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OM : la faute à…
Les événements qui se sont produits samedi à la Commanderie, inacceptables et en tout cas condamnables, ne sont pas le fruit d'un hasard. Ils surgissent dans un contexte particulier pour Marseille, pour le football français et pour un pays traversé par une crise sanitaire depuis un an. Si les ultras vont payer le prix fort pour leurs actes, les causes de la colère, elles, méritent un peu plus de réflexion qu'une simple indignation à chaud.
Premier point, incontestable : l’invasion de la Commanderie et les dégradations qui ont suivi relèvent du délictueux. Si les supporters peuvent se considérer comme les vrais propriétaires d’un club, il existe peu de chance pour que la justice adopte également cette vision d’une propriété « collective » privée de l’OM en tant que SAOS, ce qui aurait pu donner le droit à certains fans de vandaliser leur propre bien. De même si Álvaro González a été touché par un projectile à l’occasion de ces événements. En espérant que les bons coupables seront poursuivis, et non seulement des personnes pour leur appartenance à tel ou tel groupe, ces faits ont conduit au report d’un match de football : celui entre l’OM et Rennes, prévu samedi soir. Un fait assez rare pour être signalé.
Mais pourquoi ?
Toutefois, les débordements, voire le vandalisme de quelques dizaines de personnes, ne peuvent masquer les raisons de la colère et de la manifestation aussi virulente sur le fond que sur la forme des ultras marseillais. Les vitres brisées en marge d’une manifestation pour la défense des retraites n’invalident pas non plus les arguments et les motivations de dizaines de milliers de manifestants présents. On connaît l’histoire : l’OM entretient depuis toujours une relation particulière avec ses fans et les habitués des virages du Vélodrome. L’arrivée de la paire McCourt-Eyraud n’a pas franchement amélioré les choses. Les nombreuses confrontations autour des abonnements ont, par exemple, cristallisé depuis un certain temps une forme de rupture de confiance entre les parties.
Tenir ses promesses ?
De fait, la direction marseillaise est aujourd’hui prise à son propre piège. Les supporters marseillais ne sont pas seulement des fidèles. Ils croient, souhaitent et sont convaincus que leur club a vocation à jouer les premiers rôles en France et en Europe. L’étoile est peut-être un objet de fierté utile pour vanner les supporters adverses ou gonfler l’ego de Dimitri Payet, cependant, les tribunes du Vélodrome attendent également du concret et de nouveaux motifs de célébrer leur supériorité. Or, après le retour en Ligue des champions et un bon début de championnat, les dernières semaines ont douché beaucoup d’espoirs et de rêves. La campagne européenne désastreuse a notamment laissé un goût amer tant il a révélé le gap entre les beaux discours et la réalité du terrain. Entre le spectacle proposé, les règlements de compte en interne entre joueurs peu préoccupés par une quelconque fierté du maillot et les déclarations récentes d’André Villas-Boas, les ultras marseillais ont fini par avoir le sentiment de voir leur institution s’écrouler, à commencer par le responsable de cette institution : Jacques-Henri Eyraud, qui a quand même évoqué samedi soir « 300 salariés en état de choc ». S’estimant souvent comme l’âme du club, les supporters se voient aussi souvent comme les derniers défenseurs devant l’adversité, d’autant plus lorsque certains responsables ne tiennent plus la barque.
Contexte général
Il faut aussi relier ces événements au spectacle lamentable offert par la LFP, et donc par Vincent Labrune, ancien président de l’OM, et par les notables du foot français, toujours incapables de réparer pour le moment les pots cassés par Mediapro. Jacques-Henri Eyraud est membre du groupe chargé d’examiner les offres de reprise des droits télé et il faut noter que sur l’ensemble du territoire, des conflits se multiplient entre groupes de supporters et leurs dirigeants, que ce soit à Bordeaux, à Nantes ou à Saint-Étienne, témoignant ainsi d’une défiance grandissante qui englobe aussi bien des revendications locales qu’un dégoût sensible d’un système. Autre élément, qui ne doit pas servir d’excuse : les restrictions, notamment à Marseille, pèsent sur l’ambiance, les humeurs, l’acceptabilité… L’absence de vie de stade a privé les groupes de leur espace naturel et de la scène de leur expression politique. Tout ce contexte a débouché sur une confrontation inédite et violente. La question qui se pose désormais reste donc de savoir si les dirigeants de l’OM, au-delà de leur réaction de défense, sauront en tirer des leçons pour l’avenir. Et si le foot français, déjà au plus mal, ne perdra pas, avec ce type de crispations, une part importante voire essentielle de son existence.
Par Nicolas Kssis-Martov