chaque fois qu’on était bombardés par des longs ballons de Lorient, on était obligés de reculer. Contre City, ce sera différent, ils devraient vouloir proposer plus de jeu. Qu’on fasse un pressing haut ou un pressing bas, Manchester City finira la partie avec 60-65% de possession, ça, c’est sûr. » Si cela ressemble à un « démerdez-vous » , c’est parce que le Portugais sait aussi que son salut passera avant tout par des prises de conscience individuelles. C’est d’ailleurs un ancien de la maison, Mathieu Valbuena, qui a mis le doigt là où ça fait mal lors du voyage au Pirée. « J’ai vu peu d’âme dans cette équipe. Je n’ai pas vu de personnalité, je n’ai pas vu d’entraide entre eux, je n’ai pas vu de leader », diagnostiquait le héros grec après s’être offert le scalp de son ex. Un constat accablant pour un joueur comme Dimitri Payet, très effacé la semaine passée et suspendu ce week-end, mais aussi pour Dario Benedetto, qui n’a plus fait trembler le moindre filet depuis 242 jours.
Dimanche, à Téléfoot, l’Argentin confessait avoir une bécane déréglée : « Il faut être un peu réaliste, on ne joue pas comme la saison passée, j’en suis conscient et le coach aussi. » Une remise en cause autant collective qu’individuelle. Lucide, le 9 sait aussi qu’il doit répondre à certaines des attentes populaires. « Le ballon finira par rentrer et tout va changer, se persuade-t-il. Je promets aux supporters de travailler dur, de donner le meilleur, c’est le moins que je puisse faire pour tous ces gens qui m’ont apporté tant d’amour en aussi peu de temps. » Un mea culpa que prend à son compte Villas-Boas. « C’est moi qui gère l’organisation de leur équipe, j’ai changé par exemple mes trois attaquants, mais je n’ai pas de reproches à leur faire, je cherchais la victoire, souffle-t-il. Si mes joueurs ne sont pas capables d’être au top niveau, c’est moi le responsable, c’est à moi de les ramener au niveau Ligue des champions, de les porter encore plus haut. » Trêve de politesses : il faut maintenant accélérer et faire sauter le barrage.
Par Mathieu Rollinger, à Marseille