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OM : la grande réconciliation ?
Deux semaines après la crise interne à la suite d'une réunion entre le club et ses supporters, l’Olympique de Marseille retrouve le stade Vélodrome ce jeudi face à Brighton. Si les choses se sont apaisées en coulisses, une fracture s’est dessinée entre les supporters.
Comme à chaque match depuis deux saisons, le Vélodrome sera plein comme un œuf ce soir, pour la réception de Brighton en Ligue Europa. Mais le volcan phocéen chantera-t-il comme un seul homme ? Après la crise initiée par la réunion entre supporters et dirigeants fin septembre, des dissensions sont apparues dans les rangs phocéens. Fallait-il ou non s’en prendre ainsi à la direction ? Les leaders des groupes de supporters sont-ils représentatifs du public ? Autant de questions qui ont divisé la sphère olympienne, même si un retour au calme est en cours.
Un présent trop conjugué au passé
Au cœur de ce conflit : Rachid Zeroual, l’emblématique leader des South Winners, pointé comme le principal responsable de la crise, quand bien même l’ensemble des groupes étaient présents lors de ladite réunion. Pointé du doigt par certains, encensé par d’autres, l’homme à la barbe blanche taillée de près est sans doute le grand perdant de cet épisode. Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui ont demandé sa tête, certains allant jusqu’à se positionner en faveur d’une dissolution des groupes marseillais… Abonné dans le virage nord après plusieurs années chez les Winners, Abdel* le reconnaît : « Rachid, il fatigue tout le monde, mais ça reste un Marseillais, un gardien du temple. Ce qu’ils ont dit à cette réunion, c’est pour éviter que l’OM finisse comme Lyon ou Bordeaux aujourd’hui. C’est bien de rappeler à Longoria que l’OM reste le club des Marseillais avant tout. » Abonné du virage sud, Victor ajoute : « Tout le monde était bien content quand Rachid et les autres ont eu la tête de Jacques-Henri Eyraud, non ? Il est loin d’être parfait, évidemment, mais il est sincère. »
En dépit des actions sociales concrètes des Winners et des autres groupes dans la cité phocéenne, c’est donc la réputation sulfureuse de Zeroual qui a clivé les débats. « Il a fait du Zeroual en allant au conflit direct, mais il paye surtout son passé, plus que le présent », estime Thomas*, membre des Marseille Tout Puissant. Il développe : « Ce qu’on est nombreux à ne pas pardonner, c’est la grève contre Deschamps en quarts de finale de C1 en 2012. Tant qu’on n’aura pas gagné de nouveaux titres, le fait qu’il se soit payé Deschamps aura du mal à passer. S’il y a une fracture avec lui et son groupe, ça vient de là plus que de tout le reste. » Au sein des South Winners, d’ailleurs, personne ne lâche le boss. Les critiques, elles, viennent d’ailleurs. « C’est le groupe à la mode à Marseille, le plus grand. Ils vendent même leur tenue en ligne, tu peux te revendiquer ultra en habitant le Poitou-Charentes. Ça en agace certains, qui le voient comme un groupe de footix, et ils en ont profité pour lui tomber dessus », explique Thomas, qui a lui-même passé un an chez les pensionnaires du haut du virage sud.
Les lanceurs d’alerte du Vieux-Port
Toujours est-il que le rôle endossé par Rachid Zeroual lors de la dernière réunion a soufflé sur des braises, dans un climat déjà délicat avec le Commando Ultra, groupe historique qui occupe le bas du virage sud. « Ces tensions entre le CU et les SW ne datent pas d’hier, ils ne s’entendent pas bien entre le CU un peu old school, et les Winners à la mode », éclaire Abdel. Des visions différentes qui n’empêchent pas les deux groupes de cohabiter et de défendre les valeurs du club côte à côte, même si une bagarre a émaillé la fin de la soirée après OM-Panathinaïkos. « Les Winners ont sifflé les joueurs, le Commando Ultra les a applaudis. Ça a chauffé entre quelques-uns, mais c’est un non-événement », tempère toutefois un habitué de la tribune. Et si le Commando Ultra est le seul groupe à ne pas avoir signé le communiqué des supporters après la fameuse réunion, il ne faut pas y voir un quelconque message. « Ils avaient peut-être peur que Longoria fasse comme Eyraud a fait avec les Yankees : exclure les groupes du stade, glisse un membre des Winners. En attendant, tout le monde est content que Marcelino ait foutu le camp. » Abdel, qui regrette toutefois que les accusations portées lors de la réunion soient restées floues, préfère se marrer : « Il était déjà dans les Asturies avant même la fin de la réunion ! »
« Avec le recul, on a l’impression que c’est une histoire de magouilleurs qui sont tombés contre plus fort qu’eux, balaye Thomas, qui voit surtout un coup de maître de Longoria. Sa campagne médiatique a fait passer Rachid pour le méchant, en donnant une interview à La Provence, détenue par le sponsor principal de l’OM… Au lieu d’appuyer les revendications, les supporters s’en sont pris aux leaders de groupes plutôt qu’à Longoria. Et qui ressort de tout ça avec plus de pouvoir ? Pas les ultras… » Ce qui a ravivé la fracture opposant les vrais Marseillais aux adoptifs/expatriés. « Ceux qui crachent sur Rachid et les ultras, ils ne sont pas de Marseille, affirme Abdel. Quand tu vis ici, tu sais que l’OM est un vecteur de lien social, de cohésion, qui peut faire manger les gamins de la ville. Donc si le centre de formation leur profite via l’influence des groupes, ce n’est pas si grave… » Thomas ajoute : « Les groupes font plus de belles choses que de conneries. Et c’est sain d’avoir un contre-pouvoir au club. Ils se sont juste trompés sur le timing. » Tout ne serait donc qu’une question de point de vue. L’unité affichée par le parcage marseillais à Amsterdam va d’ailleurs dans ce sens. « Personne n’en a parlé dans les bus, c’est déjà du passé. Les groupes n’avaient pas envie que ça prenne ces proportions, avance Thomas. Il suffit de quelques résultats pour que tout ça se tasse. » À commencer par une victoire contre Brighton, ce jeudi, pour continuer à rêver d’Europe.
Par Adrien Hémard-Dohain
*Les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés.
Tous propos recueillis par AHD.