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Textor, un président particulier aux méthodes singulières

Par Adrien Candau
18 minutes

En 59 ans d’existence, John Textor sera parvenu à monter son propre fonds d’investissement, à diriger une société de snowboards, à couler une entreprise hollywoodienne d’effets spéciaux et même à s’affirmer comme l’un des prodiges du skateboard floridien, à la fin des années 1970. Plus récemment, il aura également fait l’acquisition de quatre clubs de football, dont l’Olympique lyonnais, passé sous sa coupe en décembre 2022. Une merveilleuse nouvelle, pour les Gones et le ballon rond hexagonal ? Pas vraiment, le club étant aujourd’hui menacé de relégation administrative.

Textor, un président particulier aux méthodes singulières

Il paraît que John Textor aime le football. C’est du moins ce que ressasse en boucle l’entrepreneur en série, qui, après des mois de négociations, a fini par devenir l’actionnaire majoritaire de l’OL à la mi-décembre 2022. « Pour moi, ce n’est pas un business. Je ne suis pas là pour bâtir un empire, ni pour maximiser ma fortune avant de mourir. Je suis un amoureux du ballon rond. Je regarde plus de 250 matchs par an, souvent du bord de terrain, pas uniquement à la télé. » Le concept de hors-jeu semble en effet ne pas être une planète inexplorée pour l’Américain – fondateur en 2008 du FC Florida, une académie où les kids locaux peuvent se former au soccer. Si on ne l’a jamais vu discuter half-space ou 3-5-2 modulable en interview, le millionnaire confiait déjà en 2010 son intérêt pour le football.

Le vrai, pas celui que la plupart de ses compatriotes s’évertuent à pratiquer avec les mains, équipés de casques, d’épaulettes et de protège-dents. Alors à la tête de Digital Domain – une société d’effets spéciaux bien connue à Hollywood –, Textor avouait préférer encourager ses gamins sur les terrains le week-end, que de passer ses samedis à siffler des flûtes de champagne à la préprojection d’une superproduction : « Je ne me suis jamais considéré comme étant quelqu’un appartenant à l’industrie du cinéma… Je veux dire, personne ne me voit à Los Angeles. Je me fiche d’aller aux avant-premières. Je préfère aller voir mon garçon jouer au football. J’ai raté peut-être cinq de ses matchs en sept ans. »

À l’époque, on raconte que Textor Junior aurait même eu droit à son propre coach personnel, assorti d’un petit terrain de foot que son paternel lui aurait fait aménager sur le campus de Digital Domain. Une décennie plus tard, les ambitions footballistiques de John Textor ne se limitent plus à encadrer la progression de son fiston. En l’espace de même pas deux ans, il aura successivement mené une OPA sur le Racing de Molenbeek (une écurie de D2 belge), le club brésilien de Botafogo, racheté 40% des parts de Crystal Palace, avant, donc, d’ajouter l’OL à sa collection. Question subsidiaire : qu’est-ce qu’un type qui a investi dans une entreprise de snowboards, une société de vente en ligne de produits pour bébés et une compagnie de technologies holographiques peut connaître du foot business ?

Historiquement, je n’aime pas diriger les entreprises, je suis comme l’oncle fou perturbateur, provocateur. L’oncle fou ne doit pas diriger l’entreprise, mais c’est lui qui amène parfois les bonnes pistes. Moi, j’aime penser le monde de dans cinq ans.

John Textor

Suffisamment pour efficacement faire tourner la boutique, promet le principal intéressé. Encore mieux : John Textor avait toute une batterie de concepts prétendument visionnaires à susurrer aux oreilles du patriarche Jean-Michel Aulas, à l’époque où JMA était encore maintenu à la présidence du club rhodanien : « Historiquement, je n’aime pas diriger les entreprises, je suis comme l’oncle fou perturbateur, provocateur, confie Textor. Je vais appeler Jean-Michel Aulas et le challenger avec de nouvelles idées. Puis il me dira : “John, ça peut marcher”, ou pas. L’oncle fou ne doit pas diriger l’entreprise, mais c’est lui qui amène parfois les bonnes pistes. Moi, j’aime penser le monde de dans cinq ans. » Un monde qu’il avait déjà projeté sans Aulas, manifestement.

