OL : Benzema au Real, et maintenant ?

Puel lui-même est venu le confirmer hier soir alors que le transfert de Benzema pour le Real venait tout juste d’être officialisé : « Il y a chez les supporters une inquiétude qui est légitime puisqu’on n’a pas encore recruté et qu’on perd ce soir notre meilleur élément » . Une façon de jouer la prévention à l’heure où quelques supporters alarmés par le départ précipité du Wonderkid de Bron promettent de venir manifester leur mécontentement devant les grilles de Tola Vologe.

Le reste des supporters, ceux qui ne seront pas du rassemblement, sont certainement tout aussi inquiets de la tournure que prend le recrutement lyonnais. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’ils soient surpris. Ce départ, ils le savaient inévitable. Depuis ce jour où Bernard Lacombe s’est pointé, regard qui brille et sourire en coin, pour leur annoncer qu’il y avait un joueur du côté du centre de formation dans lequel il s’était enfin reconnu. Ne restait plus qu’à attendre la confirmation. Pas longtemps. A l’entame de la saison 2007-2008, où tout juste titulaire, Benzema éclate tout et retourne la Ligue 1. A 19 ans. Trop vite, trop fort, trop jeune pour ne pas profiter de chaque match pour voir grandir le genre de phénomène qu’on ne reverra pas de sitôt. Et comprendre surtout en l’espace de deux saisons que cet avenir brillant qu’on lui promet doit se jouer ailleurs.

Courant alternatif

Bien sûr, il y a eu cette dernière saison sur courant alternatif, avec l’humiliante sortie face au Barça en Ligue des Champions comme point d’orgue. A deux reprises, Benzema, que l’on attend dans le rôle du héros providentiel, manque l’essentiel. Une passe pour Makoun démarqué, histoire de filer tranquille vers le 2-0 à l’issue de la première mi-temps à Gerland. Puis ce tir seul face à Victor Valdes qui peut sortir l’OL du bouillon catalan en seconde période au Camp Nou et ramener l’équipe à un but des intouchables Blaugranas. A 25 minutes de la fin du match.

Deux ratés spectaculaires qui tombent mal pour le Gone de Terraillon. Ca fait deux semaines qu’il laisse entendre qu’il pourrait bien filer cette fois en fin de saison. Plus envie de se morfondre dans un système où, privé de son pote Fred, il s’use à jouer tous les rôles à la fois. Pivot qui prend les coups et temporise, 9 ½ qui doit trouver les intervalles dans l’espoir de placer une accélération plein axe, premier défenseur dans un 4-3-3 que Puel veut plus compact que ses prédécesseurs. Les derniers mois virent au calvaire et de grand attaquant qui manquait tant à l’OL, Benzema devient un attaquant comme il s’en est tant perdu entre Saône et Rhône. Rien de déshonorant. Non, juste un goût d’inachevé à le voir rejoindre l’air de rien Elber, Fred, Luyindula et plafonner à son tour autour de la quinzaine de buts.

Alors plutôt que d’en remettre une couche dans le dépit amoureux qui se dessine avec les supporters rendus déjà bien amers après une saison blanche et sèche, Benzema annonce sa décision de rester une année de plus à Lyon. A première vue, le jeu en vaut la chandelle. Juninho s’apprête à filer et pourrait emporter avec lui le 4-3-3 qui collait impec’ à son jeu. De quoi entrevoir enfin le passage au 4-4-2 qui doit faire de Benzema le vrai “Monsieur Plus” de l’OL (Gérard Houllier, juin 2007). Sans oublier la place dans les 22 pour 2010 qu’il est toujours plus facile de s’assurer depuis une maison dont on connaît les moindres recoins.

Le prince Florentino

Tout ça, c’était avant que le prince Florentino ne vienne affoler son monde dès l’ouverture du marché des transferts, semant au passage la tempête sous les crânes lyonnais. D’autant que les prétendants déclarés pour Karim, Manchester United et le Real, agitent déjà leurs enveloppes pleines à craquer. Difficile de laisser passer l’occasion quand on a tout misé sur un projet immobilier démesuré (OL Land), qu’on doit continuer à faire tourner la boutique et se remettre à flairer les bons coups après deux sessions de transferts décevantes.

Et puis céder Benzema au Real, c’est ni plus ni moins que la confirmation d’une stratégie d’entreprise déjà bien établie qui a fait ses preuves. Une valorisation des actifs qui passe par la revente au prix fort des joueurs qui ont réussi à se révéler sous le maillot lyonnais (Essien, Diarra, Tiago, Abidal, Malouda). Sauf que c’est précisément ce choix qui a montré du doigt quand il a fallu trouver une origine à cette allure de petite fin qu’a pris la dernière saison lyonnaise.

Et maintenant ?

Reste alors à savoir ce qui pourrait bien calmer “l’inquiétude légitime” des supporters lyonnais d’ici les prochaines semaines. Rien ou presque pour peu que le départ de Benzema se transforme en appel d’air dans un effectif lyonnais où l’on cache de moins en moins son désir d’aller voir ailleurs. Pareille situation ne manquerait d’ailleurs pas d’apparaître comme un désaveu pour Puel et sa méthode considérée un brin dirigiste par quelques cadres. Hors de question non plus de s’en remettre à l’arrivée de nouvelles recrues pour mettre un terme à la nervosité du moment. On sait déjà qu’elles ne seront jamais du calibre de Benzema.

Non, les dernières raison d’espérer se situent encore dans le rappel de cette époque pas si lointaine où le seul joueur qui semblait manquer à l’OL était un “grand attaquant”. Ces cinq saisons qui suivent le départ de Sonny Anderson (2002) et l’arrivée fracassante de Benzema (2007). Lorsque l’OL se trouve une identité de jeu depuis le milieu et en passant par les côtés, domine la Ligue 1 jusqu’à plus soif et manque d’un rien de rentrer dans le dernier carré de la Ligue des Champions. Un passage obligé du côté de la nostalgie qui, s’il venait à tourner favorablement, laisserait entrevoir la possibilité d’un retour vers le futur.