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Que vaut Thiago Almada ?

Par Thomas Broggini, à Buenos Aires
9 minutes

Nouveau renfort de l’OL, le champion du monde est décrit comme « un milieu créatif et sans peur » par ceux ayant croisé sa route en Argentine, aux États-Unis puis au Brésil. Le garçon s’est forgé dans une banlieue chaude de Buenos Aires avant de s’attirer les louanges de Lionel Messi.

Que vaut Thiago Almada ?

Il clame depuis des mois qu’il veut « jouer en Europe » et, ça y est, l’heure du grand saut est arrivée : comme attendu, le milieu international argentin Thiago Almada (23 ans, 6 sélections) a officiellement rejoint l’OL en prêt gratuit depuis Botafogo, le dernier champion du Brésil et vainqueur de la Copa Libertadores, et a même disputé ses premières minutes dimanche dernier à Nantes (1-1). Une potentielle bonne pioche pour le club lyonnais, étranglé par les sanctions de la DNCG, comme pour la Ligue 1, en manque de têtes d’affiche. « Il a été très impressionnant durant ses six mois dans le Brasileirão », témoigne Charles Hembert, l’entraîneur adjoint français de Rogério Ceni à l’Esporte Clube Bahia, basé à Salvador, au nord-est du pays latino. S’il peut se vanter d’un « bilan positif » (deux victoires, deux nuls) contre l’institution carioca, appartenant comme Lyon au groupe Eagle Football présidé par John Textor, le technicien reconnaît aussi que la performance est « anecdotique » à l’échelle de la saison : « Le Botafogo d’Artur Jorge a été la meilleure équipe d’Amérique du Sud en 2024, s’incline-t-il. C’était un adversaire extrêmement physique, très agressif, vertical, aligné en 4-4-2 et porté par deux grands talents sur les côtés : Luiz Henrique à droite et Thiago Almada à gauche. » Soit les deux acquisitions les plus chères de l’histoire de la meilleure ligue du continent.

Adoubé par Messi

En attendant que l’ailier auriverde rejoigne peut-être, lui aussi, la Ville des frères Lumière (même si le Zénith pourrait casser sa tirelire pour lui, renflouant par ricochet celle de l’OL), l’Olympique lyonnais dispose donc déjà d’une nouvelle arme offensive tranchante : malgré des stats timides (3 buts et 2 passes décisives en 26 matchs), l’Argentin acheté 19,5 millions d’euros à Atlanta United (MLS) l’été dernier a bien été « fondamental » dans les conquêtes de Botafogo, où « il s’est adapté de façon express », souligne Hembert. « C’est un milieu technique, vif, distributeur et doté d’une grande vision du jeu, prolonge le Francilien, champion du Brésil en 2021 avec Flamengo. Il est difficile à marquer. Ce n’est pas un ailier de percussion. Sa grande spécialité, c’est de partir du couloir gauche et de rentrer dans l’axe avec son pied droit. Il sait créer des décalages et s’ouvrir le terrain par sa précision technique. Il réclame et touche beaucoup le ballon. »

Il a beaucoup de fraîcheur. C’est un joueur très rapide, très fort dans le un-contre-un, très malin, qui n’a peur de rien et prend ses responsabilités.

Un petit joueur argentin

Des qualités depuis longtemps identifiées en Argentine, où le meneur petit format (1,71 m) est présenté comme l’un des grands espoirs de la sélection. Lionel Messi l’a même adoubé publiquement. « Il a beaucoup de fraîcheur, a salué l’octuple Ballon d’or en septembre 2022, juste après un succès contre le Honduras (3-0). C’est un joueur très rapide, très fort dans le un-contre-un, très malin, qui n’a peur de rien et prend ses responsabilités. »