Le skate, Tony Hawk et la marijuana

Il faut croire que John Textor a toujours eu une longueur d’avance. Sur ses partenaires d’affaires – pas toujours très au fait de l’ingénierie financière complexe qu’il déploie pour monter ses business – et même sur ses potes d’enfance, ceux du skatepark Safari de Palm Beach, où il aura enchaîné les tricks pendant des années. Bien davantage que le football, ce sont les figures acrobatiques qu’inventent les riders du coin qui fascinent le jeune Textor, alors que le phénomène skateboard explose aux États-Unis. « Le skate était une discipline qui était un peu tombée dans l’oubli au milieu des années 1960, resitue l’auteur Craig B. Snyder, à qui l’on doit A Secret History of the Ollie, un ouvrage de référence sur l’histoire de la discipline aux États-Unis. Mais, au début des années 1970, des fabricants inventent des modèles largement plus légers et maniables, notamment grâce à l’utilisation de roues en polyuréthane (un matériau plastique, NDLR). D’un coup, la popularité de la planche à roulettes est montée en flèche. Des skateparks ont poussé dans tout l’État de Floride. L’un d’eux avait d’ailleurs été construit à Palm Beach par le beau-père de John Textor. »

Lieu de villégiature favori des retraités fortunés de la côte Est, Palm Beach – avec ses plages immaculées et ses allées interminables de palmiers – est l’émanation d’une certaine idée de la dolce vita à l’américaine. Au milieu des baraques côtières des multimillionnaires, des hôtels de luxe et des parcours de golf, Textor dit avoir grandi dans un foyer de la classe moyenne, malgré ses liens lointains avec la très fortunée famille DuPont, d’ascendance française. « Il venait quand même d’un milieu privilégié, rembobine Hunter Joslin, manager du skatepark Safari, alors géré par la famille Textor. Nous, les skateurs du coin, le savions, mais ça ne changeait pas grand-chose. Si tu maîtrisais bien ta planche, tu étais intégré. Et John skatait vachement bien, surtout pour son âge. » En 1978, à seulement 13 piges, le futur homme d’affaires intègre l’équipe Sims, une structure semi-professionnelle de cinq skateurs, sponsorisée par le fabricant du même nom.

« Nous nous sommes tous retrouvés à travailler au skatepark du beau-père de John, se souvient Chuck Lagana, inventeur autorevendiqué du Disaster, une figure de base du skate moderne. Moi et trois autres skateurs, nous avions 17, 18 ans, donc nous pouvions concourir dans le monde professionnel. John était beaucoup plus jeune, donc il roulait en amateur, dans sa catégorie d’âge. C’était facile pour lui, je me souviens qu’il finissait presque toujours premier ! » Les glorieuses prémices d’un type déjà avant-gardiste, affirme Lagana, qui un beau jour voit son jeune camarade enchaîner les 360 degrés d’une manière peu académique. « Il tournait sur le nez du skate, au lieu de le faire sur le flanc ou la queue. Je lui demande : “Où t’as appris à faire ça ?” Il m’a répondu : “J’ai commis une erreur et j’ai juste décidé de continuer dans cette voie.” C’était déjà quelqu’un de novateur. Adulte, il l’est resté dans sa façon de faire des affaires. » Au sein d’une scène skate floridienne en pleine effervescence, la Sims Team s’affirme vite comme une formation dominante du circuit.

John tournait sur le nez du skate, au lieu de le faire sur le flanc ou la queue. C’était déjà quelqu’un de novateur.

