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Olivier Giroud, le maître du temps
En marquant le seul but du match en Islande, l'attaquant français fait gagner du temps aux Bleus, leur permettant d'engranger de précieux points avant de retrouver les cadres manquants et un fonds de jeu plus enthousiasmant. Le Savoyard prouve aussi qu'il sait rester performant, malgré son temps de jeu famélique à Chelsea. De quoi espérer un peu de rab à son retour à Londres ?
Vendredi, Didier Deschamps a entonné sa deux-centième Marseillaise avec l’équipe de France. 103 sur le terrain, 97 devant un banc. Un record, forcément. Mais devant l’immensité de ces chiffres, un autre mérite d’être souligné, puisque 42% de ces matchs ont été disputés avec Olivier Giroud dans les parages, validant 84 de ses 94 sélections sous les ordres de Deschamps. Autant dire que ces deux personnages centraux du foot français se connaissent sur le bout des doigts, au point de se renvoyer sans cesse des politesses. Et après la courte victoire des Bleus en Islande, sur un penalty transformé par le numéro 9 tricolore, le sélectionneur ne manquait pas d’éloges sur son buteur. « Je sais ce qu’Olivier est capable de faire, a-t-il assuré après la rencontre. Il l’a fait ce soir, malgré peu de temps de jeu. Il marque un but sur penalty qui est décisif, un de plus pour lui. Je ne me suis pas posé la question, je savais qu’il allait commencer ce match. Pour moi, c’était logique. »
Tête forte et forte tête
Au-delà de son 37e but en Bleu, le plaçant à quatre unités de Michel Platini, ce que Giroud « a fait » est tout simplement du Giroud dans le texte. Dans une défense nordique aussi statique que robuste, le pivot savoyard s’est dépensé sans relâche pour ouvrir des espaces pour ses partenaires, demander avec véhémence une main dans la surface — ce qui lui a valu un carton jaune — et dévier les longs dégagements de Steve Mandanda ou Raphaël Varane, notamment celui amenant le penalty en servant son compère Antoine Griezmann, percuté par Skúlason. Le spécialiste du point de onze mètres étant touché, et restant sur deux échecs, c’est donc à Giroud qu’est revenue la responsabilité de confirmer la domination française. Chose faite sans trembler avec un contre-pied parfait. « On est très contents pour lui, il travaille beaucoup, il a été hyper utile pour l’équipe, c’était un plaisir de le voir content après ce but, se réjouissait Clément Lenglet au micro de la chaîne L’Équipe. J’espère qu’il en marquera d’autres encore. » Un vœu qui devrait être exaucé très rapidement, et peut-être dès lundi face à la Turquie, où Giroud en personne a assuré avoir « une revanche à prendre » et « des pendules à remettre à l’heure » après la défaite du match aller (2-0).
Ainsi, l’attaquant répond une nouvelle fois aux éternels doutes entourant son statut d’intouchable en équipe de France. Oui, le Londonien n’a disputé que 191 minutes avec Chelsea depuis le début de la saison. Seulement 17 depuis le dernier rassemblement des Bleus. Et ce soir, le garçon a tout de même sorti 78 minutes de haut niveau avant de laisser sa place à Wissam Ben Yedder. Comme pour rassurer tout le monde sur son niveau physique. « Les jambes vont très bien, affirmait-il. Elles ont répondu. Je bosse beaucoup à Chelsea même si j’ai peu de temps de jeu. Je connais mon corps, j’ai 33 ans. C’est vrai, il n’y a rien de tel que la compétition, mais je me suis senti très bien. Si le coach a besoin de moi lundi, je serai à 100 %. » Certes, l’entraînement ne vaut pas la compétition, mais il faut croire qu’en rongeant son frein sur le banc de Stamford Bridge, Giroud a aussi dans un coin de la tête que les trêves internationales sont ses bouffées d’air frais. « Il y a deux réactions à être laissé de côté, confiait-il à The Athletic. Il y en a une où tu baisses la tête, commences à te plaindre que tu ne joues pas. L’autre est de transformer cette frustration de ne pas jouer en énergie positive. »
Tête de liste chez les Bleus, sur liste d’attente chez les Blues
Didier Deschamps a conscience du problème que pose cette situation. « Elle n’est pas la meilleure ni pour lui, ni pour nous[…]et j’espère qu’elle pourra évoluer, reconnaissait-il au moment de l’annonce de sa liste. J’ai bien conscience que cela tient beaucoup à ce qu’il a réalisé jusqu’à maintenant en Bleu. » Mais voilà, dans l’esprit de Deschamps, il n’y a actuellement pas d’options plus fiables que Giroud. Ben Yedder a marqué des points et semble tenir la corde pour être le remplaçant attitré, la piste Kylian Mbappé n’est pas encore assez chaude pour que le Parisien puisse être aligné en pointe et Alexandre Lacazette est toujours oublié des listes. Un statu quo qui devrait assurer encore de belles heures à l’ancien Montpelliérain. « Je connais Olivier, son mental aussi, ajoutait Deschamps lundi. Quand il est sur le terrain, l’équipe de France est plus performante. » Cela dit, Didier Deschamps aimerait ne pas avoir à répondre aux mêmes questions lors des prochains rassemblements, et serait prêt à passer un coup de fil à Frank Lampard, histoire de lui rappeler les états de service de son joueur et lui demander un peu de temps de jeu. Un coach qui a depuis entrouvert une porte sans non plus lui promettre monts et merveilles : « Olivier est un fantastique professionnel, je pense qu’il comprend cela. Tout le monde veut jouer et il en aura l’occasion. On a besoin de lui, vraiment, pour la saison. Il a un très bon comportement dans le vestiaire aussi. C’est très bien pour moi. » Autrement dit, Olivier aura le temps de fabriquer encore un peu d’ « énergie positive » avant d’avoir réellement sa chance.
Par Mathieu Rollinger