Deux mois plus tard, l’audacieux s’était glissé in extremis dans la liste des 26 joueurs sélectionnés pour la Coupe du monde au Qatar, rappelé en catastrophe par Lionel Scaloni, alors qu’il se trouvait chez le dentiste, pour pallier le forfait sur blessure de Joaquín Correa. Et s’il n’a joué que douze minutes lors du troisième match du premier tour contre la Pologne (2-0), le néo-Lyonnais est depuis « devenu intouchable aux yeux de l’opinion publique et des médias, comme le reste des champions du monde », sourit Nahuel Lanzillotta, qui suit l’Albiceleste pour le quotidien Clarín. « La presse le traite comme un grand joueur et considère qu’il mériterait d’avoir plus de temps de jeu », complète le journaliste. D’après ce dernier, le jeune milieu, non retenu lors de la dernière Copa América mais présent aux Jeux olympiques de Paris, pourrait même, en rejoignant l’OL, « faire partie des promesses susceptibles d’incarner le futur de la sélection, comme Alejandro Garnacho (Manchester United), Nico Paz (Côme) ou Matías Soulé (AS Rome) ».

L’Apache et les coups de feu

La trajectoire ne surprend pas ceux qui ont croisé le chemin du distributeur de caviars. « C’était notre Messi, ose Héctor Manfredi, l’un de ses formateurs au Vélez Sársfield, club historique de Buenos Aires où le droitier est arrivé à 5 piges. Il y avait toujours des recruteurs pour lui autour des terrains, dont certains qui travaillaient pour des équipes de Premier League… Alors on se doutait qu’il n’allait pas faire toute sa carrière ici. » Le coach a dirigé le futur international entre ses 15 et ses 16 ans. Il n’hésite pas, aujourd’hui, à interrompre ses vacances pour parler de son ancien protégé. « C’est un joueur capable de porter l’équipe sur ses épaules et de débloquer un match en solo si les circonstances le demandent, admire-t-il. Plus jeune, il pouvait avoir du mal à se replier à la perte de balle ou à couvrir les espaces, mais c’était déjà un joueur très complet sur le plan offensif. Il inscrivait même des buts depuis le milieu de terrain. C’est un vrai compétiteur, un gros caractère. Il n’a jamais perdu l’essence du potrero (le terrain vague). »

Son quartier a beaucoup d’importance dans sa trajectoire. Il a été très bien guidé dans la vie. Il est humble, respectueux, possède des valeurs.

Héctor Manfredi, formateur au Vélez Sársfield

Comme Carlos Tévez, Almada a grandi à Ejército de los Andes, un quartier défavorisé de Ciudadela plus connu sous le nom de « Fuerte Apache », en banlieue de Buenos Aires. Face aux médias, le champion du monde, devenu un symbole de réussite, évoque d’ailleurs toujours avec fierté ses racines modestes, une famille soudée et très foot, trois grands frères, une petite sœur, un père livreur de boissons, une mère vendeuse ambulante, les cailloux qui font office de ballons, les coups de main au grand-père marchand de fruits et légumes pour gagner quelques pesos, les journées à traîner dans la rue… « Ce quartier a beaucoup d’importance dans sa trajectoire, estime son ancien coach Héctor Manfredi. Il a été très bien guidé dans la vie. Il est humble, respectueux, possède des valeurs. » Et un tempérament en acier, façonné dans cette zone qui n’a pas toujours été aussi « tranquille » qu’il la décrit désormais. « Quand j’étais petit, c’était assez chaud, a-t-il récemment raconté à ESPN. À 17 heures, il fallait être chez toi parce qu’il pouvait y avoir des coups de feu. On se mettait sous la table quand ça arrivait. »

Le phénomène et le scandale sexuel

Et puis le môme un peu timide qui idolâtrait Juan Román Riquelme et rêvait de « devenir le prochain Carlitos Tévez du quartier » a fait ses débuts chez les pros le 11 août 2018, lancé par Gabriel Heinze lors d’un match de D1 contre Newell’s Old Boys. À 17 ans, 3 mois et 15 jours. « J’ai tout de suite compris que ce qui se disait à son sujet était vrai, rembobine l’ancien défenseur Fabián Cubero, joueur le plus capé de l’histoire de Vélez. Dans le vestiaire, c’est un gars très cool, il s’intègre facilement dans un groupe. Sur le terrain, il se transforme : il a une très forte personnalité et peut s’agacer quand ça tourne mal. Il n’a pas peur de faire des erreurs ni de se faire reprendre de volée parce qu’il a perdu un ballon. C’est un phénomène. » Des caractéristiques pas toujours suffisantes aux yeux de l’exigeant Heinze, qui ne l’a pas ménagé avant d’en faire un titulaire. « Un jour, il l’a convoqué pour lui annoncer qu’il ne jouerait plus s’il ne perdait pas du poids, se souvient Cubero. J’ai demandé au coach de lui laisser du temps parce que je considérais qu’on ne pouvait pas s’en priver. » Le privilège de l’artiste. « Mais il est très sérieux à l’heure de travailler, rassure Marcelo Bravo, un autre de ses formateurs. C’est un milieu créatif et sans peur. D’un coup, il peut t’envoyer en face à face avec le gardien d’une passe lumineuse. »

