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OM : analyse titre champion de France 2010

Par Swann Borsellino et Kevin Charnay // Propos de Mamadou Niang, Benoît Cheyrou, Édouard Cissé et Kevin Osei recueillis par SB et KC
OM : analyse titre champion de France 2010

Il y a une décennie déjà, l’Olympique de Marseille remportait son dernier titre de champion de France et mettait fin à une anormale disette de 17 années sans titre. La recette : Didier Deschamps sur le banc et des soldats d’expérience sur le terrain.

Comme trop souvent à Marseille, ce printemps 2009 amène en plus du pollen quelques effluves de frustration. Ce dimanche 17 mai, ils sont 56 498 au Vélodrome pour assister à l’histoire et un passage espéré de témoin : une réception de l’OL, septuple champion de France en titre, pour lui rappeler qu’il est temps de faire tourner l’Hexagoal. Un doublé de Karim Benzema et un but de Juninho plus tard, l’OM s’incline 1-3. Malgré un exercice admirable, les hommes d’Éric Gerets ne ramèneront pas le trophée sur le Vieux-Port. La nostalgie de 1993 est toujours présente quand est annoncée l’arrivée de Didier Deschamps comme nouveau coach de l’OM. Objectif : faire mieux que l’année précédente. Avec la gagne comme seule issue, le dernier capitaine à avoir soulevé une coupe à Marseille sort sa recette la plus sûre : l’équipe de tauliers. Car selon chef DD, c’est bien dans les vieux pots que l’on fait les meilleures confitures.

Deschamps qui reprend Marseille, ce n’est pas pour enfiler des perles.

Le mercato ou l’arrivée des Expendables

« Être champion de Turquie, c’est bien. Mais champion de France, c’est mieux, tu ne crois pas ? » Lorsque Deschamps propose à Édouard Cissé de le rejoindre dans son futur club, les objectifs sont on ne peut plus clairs.« On parle de Didier Deschamps qui reprend Marseille. Ce n’est pas pour enfiler des perles », se souvient Cissé. Une mission pourtant compliquée sur le papier. En interne, comme souvent, l’été a été très agité. L’arrivée du champion du monde 1998 sur le banc a le mérite d’apaiser la déception après le départ du très apprécié Éric Gerets. Mais à peine le problème de coach réglé que c’est celui qui l’a fait venir, le président Pape Diouf, qui quitte le navire après un conflit avec Vincent Labrune. Il sera remplacé par Jean-Claude Dassier. C’est au milieu de ce joyeux foutoir qu’un drame a lieu : le décès de Robert Louis-Dreyfus, propriétaire de l’OM depuis 1996. Dans ce flou, tous les pouvoirs sont confiés à l’homme providentiel : Didier Deschamps, qui dispose alors de très gros moyens pour construire son équipe. Quarante millions d’euros sont dépensés en un été – une révolution à l’époque – sur Cyril Rool, Stéphane Mbia, Fabrice Abriel, Édouard Cissé, Souleymane Diawara, Gabi Heinze, Fernando Morientes et surtout Lucho González. Pour appliquer sa recette de la gagne, Deschamps a besoin de sélectionner les meilleurs produits. Alors, sur le marché des joueurs, il ne s’aventure pas sur les stands des jeunes pépites, mais opte pour les valeurs sûres. Au club depuis 2007, Benoît Cheyrou en est une : « Cette équipe était créée pour gagner. Il y a eu beaucoup d’argent dépensé pour faire venir des joueurs qui étaient non seulement bons sur le terrain, mais aussi expérimentés. C’était une des clés de notre succès. Les joueurs qui ont débarqué étaient matures, très professionnels et avaient du vécu. La dynamique insufflée au groupe ne pouvait être que positive. »

