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OM, Macron : c’est quoi le « projet » ?
La dernière ligne droite printanière va venir valider ou non les deux projets du président réélu et de l’Olympique de Marseille. Emmanuel Macron doit encore gagner les législatives et l’OM réussir une fin de saison qui passe ce soir par Rotterdam. On fait le point !
Rappelez-vous… Le 17 octobre 2016, le milliardaire américain Frank McCourt rachetait l’Olympique de Marseille et lançait son plan d’action : l’« OM Champions Project ». Le 10 décembre 2016, le candidat Emmanuel Macron exaltait ses supporters à la porte de Versailles : « Ce que je veux, c’est que vous, partout, vous alliez le faire gagner, parce que c’est notre projet ! » McCourt et « McRon » : deux « projets » pour le prix d’un, si on considère l’extrême attrait bien connu du président pour le club phocéen.
Penser printemps…
Moins de six ans plus tard, l’heure des premiers bilans a sonné. Sans trop juger sur le fond sa politique libérale réformatrice, on peut dire que Macron a réussi à être réélu, donc qu’il est parvenu à faire adhérer la majeure partie de l’électorat qui l’a reconduit dimanche à son projet pour la France. Même s’il a perdu les élections intermédiaires (LREM deuxième derrière le RN aux européennes 2019 et grosse claque aux municipales de 2020) qui attestent d’un faible enracinement local. Côté OM, le Champions Project avait été défini par McCourt le jour de son intronisation : « Mon but n°1, c’est d’être dans le top 3 de la Ligue 1 tous les ans. Le but n°2 est de gagner le championnat plus souvent qu’on ne le perd. Le but n°3, c’est de gagner la Ligue des champions. » Évidemment, pris dans sa globalité, le compte n’y est pas. Mais ce projet, qui était en fait plus indicatif que programmatique – vu la puissance du PSG en France et de la méga-concurrence en Europe – et qui avait pris du plomb dans l’aile au départ, tend à se réaliser tout de même en partie.
Ambiance de Classique.
Selon l’ancien mot d’ordre de Macron, « Pensez printemps ! », l’OM peut aborder le joli mois de mai avec optimisme : sous Pablo Longoria la gouvernance du club s’est stabilisée, Marseille est pour l’instant solide second de Ligue 1 (donc directement qualifié en C1), l’équipe joue plutôt bien et produit du jeu, les choix tactiques du coach Jorge Sampaoli affichent plus de cohérence et remportent l’adhésion des joueurs, le Vélodrome fait le plein (OM-Nantes : 56 000 personnes) et surtout, Marseille est peut-être bien parti pour gagner la Ligue Europa Conférence. De ce fait, les Phocéens pourraient être « à jamais les premiers » à gagner la C4… Et quand on connaît la lose infernale du football français en Coupes d’Europe, on aurait tort de mépriser cette compétition, même secondaire.
Ajoutons à ce moment présent un point de convergence entre l’OM et Emmanuel Macron sur leur tropisme anti-parisien. L’OM peut se consoler en constatant que le projet européen du PSG a encore échoué cette année avec l’élimination dès les 8es face au Real Madrid et que Marseille demeure toujours seul détenteur français de la coupe aux grandes oreilles. Qui plus est, ce PSG pas si impérial a laissé filer le titre de champion de France en 2017 et 2021 ! Emmanuel Macron a, lui, vaincu Paris à sa manière en terrassant au premier tour des présidentielles Anne Hidalgo (maire PS de la capitale), mais aussi Valérie Pécresse (présidente LR de la région Île-de-France)…
Olympique de Macron ?
Une même dynamique semble donc porter le président et le club des Bouches-du-Rhône dont il est en fait plus que simple supporter. Place forte politique du Sud de la France, Marseille a eu droit à une double visite présidentielle, en octobre 2021, dans le cadre de sa grande politique de la ville, et entre les deux tours à l’esplanade du Pharo pour un meeting de campagne. Étrange synergie Macron-OM qui affiche des slogans qui se ressemblent ( « En marche ! » et « Droit au but ! » ), une même attitude de défi ( « Qu’ils viennent me chercher ! » pour l’un et « On craint degun » pour la fierté marseillaise) et deux jeunes leaders Emmanuel (44 ans) et Pablo (36 ans), animés d’un même sens habile de la com. Macron avait fait le tour de France à la rencontre des élus après la crise des Gilets jaunes et, par le dialogue, Longoria avait fini par apaiser la colère des supporters après l’envahissement de la Commanderie en janvier 2021…
Depuis 2016 et le lancement de leurs deux projets, Emmanuel Macron et l’Olympique de Marseille ont aussi traversé des vicissitudes parfois comparables. Les changements de « Premier ministre » , avec Jean Castex à la place d’Édouard Philippe en juillet 2020 et Pablo Longoria, donc, qui avait succédé à Jacques-Henri Eyraud. L’Élysée a subi les défections de Gérard Collomb reparti à Lyon et Nicolas Hulot, brusquement démissionnaire en 2018, quand l’OM perdait Florian Thauvin, « parti » dans sa tête bien avant l’été 2021 au Mexique, et Álvaro Gonzalez, retourné récemment en Espagne. Le « pognon de dingue » dépensé de part et d’autre plombe aussi les bilans respectifs : en transferts et salaires élevés, l’OM s’est mis dans le rouge (Mitroglou, Benedetto, Strootman, voire même Ćaleta-Car ou Radonjić) et la France macronienne a creusé une dette nationale qui s’élève à 113% de son PIB, sans que ce ne soit (que) la faute du Covid…
Ni l’OM ni Macron n’ont mis la main sur le « grand attaquant » qui aurait sublimé leur bail quasi quinquennal. Jacques Chirac avait De Villepin, et le club phocéen n’a plus trouvé mieux depuis Gignac 2015 (21 pions). Enfin, si l’OM n’a pas brillé jusque-là en Coupes d’Europe, Emmanuel Macron n’a pas supplanté sur le Vieux Continent le leadership allemand incarné par Angela Merkel puis, aujourd’hui, par Ursula von der Leyen, présidente de fait de l’UE… La fin de saison s’annonce décisive pour le bilan final des deux projets : pour l’un, gagner les législatives sinon cohabiter, et pour l’autre, finir second en Ligue 1 et décrocher la Ligue Europa Conférence. Et ça commence ce soir, à Rotterdam…
Par Chérif Ghemmour