À Vélez, Almada ne s’est pas seulement forgé une réputation de joueur décisif, marquant 24 buts et délivrant 10 passes décisives en 100 matchs entre 2018 et 2022. Il s’est aussi retrouvé dans la rubrique des faits divers, en décembre 2020, après qu’une femme de 28 ans a porté plainte pour viol aggravé en réunion contre lui, l’un de ses coéquipiers (Miguel Brizuela), un éducateur du club Argentino de Quilmes (Juan José Delbene Acuña) et une jeune femme, à la suite d’une soirée clandestine organisée dans une maison de San Isidro (Buenos Aires), en pleine pandémie de Covid-19. Le scandale a poussé le club de la capitale à écarter Almada et Brizuela de l’effectif pendant une semaine, deux mois après les faits présumés, et a débouché sur la condamnation du formateur à cinq ans de prison en octobre dernier. « Les joueurs n’ont jamais été mis en examen, rappelle aujourd’hui Mariano Lizardo, l’un des avocats d’Almada. Cette affaire est finie. C’était un coup monté. » « Après une longue enquête, le dossier a été classé pour manque de preuves permettant d’accréditer un fait délictueux », précise Laura Zyseskind, la procureure en charge de l’affaire. Toujours convaincue de la version de sa cliente, Raquel Hermida Leyenda, la représentante de la plaignante, assure pour sa part être « dans l’attente d’une réponse du procureur général après avoir demandé à rouvrir le dossier ». Almada, qui a nié catégoriquement les faits, ne s’est jamais exprimé publiquement au sujet de cette accusation. Et a poursuivi son ascension sportive sans plus être inquiété dans cette affaire très médiatisée.

« Il est dans un grand moment »

Début 2022, alors qu’il était plutôt attendu en Europe, l’Argentin a finalement rejoint Atlanta contre un chèque de 16 millions de dollars (15,5 millions d’euros, record pour la MLS). Une surprise. « Le niveau du championnat s’élève d’année en année, il attire de plus en plus de pépites européennes ou sud-américaines, justifie le défenseur français Rudy Camacho, sacré en 2023 avec Columbus Crew. Il y a beaucoup d’espaces ici, les équipes prennent des risques, jouent pour gagner. » Un environnement favorable au profil d’Almada, « très dangereux en un contre un et sur coup franc », dixit le joueur formé à Nancy. Et décisif plus d’un match sur deux aux States (26 pions et 24 offrandes en 83 rencontres), au point donc d’intégrer la sélection juste avant le Mondial. « Au Brésil, il a gagné en explosivité et s’est étoffé sur le plan athlétique, note enfin Andrés Rodríguez Villoldo, préparateur physique ayant accompagné toute la formation de l’Argentin. Il a vraiment progressé défensivement. Il est dans un grand moment. Et il va encore progresser en France, une fois passée la phase d’adaptation. » Reste à savoir à quelle vitesse et dans quelles proportions. « Il a tellement confiance en ses qualités qu’il va finir par s’imposer à Lyon, prédit l’un de ses mentors, Héctor Manfredi. Où qu’il soit, de toute façon, l’histoire est la même : il enfile son maillot et il joue son jeu, comme lorsqu’il était à Fuerte Apache. »

L’OL boucle déjà une vente

Par Thomas Broggini, à Buenos Aires

Tous propos recueillis par Th.B., sauf ceux de Lionel Messi, tirés d’une conférence de presse, et de Thiago Almada, issus d’entretiens à ESPN et Clarín.

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