Montpellier : la claque qui réveille

Ce groupe est censé incarner un nouveau cycle. Sauf que Lucho, arrivé du FC Porto pour environ 20 millions d’euros (record marseillais à l’époque), se blesse dès la préparation et la mayonnaise met du temps à prendre. Plombé par l’absence de son maître à jouer et des résultats irréguliers, Marseille termine la phase aller quatrième, à onze points du leader bordelais. Trente-deux points à la trêve, le bilan est très moyen, et surtout très insuffisant aux yeux des supporters qui expriment leur mécontentement lors de la défaite face à Auxerre, juste avant Noël. Chants à la gloire de Gerets et quelques pancartes « Deschamps démission » sont de sortie. Nouvelle claque un mois plus tard, avec une grosse défaite face à Montpellier (2-0), où la différence de jeu entre un promu et un candidat au titre est marquante. Le calendrier indique le 30 janvier 2010, et l’OM est 7e. Le moment pour Didier Deschamps de rappeler à tout le monde la raison de sa venue. « Son rôle a été très important,situe Mamadou Niang, capitaine de l’OM 2009-2010. Il a su trouver les bons mots durant la saison pour renverser des situations très compliquées. On a vite compris pourquoi il a gagné autant de titres dans sa carrière : il ne lâche jamais rien. »

On avait des joueurs d’expérience qui savaient parler au bon moment.

Un capitaine, des leaders

Au sortir de ce revers honteux, le coach propose à ses joueurs de se réunir afin qu’ils « se disent les choses » comme le veut la formule. « On a pu se dire ce qu’on avait les uns contre les autres,se remémore Cissé. Tout le monde a pu prendre un peu la parole, du plus jeune au plus expérimenté. Il y avait des non-dits et nécessité de crever les abcès. Ça a servi de libération des mauvaises énergies et ça a véritablement créé une équipe. Didier savait que ça nous ferait du bien. Après ça, il n’y a pas eu beaucoup de défaites… »Trois, pour être exact. Une en seizièmes de Coupe de France face à Lens (3-1) le 10 février. Une autre lors de l’élimination en huitièmes de Ligue Europa face au Benfica Lisbonne (1-2) le 18 mars. Et une dernière à Lille (3-2), en Ligue 1 le 8 mai, soit trois jours après s’être assuré le titre face à Rennes au Vélodrome.

De l’aveu de tous ceux qui l’ont vécue, cette réunion de crise a marqué le tournant de la saison. Certains joueurs, comme Hatem Ben Arfa et surtout Mathieu Valbuena, retrouvent la confiance du coach, et le temps de jeu qui va avec. « Petit Vélo » , qui avait fait une terrible première impression à Didier Deschamps, au point d’être quasi indésirable, devient l’un des Marseillais les plus décisifs. Au-delà des cas individuels, c’est le groupe entier qui s’est mis à tourner à plein régime. Kevin Osei, intégré au groupe pro lors de la saison 2009-2010, se souvient de cette ambiance particulière d’hommes en mission :« À un entraînement, je rate une passe et j’en rigole. Gabi Heinze me remet directement à ma place. Pour lui, c’était grave, il ne fallait pas en rigoler et rester concentré pour toujours être au top. »Un rôle de grand frère validé par le capitaine de l’époque, Mamadou Niang, dont l’influence s’exprimait essentiellement sur le terrain : « Mon leadership, je le manifestais par ma personnalité. On avait des joueurs d’expérience qui savaient aussi parler au bon moment, comme Gabi(Heinze), Édouard Cissé ou Souleymane Diawara, donc je leur laissais la parole. Mon rôle, c’était de montrer la voie sur le terrain. »

Travail invisible, résultats visibles

L’exigence régnait aussi dans le domaine physique, ce qui a permis à l’OM de surclasser ses adversaires tout au long de l’année, et surtout en fin de saison. « Cette équipe avait une dimension athlétique impressionnante,se rappelle Cheyrou. On a beaucoup tourné, il y avait beaucoup de profondeur de banc et chacun a joué un rôle, ça explique le fait qu’il est difficile de sortir un ou deux joueurs de cette équipe. »Le milieu phocéen se rappelle également tous les petits efforts supplémentaires exigés par Didier Deschamps :« On venait plus tôt à l’entraînement, on en repartait plus tard et surtout, on bossait plus dur. Il y a eu beaucoup de travail invisible. La récupération, l’hydratation, l’alimentation. Après, il ne faut pas oublier une chose : ce groupe avait énormément de qualités. On ne peut pas tout mettre sur le dos de l’expérience. »

