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Odezenne : « Domenech, c’est le Sneazzy West du foot ! »
A Bordeaux, outre le pinard et le rock’n’roll, il y a Odezenne, groupe de rap 2.0 animé par Al et Jaco, MC’s aux avis bien tranchés. De la grande époque des Girondins au départ de Laurent Blanc, des pubs bouillonnants de Londres aux travées du stade Jack Baudequin, d’Endemol à Alerte à Malibu, entretien sans bouées de sauvetage d’un duo fracassant.
Laurent Blanc manque-t-il aux Bordelais ?Al : Bah déjà, j’ai eu l’impression qu’il s’est barré de Bordeaux un peu rapidosse… Il est parti de l’équipe, et quinze jours après, les Girondins perdaient ! Un truc de fou. Quand il était là, les joueurs gagnaient tous leurs matchs ou presque, ils enchainaient et, à partir du moment où on a commencé à entendre que Blanc allait entraîner l’équipe de France, on a tout perdu ! La catastrophe quoi !Jaco : Après son départ, tout le monde a suivi. Gourcuff, Chamakh, etc.
Comment s’est traduit leur départ sur le terrain ?Jaco : C’est simple, par des résultats de merde. C’est comme si tu prenais Alerte à Malibu, et que tu retirais Pamela Anderson, David Hasselhoff et David Charvet : la série sert plus à rien !
Et qui jouait Pamela Anderson à Bordeaux ?Al et Jaco (en chœur) : Gourcuff !
Et vous le trouvez comment Laurent Blanc en équipe de France ?Jaco : Blanc fait ce qu’il peut ! Il récolte les pots cassés… et c’est compliqué. Je pense qu’en 1998, si on a gagné la Coupe du monde, c’est parce qu’on avait un joueur dans l’équipe qui avait vraiment faim, Zidane, et qui a donné faim à tout le monde. Là, on ne sent pas les mecs vraiment motivés.Al : Laurent Blanc a fait du super taf à Bordeaux. Là, c’est un peu plus mitigé. Par comparaison, j’aimais bien Domenech. Il avait un côté showman qui me faisait marrer. Genre sa déclaration d’amour en direct, j’ai trouvé ça énorme. En plus, on avait le sentiment que le mec aimait bien attiser la haine. Il se complaît là-dedans. C’est le Sneazzy West du foot !
Pourquoi les résultats ne suivent pas avec les Bleus de Blanc ?Jaco : Je crois que ça tient beaucoup à la fréquence des entraînements. Le mec a fait des bonnes choses à Bordeaux car le groupe était ensemble du lundi au vendredi. Là, il voit ses joueurs deux jours par-ci, trois jours par-là. C’est beaucoup moins évident.
Retour à la grande époque bordelaise : Zidane, Dugarry, Lizarazu. Sur place, c’était comment ?Al : Je les connaissais pas perso mais il m’arrivait de les croiser. Notamment dans un bar qui s’appelle Le comptoir du jazz, dans une rue où il y a plein de boites. Ce bar, c’était comme un entracte, pour se poser avant de repartir. Tu arrivais dans le bar, tu te retournais et tu voyais Zizou. D’ailleurs, le mec est beaucoup plus balèze en vrai qu’à la télé. C’est une armoire. C’était il y a environ douze ans, ils étaient tous un peu plus jeunes donc ils sortaient un peu plus.
Des flambeurs à l’époque ?Al : Pas vraiment… Zizou a toujours été assez posé je crois.
Les temps changent. Trop de fric dans le foot aujourd’hui ?Al : Quand tu vois Paris se faire racheter par des milliardaires qataris, ambiance Télé Shopping, ça me fait vraiment halluciner. Pour l’image et le message envoyés à des gens qui ne sont pas forcément à fond dans le foot, je ne trouve pas ça terrible. Ça donne le sentiment que ça n’est qu’un jeu d’argent… On voulait quand même faire venir Beckham pour vendre des maillots ! Pour moi, cette logique de dream team ne peut pas fonctionner. Il faut qu’il y ait de l’entente et du jeu. Et puis gagner autant de pognon pour taper dans un ballon, ça me fait débloquer…
Jaco : Aujourd’hui, le foot, c’est Endemol. Moi ce que j’aime c’est le jeu, ça s’arrête là.
Quid du salaire des joueurs ?Al : On va tirer à vue sur un patron qui gagne un million d’euros alors que le mec a 100 000 salariés, et personne ne critique le salaire des joueurs de foot. Pour moi, c’est le même problème. C’est mon côté un peu Mélenchon, mais à partir d’un moment, le salaire ne sert plus à rien, à part ajouter des zéros à la banque. Tu ne peux pas avoir assez d’une vie pour dépenser deux millions par mois. Après, il ne faut pas s’étonner que les joueurs soient déconnectés !
Et ce qu’il se passe autour du foot : supporters, kop, ambiance and co ?Jaco : J’aimerais bien aller dans les pubs anglais voir comment ça se passe les jours de matchs. Les Anglais ont des publics de malade qui ne te lâchent jamais. Tu vas te prendre 4 buts en première mi-temps, les mecs vont te supporter en seconde. C’est un peu différent en Espagne. Là-bas tu perds, tu vas te faire traiter tout de suite. Comme les supporters madrilènes qui vont aller critiquer Mourinho alors que le mec fait une super saison.Al : J’ai habité en Angleterre pendant six mois et c’est vrai que l’ambiance là-bas est assez énorme. Les jours de match, ça braille pas mal, ça discute, ça se mélange ! Et peu importe les origines sociales. J’ai vu le film Hooligan et j’ai bien aimé les scènes de stade où tu sens effectivement la pression monter. Tu perçois l’émulsion et tu comprends un peu mieux la raison pour laquelle le mec déraille.
Et l’Italie, ça vous parle ?Al : Le producteur d’Odezenne vient de Milan. Il nous a raconté que les tifosis locaux étaient vraiment chauds. C’est très sérieux là-bas. Entre les deux Milan, il faut choisir son camp, et ça ne se mélange pas…
Le championnat français ?Jaco : Je trouve que le championnat français est pas mal, comparé au championnat polonais.
Et les gars d’Odezenne, on les voit quand sur un terrain ?Jaco : Quand j’étais petit, j’étais toujours en bas de chez moi pour taper dans le ballon. On jouait au stade Jack Baudequin, entre Vitry, Choisy et Thiais. Nous étions avec des mecs qui savaient hyper bien jouer. Ils nous expliquaient tactiquement ce qu’il fallait faire. C’est là que j’ai compris que le foot n’était vraiment pas un sport de teubé.Al : Moi c’est plus compliqué. Je ne sais même pas si je suis gaucher ou droitier. Naturellement, j’ai envie de taper avec le pied droit mais je suis tellement mauvais… je devrais essayer avec le gauche !
Odezenne, album O.V.N.I édition Louis XIV, disponible (Label Universeul)
En concert le 13 avril à Cholet (Z’eclectiques Collection Printemps)
Propos recueillis par Romain Lejeune