Chuck Lagana, inventeur autorevendiqué du Disaster

Quand il ne trimballe pas ses riders de compétition en compétition dans son van Mercedes, Hunter Joslin file en Californie pour filmer les Lords of Dogtown, les parrains du skate américain, qui règnent alors sur le bitume de Los Angeles. Une source d’inspiration précieuse pour ses protégés de l’autre côte : « Je filmais régulièrement avec ma caméra Super 8 les meilleurs skateurs de LA. Puis, je montrais les images au skatepark à John et aux autres membres de l’équipe. Cela leur permettait d’apprendre leurs mouvements pour les reproduire. Mes gars progressaient extrêmement vite. Grâce à ce savoir, on a pu prendre une longueur d’avance sur tous les autres skateurs de l’État. » À l’époque, Textor aurait suffisamment soigné ses gammes pour se caler dans les roues d’un autre wonderkid local. Il s’appelle Rodney Mullen. Dans quelques années, il s’affirmera comme le meilleur skateur de l’histoire de la discipline, au coude-à-coude avec le mythique Tony Hawk.

« Rodney restait intouchable, mais John donnait tout pour être aussi bon, appuie Lagana. C’était très dur, mais il n’était vraiment pas si loin de lui… Nous, même si nous étions sur le circuit pro, je crois que l’on cherchait surtout à s’amuser. John, lui, était toujours en train de rouler, de s’entraîner. Il me donnait vraiment l’impression de vouloir devenir le meilleur. » Gardien des clés du skatepark local, Joslin peut laisser ses boys veiller jusqu’à pas d’heure, skateboard sous les Converse pour certains, Budweiser à la main pour d’autres. « Parfois, on roulait jusqu’à 2 ou 3 heures du matin, ou alors on traînait, en sifflant des bières, se remémore joyeusement Lagana. Bon, John était plus jeune, on essayait de le tenir à l’écart quand on draguait des filles ou que l’on fumait de la marijuana… Il venait presque tous les jours rider après l’école, mais sa mère venait le chercher en début de soirée, donc il n’était pas exposé à tout ça. »

« Il valait mieux d’ailleurs, pouffe aujourd’hui Hunter Joslin. On se défonçait pas mal. Je dirais même qu’on planait comme des cerfs-volants une bonne partie du temps. » Fin 1979, la Sims Team doit revenir sur Terre : certains de ses membres quittent le navire pour tenter de se faire une place sur le circuit californien, quand d’autres abandonnent le skate à la faveur du surf et des vagues floridiennes. Textor révèle de son côté avoir mis sa planche au placard au milieu des années 1980, après une blessure à la tête. Le teenager doit de toute façon bientôt mettre cap au nord, pour l’université Wesleyan, dans le Connecticut. Il y obtiendra un diplôme en économie et pourra y nouer ses premiers contacts avec la jeunesse friquée du prestigieux établissement.

Digital désastre

L’idole de jeunesse de John Textor n’est pourtant pas un skateur. Encore moins un footballeur. Au Palm Beach Post, il avait confié vénérer dans son adolescence Alex P. Keaton, l’antihéros de Family Ties, une sitcom humoristique des années 1980. Interprété par Michael J. Fox, le personnage se veut une caricature des fans inconditionnels de Ronald Reagan, alors président du pays de l’Oncle Sam. Il est intelligent, matérialiste et arriviste, et son ambition première se résume à gagner beaucoup d’argent, le plus vite possible. Coïncidence ou pas, John Textor se serait retrouvé assez vite plein aux as, à 34 ans. En 1996, le golden boy de Palm Beach – via sa société de holding Wyndcrest – lève auprès de plusieurs investisseurs 2,4 millions de dollars. Il les investit dans Art and Technology Group, une entreprise de solutions logicielles.

