- C1
- 8e
- APOEL/Lyon (1-0, 4-3 tab)
OL, triste fin à Chypre
C’est aux marges de l’Europe du foot que l’histoire de l’OL en Ligue des Champions a connu ses épisodes les plus marquants. Il y a d’abord eu l’entrée manquée à Maribor. Il y aura la sortie foireuse à Nicosie. Une fermeture de parenthèses pas si incongrue qu’il n’y paraît.
Après l’élimination de Nicosie, le monde semble se partager en deux camps au sujet de l’OL. D’un côté, ceux qui en appellent au sentiment de « honte » en guise d’analyse d’une sortie de route en Ligue des Champions qui n’est jamais qu’à l’image de ce que fut l’entrée lyonnaise dans son histoire avec la compétition, l’espace d’un beau couac à Maribor. De l’autre côté, ceux qui dénoncent des joueurs trop à l’aise dans le cocon douillet de Tola Vologe. Deux façons d’agiter le chiffon bien fort pour un seul et même résultat : ne rien voir du paysage. Car en vrai, cette élimination n’est jamais qu’une suite logique de ce que l’OL a donné à voir tout au long de son parcours en Ligue des Champions et que le miracle de Zagreb a fini par faire oublier l’espace de quelques jours. Que ce soit face au Real ou même à Amsterdam, on a compris cette saison que l’OL aurait du mal à faire le poids dans la compétition. Une évolution qui s’inscrit dans la continuité de ces éliminations sans discussion du côté des huitièmes, voyant l’OL passer du statut d’équipe que le gratin européen craignait de jouer au mitan des années 2000 à celui de second couteau, un rien émoussé.
Baisse du niveau de vie
Cette saison, jusqu’à Jean-Michel Aulas, on avait fini par se résoudre à l’inévitable : la place de l’OL se situait à l’ombre de la Ligue des Champions, de préférence du côté des jeudis d’Europa League. Un constat qui tient à plusieurs changements aperçus entre Saône et Rhône. Le premier nous ramène forcément au changement de niveau de vie de l’OL. A première vue, le club lyonnais possède bien un de ces beaux effectifs, l’un des plus beaux du L1 il faut le rappeler, capable de s’en sortir easy face à n’importe quelle sensation chypriote. Reste que la vie d’un club de Ligue 1, même un peu au-dessus de la moyenne, rappelle qu’il en faut un peu plus pour ne pas céder à la première secousse venue.
En novembre dernier, tout juste sorti d’un nul face à l’Ajax (0-0) qui promettait de solder les comptes de l’OL avec son histoire en Ligue des Champions, Anthony Réveillère avait attiré l’attention sur cette nouvelle donne : « On a beaucoup de jeunes joueurs. Ce soir, c’est d’expérience qu’il nous a manqué » . Avec ses quelque 70 matchs dans la compétition et le label « ADN européen » qui collait jusque-là si bien au maillot lyonnais, le latéral droit faisait partie des historiques de la maison pour lesquels ce genre de question d’expérience européenne ne se posait plus. Façon de dire qu’il y avait sans doute une autre vérité à gratter sous cet aveu. L’une d’entre elles pourrait avoir un lien avec un premier crédo du père Houllier : pour exister en Ligue des Champions, il faut une équipe où tous les postes sont doublés.
Pour rappel, il n’y pas si longtemps, Benoît Pedretti et Alou Diarra avaient débarqué entre Saône et Rhône pour ne voir de la Ligue des Champions que les prestations de Tiago ou de Jérémy Toulalan à leur place. Hier soir, il n’y avait guère que Gueïda Fofana pour prendre celle de Maxime Gonalons. Deux joueurs dont on ne remet pas le talent en cause, mais qui n’auraient sans doute jamais eu l’occasion de s’imposer dans cet effectif lyonnais d’un autre temps, lorsque les internationaux devaient jouer des coudes pour exister. Rémi Garde rappelait cette période pas si lointaine où, alors adjoint de Houllier, il allait accompagner certains d’entre eux dans les tribunes, en plus d’envoyer des jeunes pousses, parfois du calibre de Gonalons ou de Fofana, parfaire leurs gammes ailleurs, le plus souvent dans le milieu de tableau de L1 – on pense à Rémy, Balmont ou même Mounier -.
Collectif, fragile !
Pour s’en sortir, on a souvent entendu les différentes parties prenantes du club – de la direction au staff, en passant par les joueurs – invoquer le recours au collectif. Quoi de plus fragile lorsqu’il faut combler les lacunes du moment ? C’est sur cette difficulté que le mandat Puel a fini par s’abîmer. En décembre déjà, Rémi Garde laissait entendre les limites d’une telle méthode : « Le plus dur, c’est d’aller contre la pente de notre société. D’aider les joueurs à penser collectif, alors que tout les pousse à l’individualisme » (Libération). Trois mois plus tard, on tient la preuve que l’effet Rémi Garde ne résiste pas plus que le coaching exigeant de Claude Puel à cette difficulté, surtout quand elle s’appuie sur des seules invocations où il est souvent question d’état d’esprit. C’est en partie ce qu’a pu lâcher Kim Källström la veille du match : « Tu crois que pour le joueur, c’est simple ? Pourquoi ne parvient-on pas à marquer ? La réponse est collective et se trouve toujours dans le travail » (Le Progrès). Prise comme telle, cette déclaration d’intention ne veut rien dire. Et c’est justement pour ça qu’elle se révèle intéressante une élimination plus loin : parce qu’elle montre bien qu’on peut réclamer toutes les réponses collectives du monde, ce n’est jamais qu’un leurre au moment de remettre une équipe à l’endroit. Surtout si elle commence à s’embarquer dans un blues épais.
D’autant qu’à Lyon comme ailleurs, le collectif ne s’est jamais décrété, il s’est construit. De préférence autour d’un homme, ce joueur de classe internationale comme le désignait Gérard Houllier. Pendant près d’une décennie, ce fut Juninho autour duquel s’est vite mis à tourner le jeu en 4-3-3 accords, appelé à devenir la marque déposée des belles années lyonnaises lorsque la nostalgie aura définitivement pris possession de la Capitale des Gaules. Benzema était le successeur désigné. Lisandro possède bien quelque chose pour tenir le rôle. Enfin, lorsqu’il n’a pas à s’user dans des décrochages permanents pour compenser l’absence de meneur dans l’entrejeu. Ce fut une des faiblesses de la soirée d’hier à Nicosie. Un des signes aussi du désespoir lyonnais face à tout ce qu’il lui manque pour continuer à tenir son rang en Ligue des Champions. Façon de rappeler qu’avec son effectif plus cheap et un joueur providentiel devenu homme à tout faire, la porte de sortie n’était plus très loin. En espérant que l’OL puisse la rouvrir avant longtemps, lorsqu’il aura retrouvé un peu plus qu’un simple état d’esprit.
Par Serge Rezza