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Old Scholes
Après Ryan Giggs, élu joueur de l'année à 36 ans, l'Angleterre s'emballe pour le début de saison de Paul Scholes, 35 piges bien entamées. Pour l'intemporel et silencieux rouquin, les louanges n'ont pas d'âge.
Paul Scholes, ce sont sans doute les autres qui en parlent le mieux. « Mon adversaire le plus fort ? Scholes, assurément, un milieu vraiment complet, le meilleur de sa génération » . Signé Zidane. Pas moins péremptoire, Patrick Vieira enchaînait : « Le joueur de Premiership que j’admire le plus ? Scholes, et de très loin » . Devant la maestria du petit rouquin, la France se fait unanime, jusqu’à faire enfin se trouver Zizou et Thierry Henry. « Je ne comprends pas pourquoi il n’a jamais remporté le titre de meilleur joueur de l’année, s’étonnait l’ex-buteur de l’ennemi Gunner, peut-être parce qu’il ne cherche pas la lumière comme d’autres stars » . Quand il ne parle pas de lui, Titi a souvent le mot juste.
Taiseux, discret, charisme inversement proportionnel à son rendement sur le terrain, Scholes n’a jamais assimilé la nouvelle donne qui conseille au footballeur d’assurer le service après-vente de sa performance, devant la presse ou au moment de célébrer une des minasses qui ponctuent sa légende. Ou plutôt, Scholes l’a soigneusement ignorée, hargneux sur la pelouse, tête baissée en dehors. Si son petit gabarit (1,70m, 70 kilos) n’avait pas passé le cap des détections, ce produit de la banlieue de Manchester aurait sans doute taffé à l’usine sans piper mot, et cherché une respiration dans un samedi au stade. Un schéma un brin caricatural… mais pas si éloigné de la réalité de l’anti-star.
Car, avant même United, Scholes reste un fan hardcore de Oldham, le club de son enfance. Dès que son agenda pantouflard le lui permet, le Cantona roux prend toujours plaisir à se rendre dans la périphérie mancunienne mater les joutes rudimentaires du club de troisième division. Distributeur cérébral, Scholes n’a jamais méprisé le contact physique, au point d’être le joueur le plus averti de l’histoire de la Ligue des champions. Une compétition qu’il considère d’ailleurs n’avoir remportée qu’à une seule reprise, quand son CV affiche bien deux lignes dorées. « Il faut jouer la finale pour rester réellement comme un lauréat » assure avec élégance, le grand absent du sacre de 1999. Définitivement, le foot se cantonne aux strictes délimitations du rectangle vert pour Paul Scholes. « Il exhale l’esprit de MU et tout ce qu’il y a de bon dans le football » résumait, à sa manière, Sir Bobby Charlton. A près de 36 automnes, le teigneux créatif vit une seconde jeunesse, désigné meilleur joueur du Community Shield, et co-auteur d’une action intemporelle avec son vieux compère Ryan Giggs, face à Newcastle : ouverture en diagonale dosée au millimètre du rouquin et reprise de volée tout en relâchement du Gallois. Après 18 saisons sous le signe de la fourche mancunienne, le fox-terrier a conservé intact son goût de la récupération sanguine et sa science de l’orientation. Au point de générer une campagne pour le voir regagner les rangs de la sélection anglaise, abandonnée en 2004 pour faire de MU son employeur à temps-plein.
Après avoir essuyé un refus à la veille de la Coupe du Monde, Fabio Capello s’échinerait encore à rapatrier le Cantona Roux, conscient que si l’Angleterre saturerait presque de milieux « box to box » , la retraite internationale du Mancunien la prive du seul véritable gestionnaire de tempo du pays. D’un monstre de régularité aussi : la saison dernière, Scholes a frôlé les 90% de réussite sur les près de 1500 passes tentées. Mais plus encore que les chiffres, ce sont toujours les autres qui parlent le mieux de la légende vivante des Red Devils. Laurent Blanc au mic’ : « Intelligence, technique, force, Scholes a toutes les qualités. A Manchester, j’ai vu ce qu’il réalisait à l’entraînement, et tout ce que je peux dire, c’est wow ! » . Edgard Davids affine l’analyse : « Nous pouvons tous apprendre de Paul Scholes » . Oui, mais en silence.
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