Trois ans plus tard, la firme est introduite en bourse, et Textor touche le jackpot : « Je pensais que nous gagnerions trois à quatre fois notre mise initiale… Mais ces 2,4 millions de dollars se sont transformés en 550 millions. » Une vingtaine de millions auraient fini dans les poches du jeune entrepreneur. Problème : le nouveau boss de l’OL n’a peut-être pas tout à fait un sens des affaires à la hauteur de ses ambitions. Fort de son succès initial, Textor crée en 1999 Jester, un site internet qu’on peut sommairement décrire comme une sorte de métavers embryonnaire. « Son idée était très en avance sur l’époque, c’est certain, relate Michael Koretzky, un ancien cadre de la firme. Le site proposait à la fois du contenu écrit et la possibilité de se déplacer dans des environnements 3D – comme dans un jeu vidéo online – pour découvrir des salles thématiques sur des groupes de musique comme Metallica, des sports extrêmes… »

Ça, c’est pour la théorie. Dans la pratique, Jester s’avère être un désastre absolu. Et pour cause : au début des années 2000, le web était encore balbutiant. « Tu avais besoin du téléphone pour y accéder, c’était méga lent, éclaire Koretzky. L’affichage 3D du site n’a jamais marché, car le temps de réponse était beaucoup trop long. » Un peu trop dans le turfu, Textor refuse pourtant de baisser les bras : devant ses équipes, il préfère le déni à la franchise. « C’était très bizarre, remet le cadre. On voyait clairement que ce gars plutôt brillant refusait de voir l’évidence. Il nous rétorquait : “Non, ça peut toujours marcher si on le fait de cette façon !” Mais toute son intelligence ne pouvait rien contre les soucis techniques. » Pour rattraper le coup, le prodige de Palm Beach pense pouvoir se reposer sur les larges épaules de Michael Bay. Oui, Michael Bay. Ancien colocataire de Textor à l’université de Wesleyan, le réalisateur de Transformers est alors en plein tournage de Pearl Harbor, un blockbuster d’une niaiserie affligeante sur la tragédie du même nom.

C’est un mec très sympathique, mais, dès que les choses vont mal, il semble avoir une certaine tendance à disparaître.

Michael Koretzky, un cadre d’une ancienne firme de Textor

« John nous a annoncé que Michael Bay voulait que l’on modélise Pearl Harbor en 3D, pour promouvoir le film. Mais on n’avait pas la technologie pour, ça ne ressemblait à rien, poursuit Koretzky. J’ai estimé qu’il était temps de quitter la boîte. Honnêtement, quand je suis parti, ça sentait vraiment la fin. Il n’y avait même plus de papier toilette aux chiottes. » Les salariés restants découvriront que leur société est en voie de liquidation, en trouvant un beau matin porte close et une simple note les invitant à rentrer chez eux. « Je savais que l’entreprise allait couler, mais je ne pensais pas qu’il partirait sans en informer son équipe, conclut Koretzky. Initialement, j’avais des meetings régulièrement avec lui, mais, lors de mes deux derniers mois à Jester, je ne me souviens pas l’avoir vu… C’est un mec très sympathique, mais, dès que les choses vont mal, il semble avoir une certaine tendance à disparaître. » Pas de quoi rassurer les supporters de Lyon, aujourd’hui menacé de relégation administrative en raison de soucis économiques et de mauvaise gestion budgétaire

Effets pas vraiment spéciaux

Par la suite, Textor n’aura apparemment pas plus de succès avec BabyUniverse, une société de vente en ligne de produits pour nourrissons, qui fera faillite en 2009. Son échec le plus retentissant et médiatisé reste cependant sa gestion controversée de Digital Domain, une entreprise de production d’effets spéciaux, dont il prend effectivement le contrôle en 2006. La firme – récompensée quelques années plus tôt par l’Oscar des meilleurs effets visuels pour son travail sur Titanic – est alors largement connue et reconnue dans le milieu du septième art. Son PDG de l’époque, Scott Ross, est un poids lourd du secteur. Suffisamment installé pour appeler James Cameron – avec qui il a cofondé Digital Domain en 1993 – par son diminutif, Jim. « L’entreprise n’était pas très rentable, elle avait perdu de l’argent les années précédentes, contextualise Ross. C’est là que l’avocat de Wyndcrest, la société de John Textor, s’est pointé. Il a évoqué la possibilité d’investir dans notre boîte. Quand ça a commencé à devenir sérieux, on nous a fait comprendre que Textor était un héritier de la famille DuPont, qui était fabuleusement riche et qu’il avait donc le cash pour acheter notre compagnie sans le soutien de personne. Mais ça n’est absolument pas comme ça que ça s’est passé. »

