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- 18e journée
- Manchester United/Newcastle
Obertan perdu
Arrivé en provenance de Manchester United en 2011, Gabriel Obertan passe la majorité de son temps à l'infirmerie depuis qu'il a signé à Newcastle. Alors que ses deux clubs anglais se rencontrent cet après-midi, l'ancien Bordelais regardera le match depuis son canapé. L'homme s'est peté la cuisse droite à l'automne en essayant de déborder Dejan Lovren. Fin de la vanne.
« Gabriel Obertan filait à toute allure, mais, dans le dernier tiers du terrain, il s’emmêlait parfois les pinceaux. Il devait coordonner sa vitesse et son cerveau pour pouvoir porter l’estocade. » En deux phrases, Sir Alex Ferguson s’est payé Gabriel Obertan dans sa dernière autobiographie. Aujourd’hui, l’ancien Girondin de Bordeaux joue à Newcastle. Enfin, il appartient aux Magpies, mais dispute en moyenne une quinzaine de matchs par saison. Remplaçant en Premier League, l’ailier joue de temps en temps les matchs de Coupe. Incroyable pour un gamin lancé dans le grand bain à 17 ans par Ricardo, alors à la tête des Girondins. Ses débuts étaient prometteurs : vitesse, dribble, explosivité, insouciance. La France pensait avoir mis la main sur une pépite. À 25 ans, Obertan est pour l’instant plus proche du toc que de l’or. La faute à des blessures à répétition et à un mental parfois déficient.
Sous Laurent Blanc – qui va prendre la suite de Ricardo en Gironde – et Christian Gourcuff lors de son prêt à Lorient en 2009, les mots des entraîneurs vont pointer le même mal : il est mental. « Il faudra qu’il passe un cap mental » , disait de lui Gourcuff dans L’Équipe en 2009. Même son de cloche de Blanc dans les mêmes colonnes : « Il a le potentiel, mais il faut une remise en question psychologique et mentale pour qu’il puisse exprimer toute sa valeur. » Alors quand le môme, à peine titulaire en Ligue 1, décide de rejoindre Manchester United en 2009 (4 millions d’euros de transfert), on se pose des questions. Pour Ferguson et United, c’est un énième pari. Comme Diouf, Bellion, Rafael, Fabio, Rodrigo Possebon, Solskjær ou encore Hernandez, le vieil Écossais tente des choses. Certaines vont se révéler payantes, d’autres désastreuses. Obertan est entre les deux. Surtout, le garçon au crâne sensiblement identique à celui de Mikaël Silvestre paye un corps fragile. Trop fragile pour le football anglais. Dès son arrivée dans les îles Britanniques, il se blesse pour cinq mois. Sa première année est un doux cauchemar (13 matchs, aucun but).
Un match de Coupe contre une D5 et puis la cave
La seconde connaît un meilleur départ puisqu’il plante en Ligue des champions contre Bursaspor en phase de poules et enchaîne deux titularisations en championnat. Le déclic. Non. Le point de non-retour. Presque. Il faudra attendre février 2011 pour revoir le garçon étrenner son numéro 26 du côté des starters. MUFC joue en Coupe contre la modeste équipe de Crawley. Ce match doit être l’occasion pour les coiffeurs de se montrer. C’est une catastrophe. L’équipe de Sir Alex l’emporte par la plus petite marge (1-0) face à une équipe qui évolue en cinquième division anglaise. À la fin du match, le hair dryer marche à plein régime. Les titulaires du jour se font démonter. Obertan est dedans. Le Français a déçu l’Écossais. Un entraîneur qui avait pourtant fait le déplacement jusqu’au Moustoir en 2009 pour valider sa venue à Old Trafford. Obertan n’aura pas d’autre chance. Il quitte MUFC en fin de saison, direction Newcastle. Dans le Nord, il joue plus, mais marque toujours aussi peu (3 buts en 63 matchs depuis 2011). Naturellement, il ne s’est pas acheté un système immunitaire pour autant. Régulièrement, son corps lui joue des tours. Comme à l’automne dernier où, sur un débordement sur Dejan Lovren, sa cuisse pète. Bilan : trois à quatre mois sur le carreau. Loin du terrain où il commençait à être titulaire, au point de pousser Cabella sur le banc.
Chez les Magpies, Obertan commençait à se faire apprécier par son entraîneur Alan Pardew. En novembre 2012, à la sortie de plusieurs prestations intéressantes en Ligue Europa contre Bordeaux et Bruges, le coach s’était publiquement félicité de son joueur : « Il a été énorme. On lui doit beaucoup dans cette compétition. » Énième compliment passager pour un jeune garçon qui n’a encore jamais pris la mesure du championnat anglais. Dans le parcours d’Obertan, on peut y voir les prémices d’un garçon parti sans doute trop tôt de France dans un club trop grand pour lui. Ils sont nombreux à avoir tenté l’aventure hors de France dès leur plus jeune âge : Meghni, Pericard, Aliadière, Le Tallec… Pour un Pogba ou Anelka, combien de parcours à la Gabriel Obertan ? Beaucoup trop. Alors oui, Obertan n’a que 25 ans. Mais il n’a plus de temps à perdre. Cet après-midi, devant son poste de télévision, on espère qu’il regardera l’un de ses derniers matchs loin de ses coéquipiers. Sinon, il faudra se rendre à l’évidence et admettre la vérité : Sir Alex Ferguson avait raison.
Par Mathieu Faure