Qu’ils s’appellent Mamadou Niang, Lucho González, Hatem Ben Arfa, Mathieu Valbuena ou encore Fabrice Abriel, tous étaient techniquement à la hauteur du niveau physique demandé par le coach. Et si la caisse suit le talent, l’issue fait peu de doute : quand cette équipe n’était pas en mesure de vivre par le jeu, elle était capable de ne pas mourir grâce à son mental et à ses jambes. Le premier trophée ne tarde d’ailleurs pas à tomber. Avant de décrocher le Graal, l’OM passe par la case Coupe de la Ligue fin mars, en écrasant Bordeaux, alors leader en Ligue 1, en finale (3-1). Ce trophée remplit de bonheur tout le peuple marseillais, qui patientait depuis 17 ans.« La célébration sur le Vieux-Port pour la Coupe de la Ligue, même nous on a trouvé ça un peu excessif,sourit Édouard Cissé.Cette réaction décuplée témoignait de la souffrance des Marseillais depuis des années. On s’est dit que ce serait encore plus beau en remportant le championnat, ça a été une autoroute ensuite. »

Moisson d’avril et sacre bleu

Après cette belle fête, le commando marseillais renverse tout sur son passage – sept victoires consécutives – à force de buts sur coup de pied arrêté, de mental d’acier et de combats physiques constamment remportés. « Marseille sortait d’une ou deux saisons où ça jouait très bien, mais sans titre au bout. Il fallait casser ça, ne plus s’en satisfaire. Il fallait transformer les nuls en victoire, comme quand on sort un match affreux contre Boulogne, mais qu’on gagne à la dernière minute sur un penalty de Taiwo », abonde Cissé. La bande en mission récolte les fruits de ses sacrifices le mercredi 5 mai 2010, devant 55 377 courageux venus braver une météo inattendue pour un sacre tant attendu. Meilleur buteur du championnat, Mamadou Niang se rappelle : « Match compliqué. Les conditions de jeu étaient difficiles, il pleuvait. Puis Rennes était une équipe difficile à jouer, donc franchement : dur. » L’enjeu, lui, est simple : si l’OM gagne, il est champion de France pour la première fois depuis 1992. Le scénario est idéal quand Gabi Heinze ouvre le score d’un coup franc magistral dès la 4e minute de jeu. Mais Jimmy Briand égalise pour les Bretons à la 37e, et à la pause, l’OM n’est pas champion.

Cette équipe était créée pour gagner.

Les supporters, parmi lesquels beaucoup étaient présents un an plus tôt lors de la défaite face à Lyon, commencent à s’inquiéter. Jusqu’à la 75e minute et ce but de Mamadou Niang. « C’est l’une des plus grandes joies que j’ai eues en tant que joueur », se rappelle le Sénégalais. Sa célébration en témoigne. Sa glissade sur les genoux semble durer une éternité avant que Taiwo, Valbuena, puis l’intégralité du banc marseillais ne le rejoignent. Le Vélodrome est un volcan, l’éruption arrive une minute plus tard. Présent comme à son habitude sur un deuxième ballon aux 20 mètres, Lucho González envoie une incroyable caresse du pied gauche dans le but d’un Costil impuissant. Meilleur passeur du championnat et chouchou des supporters, « Luis Oscar Lucho González » comme l’a soigneusement appelé Denis Balbir dans un commentaire devenu légendaire sur les antennes d’Orange Sport, offre le titre aux siens. Une montagne humaine prend forme autour de Lucho où l’on retrouve tout le groupe marseillais. De Mamadou Niang à Brandão, en passant par, Gabi Heinze, Charles Kaboré, Souley Diawara et même le gardien remplaçant Andrade. Quand Lucho se relève, c’est tout un groupe qui jubile, soulagé d’avoir enfin battu la malédiction. Un groupe d’un peu plus de 800 000 habitants qui s’appelle Marseille.

Article paru initialement dans le SO FOOT CLUB #62, toujours disponible en kiosque.

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