Il a essayé de faire de Digital Domain l’équivalent de Pixar, en somme. Le problème, c’est qu’il ne comprenait pas les mécanismes, ni le montant de cash nécessaire à la réalisation de cette métamorphose.

Scott Ross, le PDG de Digital Domain à l’époque Textor

Pour mettre la patte sur Digital Domain, Textor va plutôt convaincre plusieurs investisseurs externes, notamment en mobilisant des sommes auprès d’un fonds, Falcon Investment. « Textor et Wyndcrest se sont tournés vers Falcon pour trouver les liquidités nécessaires à la réalisation de l’accord, écrivait en 2013 Mike Seymour, un rédacteur de FXguide, site de référence sur l’industrie des effets spéciaux. Autant que je sache, John Textor n’a utilisé aucun de ses deniers personnels pour acheter la société. » En 2009, il réussira aussi à convaincre l’État de Floride d’octroyer 20 millions de dollars de subventions à Digital Domain. Son plan ? Engager des centaines de personnes pour transformer la firme d’effets spéciaux en véritable studio d’animation, qui fabrique ses propres films, plutôt que de vendre ses compétences techniques au plus offrant. L’entrepreneur veut aussi créer une école d’animation à Palm Beach, qui ambitionne de regrouper jusqu’à 4600 étudiants. Son institut ne dépassera pourtant jamais les 35 élèves.

Digital Domain perd pour sa part 45 et 140 millions de dollars en 2010 puis 2011, avant de déclarer faillite en 2012, et de laisser des centaines d’employés sur le carreau. Scott Ross, contraint de quitter l’entreprise à la suite de sa cession au magnat floridien, ne peut qu’amèrement observer les dégâts : « Il a essayé de faire de Digital Domain l’équivalent de Pixar, en somme. Le problème, c’est qu’il ne comprenait pas les mécanismes, ni le montant de cash nécessaire à la réalisation de cette métamorphose. Par exemple, il n’avait pas conclu d’accord de distribution, comme Pixar avec Disney. Dans l’hypothèse où Digital Domain serait effectivement parvenu à faire un film, il n’est pas certain que la firme aurait pu le montrer à quiconque. »

Les projets lancés, comme La Légende de Tembo – un long métrage à destination des bambins – ne seront de toute façon jamais finalisés. Selon Ross, Textor ne s’est pas montré beaucoup plus inspiré dans son recrutement, en débauchant des cadres d’ILM, la société d’effets spéciaux de George Lucas. Soit un concurrent historique de Digital Domain. « Les gars d’ILM sont arrivés avec leur méthode : “Ah vous procédez de cette façon ? Mais ce n’est pas comme ça que ça marche, il faut faire comme ça.” Les gars de Digital Domain leur répondaient : “Ah ouais ? Bah, allez-vous faire foutre, on fait comme ça depuis des années et on a gagné deux Oscars.” Ils n’étaient pas complémentaires. John ne connaissait rien du business et il a commis plein d’erreurs grossières de ce genre. »

« C’est un arnaqueur »

