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Olisadebe, l’ex-futur héros polonais
En 2002, le Portugal balayait la Pologne en phase de poules du Mondial asiatique. Promu leader de l'attaque polonaise, Emmanuel Olisadebe avait été transparent. Zoom sur l'une des carrières les plus improbables d'Europe.
Lewandowski, Milik, Grosicki… Si le secteur offensif polonais n’a rien à envier à celui des Portugais pour le match de ce jeudi soir, il n’y a pas si longtemps, la situation était bien différente. Été 2002, premier tour de la Coupe du monde. Le Portugal de Figo se défait facilement des hommes de Jerzy Engel. En attaque, un homme déçoit : Emmanuel Olisadebe. Un nom compliqué comme ses coéquipiers, mais qui ne se termine pas en « ski » . Normal, il est nigérian. En Corée, celui qui a qualifié presque tout seul les Biale Orly pour son premier Mondial depuis 1986 déçoit. Et si le costume de leader offensif était trop large pour ses épaules ? Un an plus tôt pourtant, l’histoire semblait idyllique.
Un point au classement FIFA du meilleur joueur
Avec 8 buts en 10 matchs de qualification, son nom se révèle au monde entier. Le quatrième sportif polonais le plus populaire en 2001 récolte même un point à l’élection FIFA du meilleur joueur du monde la même année, ce qui le classe 29e. Prometteur à 23 ans. Ou 35 ans, des déclarations récentes sous-entendant que le joueur serait en fait bien plus âgé que la réalité. D’autres estiment que son passeport le rajeunit d’au moins cinq à six ans. Son physique en carton et une retraite prématurée à 33 ans ne plaident pas vraiment en sa faveur. Il faut admettre que le natif de Warri est bien loin du standing du Super Lewandowski de 2016. Loin de la sélection nationale, ni l’avant ni l’après n’ont réellement été positifs. En club, le joueur formé au Jasper United sort d’une première saison à peine honnête avec le Panathinaikos. Le sommet de sa carrière. À peine deux ans plus tard, c’est la retraite internationale avec un bilan de 11 buts en 25 sélections. Honnête. La lune de miel a été écourtée par des blessures à répétition. Mis sur la touche au Pana, le reste d’une carrière se terminant en 2013 ressemblera plus à une tournée mondiale d’un artiste : Portsmouth, Veria, Vyzas Megaron (2e division polonaise), Henan Construction… Autant de clubs, pour autant d’échecs, puisque le joueur squatte plus les infirmeries que les près.
Choix religieux et blessures
Mais pourquoi la Pologne ? Débarqué en Europe à la fin du siècle dernier, c’est du côté du Polonia Varsovie que le Nigérian pose ses valises après des essais non concluants à Chorzow et Cracovie. Plus que l’aspect sportif, la religion a fini de le convaincre. Le pape de l’époque étant Jean-Paul II, polonais, pour lui cela ne peut que bien se passer. Mais au début, la réalité est tout autre. Celui qui envisage aujourd’hui une reconversion dans l’immobilier découvre le racisme sous les jets de bananes des supporters de Lubin. Cela ne le perturbe pas, et il s’impose vite. En 2000, avec 12 buts, « Emsiego » mène son club vers le premier titre du Polonia depuis 50 ans. Mais plus que le titre d’Ekstraklassa, le club remporte la Coupe et la Coupe de la Ligue. Une vraie razzia. Son efficacité met la puce à l’oreille d’une Fédération qui a une équipe en pleine traversée du désert. Après trois ans sur le territoire polonais, l’attaquant est éligible à la naturalisation. Enfin presque, mais pour l’honneur du football local, certains critères sont omis, comme le fait d’avoir un niveau minimum en polonais. Ni une ni deux, « Oli » accepte la proposition de défendre le maillot rouge et blanc. Une décision que les deux parties ne regretteront pas. La Pologne se qualifie pour la Coupe du monde 2002. Pour le naturalisé, ses « meilleurs moments se sont passés avec la sélection polonaise. Ils (lui) ont permis de jouer au plus haut niveau » , comme il le rappelle au journal Le Monde.
Pologne, Japon ou Nigeria, peu importe
Sa femme étant polonaise, peut-on parler d’un choix du cœur ? Pas vraiment. Pour certains, cette décision a uniquement été prise, car « au Nigeria, il n’avait pas sa place » . Pire encore, déjà avant son arrivée en Pologne, le buteur a essayé de défendre les couleurs d’un autre pays au drapeau rouge et blanc… Le Japon. Remplaçant dans l’équipe de son université chez lui, le footballeur profite d’un échange universitaire dans le pays du Soleil-Levant pour porter la tunique de l’université de Fukuoka. Quelques matchs et quelques buts plus tard, il fera tout pour rester en Asie. En vain, un retour au pays servant de transition avant un nouveau départ sur le Vieux Continent.
Par Nicolas Kohlhuber