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OM : à quoi jouent McCourt et Ajroudi ?
C’est la saga de l’été. Alors que le football reprend petit à petit en France, cela fait plusieurs semaines que les rumeurs d’une vente de l’Olympique de Marseille se répètent et tiennent en haleine les fans du club. Alors, l’OM, vendu ? Pas vendu ?
Les blockbusters américains ne sortent pas ? Les chaînes de télévision ne produisent plus de saga ? Les tournages sont reportés ou annulés ? Pas grave, si l’on veut des sensations fortes, il suffit de regarder ce qui se trame du côté de Marseille. C’est bien simple, depuis plus d’un mois, les rumeurs et les déclarations d’une probable vente de l’OM n’en finissent plus. Mais pourquoi serait-il à vendre ? Le club, sous pavillon américain depuis 2016, date de son rachat par l’homme d’affaire Franck McCourt, est au point mort économiquement malgré sa récente qualification en Ligue des Champions et un titre de vice-champion d’Europe acquis en 2018.
Selon le dernier rapport de la DNCG, comptant pour la saison 2018-2019, le solde net de l’OM était négatif à -91 miillions d’euros. Après des pertes respectivement de 78 et de de 42 millions d’euros sur les saisons 2017-2018 et 2016-2017. Mais aucune sanction du gendarme financier du foot français n’est venue punir ces bilans… Pour quelle raison ? Tout simplement parce que McCourt ne cesse de renflouer les comptes et de réinjecter des liquidités. Le président Jacques-Henri Eyraud l’avait d’ailleurs répété, en juin dernier, « l’OM n’a pas la moindre dette ». Oui, mais d’un autre côté, le club ne génère pas le moindre sou, c’est un puits sans fond depuis quatre ans. Tout le monde conseillerait alors à McCourt de vendre. Il faut dire d’ailleurs qu’il pourrait potentiellement réaliser une petite opération, en cédant à au moins 100 millions d’euros un club qu’il avait acquis pour 55 millions d’euros. Mais non, rien n’y fait, le natif de Boston s’accroche à son équipe comme une moule à son rocher.
Vendre ou ne pas vendre
Et ce malgré l’arrivée, en toute fin de confinement, d’un nouvel acteur: le franco-tunisien Mohamed Ayachi Ajroudi. Associé à l’expansif dirigeant Mourad Boudjellal, celui-ci a trusté toute la presse française pour faire part de son souhait de racheter Marseille. Il voudrait le club à tout prix, coûte que coûte. Certains avaient même parlé d’une offre à 500 millions d’euros, soit 10 fois le prix d’achat. Depuis, on a le droit, quasiment tous les jours, à des déclarations et des réponses d’un camp à un autre. Soit Boudjellal ou Ajroudi présentant leur projet, parlant du « stade du Vélodrome » ou rêvant d’une équipe construite sur la durée autour du plus que trentenaire Cristiano Ronaldo (sic). Soit Eyraud ou les représentants de McCourt réaffirmant leur volonté de rester à la tête de l’Olympique de Marseille ou menaçant d’une plainte pour « tentative de déstabilisation »… Une plainte qui n’aurait, soit dit en passant, aucune chance d’aboutir : par définition, puisque Marseille n’est pas coté en bourse, le potentiel acheteur peut faire autant de propositions qu’il veut, sans contrainte (on y reviendra). Difficile, dès lors, de comprendre ce qui se passe sur la Canebière.
1/ Soit le club est à vendre, et les négociations devraient s’opérer dans le plus grand des secrets, selon les codes officieux des règles du commerce. 2/Soit le club n’est pas à vendre, et Ajroudi se fourvoie dans une posture qui le décrédibilise un peu plus à chaque fois.
Offre d’achat, mode d’emploi
Ou alors… tout serait réfléchi et orchestré en amont ! Et oui, pourquoi pas ? Ca ne ferait que rajouter du suspense au suspense et des rebondissements à l’affaire. Pour arriver à ce genre de raisonnement, il faut bien comprendre comment s’organise une vente et des négociations sur une société cotée en bourse, ce que n’est pas l’OM. Dans ce cas des cotations boursières, les OPA (Offre Publique d’Achat) et les OPE (Offre Publique d’Echange) sont surveillées et gérées par l’AMF, l’autorité des marchés financiers, qui veille à ce que tout se passe convenablement. Lorsqu’une proposition est faite publiquement, elle doit être concrète, avérée, ne pas être basée sur des rumeurs ou des déclarations de presse, et le propriétaire doit y répondre officiellement. Rien ne doit pouvoir perturber la cotation du titre. En effet, celui-ci peut bouger à partir de rien, sur la simple base d’une rumeur ou d’un bruit de couloir. Grosso modo, le marché pourrait se dire « Tel investisseur veut racheter telle société, elle doit avoir de la valeur, achetons ! », ou alors, inversement, « tel investisseur veut racheter telle société, pourquoi ? C’est bizarre. Vendons ! ». Dans le cas de l’OM, si le club avait été coté en bourse, on pourrait se dire que, vu les résultats financiers, McCourt serait fou de refuser une offre et son obstination à conserver l’équipe conduirait à une déflation de sa valeur.
Ajroudi vs. McCourt : qui joue avec l’autre ?
Ou alors, ça serait calculé. Faisons un peu de fiction… Malgré des soldes nets négatifs depuis 3 ans, McCourt renfloue et solvabilise Marseille, refuse les propositions d’achat et menace de porter plainte contre Ajroudi. Cela permettrait d’envoyer un signal dans la tête des investisseurs. Un message qui se résumerait ainsi : Marseille a un potentiel, un immense potentiel, l’OM a beau perdre quasiment 100 millions d’euros par an, il vaut quelque chose, et pas n’importe quoi. En la jouant ainsi, McCourt profiterait de cette médiatisation effrénée pour réévaluer la valeur de l’équipe, montrer que Marseille pourrait acquérir une dimension sportive et économique internationale dans les prochaines années et valoir plusieurs centaines de millions d’euros d’ici quelques saisons. Ainsi, cela ne servirait à rien de vendre maintenant, malgré les ultimatums lancés par Ajroudi ou Boudjellal. Ces derniers ne seraient alors que de la poudre aux yeux, qu’un moyen d’intensifier la réputation et la renommée du club pour, ensuite, décrocher la timbale. McCourt se servirait, quelque part, d’eux comme d’un cheval de Troie. Comme s’il disait : « Vous voulez racheter mon club ? Mais moi, je ne veux pas. Pourquoi ? Parce qu’il en vaut beaucoup plus ». Dans le monde fou et irrationnel des affaires, une telle stratégie est parfaitement crédible. Qui n’a jamais entendu des rumeurs dans la presse de la vente de tel ou tel joueur pour qu’au final il reste dans son équipe avec une grosse valorisation salariale ? Personne, vraiment ?
Par Pierre Rondeau