Quand on évoque ses échecs en affaires, Textor se défend en avançant que la grande aventure capitaliste est toujours faite de hauts et de bas. On lui connaît par ailleurs quelques réussites : après le bide monumental de Digital Domain, il rebondira en créant Pulse Evolution, une firme de technologie de pointe célèbre pour avoir généré un hologramme de Michael Jackson aux Billboard Music Awards de 2014. Au sein du club carioca de Botafogo – que Textor a racheté en janvier 2022 –, l’Américain semble par ailleurs en terrain conquis. « Il a déjà dépensé plus de 10 millions d’euros sur le mercato, c’est beaucoup à l’échelle du Brésil, remarque le chercheur Irlan Simoes, plume derrière Clube Empresa, un ouvrage sur le développement économique des clubs de son pays. Les supporters sont pleins d’espoir. Textor fait partie d’une nouvelle génération d’investisseurs américains pour qui le foot est sous-évalué. Ils pensent que les clubs peuvent rapporter plus d’argent, en transformant cette industrie en quelque chose de nouveau. »

Le natif de Palm Beach semble également miser sur la synergie que vont dégager les différentes écuries en sa possession : « Textor croit dur comme fer dans le modèle de propriété multi-clubs, confirme Simoes. Botafogo serait une passerelle entre le foot sud-américain et européen. Lyon serait le club principal, avec une participation régulière en Ligue des champions, ce qu’il n’obtiendra jamais avec Molenbeek ou Crystal Palace. » Dans le Rhône, l’Américain s’est adjugé 77% des parts du septuple champion hexagonal en déployant un montage financier aussi opaque qu’alambiqué. Eagle Football – la structure créée par l’Américain pour racheter le club rhodanien – s’est capitalisée grâce à une diversité d’acteurs économiques et financiers. Selon L’Équipe, qui a eu accès à un document juridique récapitulatif, le principal pourvoyeur du tour de table est Ares Management, un fonds d’investissement qui aurait mis 405 millions de dollars dans le pot commun. Textor, lui, aurait apporté 292 millions d’euros à Eagle. En grande partie des actifs footballistiques qu’il aurait complétés avec des liquidités.

Combien ? Le montant reste inconnu. De quoi s’interroger légitimement sur la réelle fortune du bonhomme. Textor n’en pipe jamais mot. Selon le journaliste Andrew Abramson, auteur de plusieurs papiers sur l’ancien adepte de kick flip et de backside 180, elle culminerait à près de 250 millions de dollars. Scott Ross, lui, parie sur beaucoup moins. « Vous remarquerez que ce sont rarement ses propres dollars qu’il met en jeu lorsqu’il monte un business. Voilà le bilan de mon expérience avec John Textor : c’est un arnaqueur. Le genre de type qui pourrait vendre de la glace à un esquimau. C’est ce qui lui permet de toujours parvenir à collecter des fonds, d’une façon ou d’une autre. » Michael Koretzky est plus indulgent avec le capo de l’OL : « Je ne pense pas que ce soit un escroc. Seulement un très mauvais businessman. »

Si on met de côté son passif contrasté en affaires, John Textor a, de fait, plutôt l’air d’un chic type. Gamin, sa bouille toutes dents dehors lui avait valu le surnom de « Toothy Textor » (« Textor le dentu »), un sourire dont il ne s’est plus départi depuis. Sa gouaille naturelle lui a aussi permis de rapidement gagner des points auprès des fans de Botafogo, séduits par sa communication sur les réseaux sociaux. Mi-février 2022, on l’aura notamment vu se moquer de ses propres talents de footballeur, en commentant une photo le montrant en train de jongler laborieusement. « Le coach Lúcio Flavio a pris sa première bonne décision en ne sélectionnant pas ce gros gringo dans l’effectif. » Koretzky appuie : « Honnêtement, c’était un mec sympa. Les gens l’aimaient vraiment bien. Du moins, avant que la boîte ne coule. » Reste à voir si l’OL connaîtra la même mésaventure…

Dans cet article :
Sidney Govou égratigne John Textor... et Jean-Michel Aulas
Dans cet article :

Par Adrien Candau

Article paru dans le So Foot #203 en février 2023
Propos recueillis par AC, sauf mentions
Propos de Simoes recueillis par Léo Ruiz
Propos de Textor issus du Palm Beach Post, L’Équipe et Ouest France

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