OM / Diouf viré : Le crépuscule d’idiots…

Un indice, d’abord. C’est par un communiqué publié sur le site officiel de l’OM que l’on a appris l’éviction de Pape Diouf. Est-ce que le message avait été rédigé depuis longtemps ? Dans le contenu, peut-être pas, mais pour la teneur, oui : le sort de Diouf était scellé depuis quelques jours. Ne restait plus qu’à poster. Ce qu’il y a de révélateur, à travers le communiqué laconique, c’est l’absence de communication claire, “à visage découvert”, dans un grand club comme l’OM. C’est par presse interposée (interview à l’Equipe mi-janvier) que RLD avait mis le feu aux poudres en mettant la pression sur Anigo-Diouf-Gerets. C’est par la presse que RLD apprendra qu’Eric Gerets ne restera pas à l’OM. C’est par la presse que Diouf “explosera” Labrune à coups de déclarations insensées. Et c’est par un communiqué froid expédié sur le site du club que l’annonce du départ de Pape Diouf a été officialisée. Comme si au sein de l’exécutif marseillais, l’absence de communication, et donc l’absence de confiance, avaient régné. Incroyable pour un “grand” club comme l’OM. On apprend par bribes que Pape Diouf aurait mal transmis (voire aurait omis de transmettre !) la volonté ferme de RLD de vouloir garder Gerets. Là aussi, un dysfonctionnement coupable dans une communication interne défectueuse atteste d’erreurs lamentables à répétition.

Après “l’Affaire Gerets”, “l’Affaire Diouf” met en évidence la crise du management à l’OM qui ponctue une rare période de stabilité (presque quatre ans) au sein du club phocéen à mettre au crédit de Pape Diouf. Cette crise du management semble généralisée dans le football français : crise au PSG avec le départ précipité de Villeneuve, crise à Lille avec l’éviction surprise de Rudi Garcia (peut-être rappelé !) et largage du DG Xavier Thuilot. Du flottement à St-Étienne avec la présidence bicéphale Romeyer-Caïazzo, des tensions à Nantes avec le président Kita chahuté par le public, une crise étouffée au Havre avec le rejet du Projet Dhorasoo, De Bontin parti de l’AS Monaco en pleine saison. Que dire enfin de la gestion brouillardeuse de la FFF avec le sélectionneur Raymond Domenech… Que ce soit à l’OM ou au PSG, on a donc observé les mêmes conflits entre président délégué (Diouf et Villeneuve) et actionnaire principal (RLD, via Labrune, et Bazin) qui ont logiquement tourné à l’avantage des actionnaires principaux. Les enjeux : l’extension des pouvoirs revendiqués par Diouf et Villeneuve. Autant Villeneuve a manqué de tact et de patience dans sa volonté de renforcer et d’accroître son pouvoir. Autant Pape Diouf a outrepassé ses prérogatives en voulant s’émanciper du Directoire, auquel il ne voulait plus rendre de comptes. Pape Diouf paye surtout une fuite en avant égocentrique et un brin mégalo, constatée par son usage de plus en plus répété du « moi, je » , quand ce n’était pas pour parler de lui-même, « Pape Diouf » , à la troisième personne…

Le football français a encore du mal à intégrer la règle canonique de la stabilité : un actionnaire principal, un président, un entraîneur, et… chacun à sa place ! La nouveauté, c’est qu’en cas de crise, le rôle des supporters (pour le meilleur ou pour le pire) est devenu un paramètre déstabilisateur supplémentaire. Autant au PSG le départ de Villeneuve (qui commençait à être vraiment populaire auprès des supporters) a pu être désamorcée “en douceur” vu que le Grand Charles n’était pas au club depuis longtemps, autant à Marseille la situation est explosive. L’union sacrée autour de Pape manifestée samedi par un communiqué des associations de supporters de l’OM était sans ambiguïté : un soutien total à Diouf qui sonnait comme une déclaration de guerre à RLD en cas de “licenciement” de leur champion. Les jours qui vont suivre vont être hyper tendus à Marseille. Le choix du nouveau président ne va pas être facile : RLD a-t-il seulement un Plan B, un successeur digne d’être accepté par le “peuple marseillais”, nettement pro-Diouf ? On parle de “peuple marseillais” tant le rejet absolu d’un “président parisien” (c’est-à-dire non issu de la cité phocéenne) est fermement proclamé.

Didier Deschamps apparaît comme le nouvel homme fort de l’OM. Le communiqué du club est clair : « De nouveaux défis sont désormais à relever. Didier Deschamps, le nouvel entraîneur, les incarnera sur un plan sportif » . Quel que soit le nom du nouveau président, on peut penser que la Dèche se verra attribuer des pouvoirs étendus qui le rapprocheront du rôle de manager à l’anglaise que lui et son pote Lolo Blanc ont toujours revendiqué. Rappelons que les relations passées entre Diouf et Deschamps n’étaient pas exactement au beau fixe (DD n’a pas encore réagi ou fait de déclarations publiques au sujet de l’éviction de Diouf) et qu’à terme, sa cohabitation avec le Pape aurait fait des étincelles. Rappelons aussi que si on ne sait pas encore si Deschamps est l’homme de la situation, prêt à supporter le poids actuel de la crise et du fameux “contexte marseillais”, qu’il est tout sauf un rigolo. A Monaco, il est sorti vainqueur inattendu d’un duel sans merci avec l’indéboulonnable Jean-Louis Campora, président de l’ASM, qu’on croyait éternel sur le Rocher. Alors…

Un dernier mot. Dans la France de 2009, encore plongée dans la thématique aiguë de la Diversité, on prendra acte du départ du seul président noir du foot d’élite français. Sans en faire une fierté démesurée, Pape Diouf revendiquait quand même un peu cette exception. Avec sa démission, cette exception a vécu.