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OM : La dernière tournée de Sakai

Par Adel Bentaha et Alexandre Delfau
OM : La dernière tournée de Sakai

À 31 ans, Hiroki Sakai s’apprête à tourner la page de six années qui le lie à l’Olympique de Marseille. La fin d’une belle aventure pour celui qui a gagné le surnom de « Hiro », devenu une figure discrète d’un club pas comme les autres. Un amour réciproque, en somme.

The end. Après 185 rencontres disputées sous le maillot ciel et blanc, Hiroki Sakai a pris la décision de quitter l’Olympique de Marseille. À moins d’un invraisemblable retournement de situation, le latéral devrait donc retourner chez lui au Japon, et plus précisément aux Urawa Red Diamonds. Lucide et certainement conscient d’être arrivé au bout de son aventure olympienne, Sakai semble ainsi refuser l’année de trop. Chose qui ne lui ressemble pas, lui, le professionnel « toujours sérieux et impliqué dans tout ce qu’il fait », comme l’évoque Antoine Rabillard, son ancien coéquipier à l’OM.

Inusable Hiroki

Arrivé libre d’Hanovre au mois de juin 2016 après une saison difficile et une relégation en deuxième division allemande, Hiroki Sakai s’inscrit à l’époque dans le grand ménage de l’été opéré par la direction marseillaise. Le seul Nippon a avoir porté les couleurs de l’OM jusque-là se nomme Koji Nakata, en 2005. Mais qu’importe : sortant de quatre saisons pleines en Allemagne et fier de ses 102 matchs joués avec le club hanovrien, Sakai se prépare à découvrir un football totalement différent. « Nous le connaissions évidemment de nom, mais nous n’avions pas vraiment d’informations détaillées sur lui. Nous souhaitions surtout qu’il s’adapte vite à la Ligue 1, qui est plus puissante et plus athlétique que le championnat d’Allemagne », raconte Antoine Rabillard.

D’adaptation, il n’en faut quasiment pas pour le latéral droit. Malgré les incertitudes, le joueur formé à Kashiwa s’installe en effet très vite dans un couloir dépourvu de toute concurrence. Franck Passi puis Rudi Garcia l’intègrent au onze de départ, qu’il ne quittera pratiquement plus avec une moyenne de 30 matchs joués chaque saison en Ligue 1 et « seulement » 39 rencontres manquées (plus 6 autres, en raison de la Coupe d’Asie 2019). C’est que sous les ordres de cinq techniciens différents, Sakai a su rester fidèle à ses engagements.

Le rituel du footing pieds nus

Loin des blessures (147 jours d’ITT depuis son arrivée à l’OM), le latéral a longtemps fait figure de valeur sûre au sein du groupe, soulignée par une condition physique irréprochable. « Physiquement, il était extrêmement bien préparé. Il avait d’ailleurs un rituel qui m’impressionnait beaucoup : après chaque entraînement, peu importe l’intensité de la séance, il retirait ses chaussures, faisait quelques étirements et commençait un footing de quinze-vingt minutes pieds nus. C’était vraiment marquant, ça en disait long sur sa mentalité », se souvient Rabillard.

Une préparation minutieuse pour un style de jeu porté vers l’avant, avec des efforts incessants et de multiples courses dans son couloir malgré des oublis préjudiciables qui « entraînaient des fautes parfois évitables ». Les 26 cartons jaunes et 2 rouges récoltés témoignent en effet de cet équilibre fragile entre défense et attaque, point noir auquel s’ajoutent certaines lacunes dans le dernier geste (notamment les centres).

Sakai dans le cœur

Malgré les difficultés, le bilan d’Hiroki Sakai reste néanmoins positif pour bon nombre de supporters marseillais. Ce public exigeant avec les joueurs aura fini par tomber amoureux de ce Japonais débarqué sur le Vieux-Port à 26 ans sur la pointe des pieds, et dont la barrière de la langue a constitué un frein. Pour son ancien compère à l’OM, « c’était assez difficile au début. Sur le terrain, on sentait qu’il s’agaçait un peu, car il voulait s’exprimer sans parvenir toujours à dire ce qu’il voulait. Heureusement, il était proche de Rolando et Bafétimbi Gomis qui parlaient très bien anglais. » L’attaquant affirme également que « le plus frappant reste indéniablement l’amour qu’il portait à l’Olympique de Marseille. Il était attentif à tout ce qu’il se passait autour de lui, et souhaitait absolument s’identifier au club. »

Le fameux « respect de l’institution » , souvent galvaudé, a ainsi constitué une caractéristique inséparable de Sakai, homme attaché à l’écusson et respecté bien au-delà de la simple performance sportive. Car loin des statistiques, les fans ne se souviendront assurément pas de son but inscrit face à Toulouse. Une tout autre réalisation a, légitimement, retenu leur attention depuis longtemps : le 12 avril 2018, en quarts de finale retour de Ligue Europa, le latéral inscrit le dernier pion d’une soirée d’anthologie face à Leipzig (5-2). Envoyant son équipe vers une demie européenne et au milieu d’un Vélodrome en ébullition, « Hiro » vient à tout jamais de graver son nom dans le cœur du peuple phocéen. Ultime clin d’œil du destin, il fête ce soir-là ses 28 printemps.

Rupture plus triste que celle de Thauvin ?

Trois ans après, le voici donc sur le départ. « Comme celui de Thauvin, son transfert me fait un pincement au cœur, c’est la fin d’un chapitre », s’émeut Rabillard. Une chose est sûre, les Japonais sont de leur côté ravis de revoir un joueur qu’ils considèrent comme une légende. Un fait dont peut témoigner son compatriote Alpha Kubota, ailier de Sedan et dont le rêve était, lors de chaque tirage au sort en Coupe de France, de croiser la route d’Hiroki Sakai. « C’est un super footballeur, un vrai guerrier, toujours au combat jusqu’à la dernière minute, constate le natif de Tokyo. C’est un défenseur énergique, j’ai beaucoup de respect pour lui. » Un état d’esprit auquel il s’identifie, et qui lui rappelle le pays du Soleil-Levant. « Les joueurs japonais ont la dalle et ne lâchent rien, car notre mentalité est faite comme ça », explique Kubota, qui comprend par ailleurs le choix de son homologue sur l’aile droite.

« Beaucoup de Japonais qui évoluent à l’étranger aiment revenir au Japon, note-t-il. Moi aussi, j’aimerais bien revenir en J-League à la fin de ma carrière. » Un retour aux sources qui ne devrait au demeurant pas déplaire à Sakai, puisque le club de Saitama est réputé pour ses supporters « dignes de ceux du Borussia Dortmund » et par définition de l’Olympique de Marseille. Un ancien de l’OM qui porte le maillot des Reds, cela devrait aussi rappeler de beaux souvenirs aux Olympiens : il s’agit de la dernière tunique revêtue par Basile Boli, avant de raccrocher les crampons.

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Propos d'Antoine Rabillard et Alpha Kubota recueillis par AB et AD.

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