Tu as été formé à Nice. Pourquoi n’es-tu pas resté ?
J’y avais signé mon premier contrat pro et j’avais intégré le groupe, mais je n’ai joué qu’un match de Coupe de France. C’était la période où Nice était dans le dur, un peu, avec deux ou trois changements d’entraîneur. C’était Antonetti sur la fin qui m’avait intégré au groupe pro, j’ai signé pro sous Ollé-Nicolle, mais il s’est rapidement fait virer. Après, il y a eu René Marsiglia, Éric Roy, tout ça… Donc je n’ai pas joué. Enfin, je jouais en CFA.
Du coup, tu signes en Bulgarie en 2012. Un choix pas très académique.
C’est sûr ! (rires) Bah j’étais en fin de contrat, tout le staff changeait à Nice. J’aurais pu prendre ce qui me tombait sous la main, mais j’avais 19, 20 ans et je voulais surtout jouer. On m’a proposé de faire un essai à Chernomorets Bourgas. J’ai pas trop réfléchi, je suis un peu aventurier et j’aime bien voyager, donc j’ai tenté le coup. Ça ne s’est pas passé comme je le voulais : des problèmes administratifs, d’agent, etc. Quelques jours plus tard, un contact m’appelle pour me dire que le CSKA Sofia avait eu de bons échos concernant mon essai à Bourgas. Je signe pour trois ans. Là aussi, ils avaient des problèmes administratifs : en raison de salaires non payés, les nouveaux joueurs ne pouvaient pas jouer avant septembre. J’ai fait huit matchs à partir d’octobre et je me suis blessé en décembre pour quatre mois. Et puis, il y a eu de nouveau des problèmes administratifs, des changements de coach – trois dans la même année –, des non-paiements de salaire… Tout ce qu’il y a habituellement dans ces pays-là. Et je ne jouais plus à mon retour de blessure. Donc j’ai préféré résilier mon contrat.
Du coup, direction la Lituanie en 2013. Comment tu t’es retrouvé là-bas ?
Après tout, si tu passes de la France à la Bulgarie, c’est assez facile de passer de la Bulgarie à la Lituanie, non ? (rires) C’est aussi la façon dont on m’a présenté le projet qui m’a convaincu. Le Žalgiris Vilnius était deuxième du championnat à ce moment-là, avec pour ambition de finir champion, et avait remporté la Coupe de Lituanie et donc une qualification en Ligue Europa. Le club avait déjà passé deux tours préliminaires et allait entamer les barrages. Il y avait de l’ambition et du temps de jeu à gagner. Et de toute façon, avec mon expérience, je ne pouvais pas prétendre à quelque chose de mieux. Mais attention, Žalgiris, c’est ce qui se fait de mieux en Lituanie actuellement ! On a remporté deux championnats d’affilée et on a fait le doublé Coupe-championnat l’année dernière. Maintenant, l’objectif est de faire bonne figure en Coupe d’Europe. Cette année, ça n’a pas été trop possible vu qu’on est tombés sur le Dinamo Zagreb…
C’est quoi le niveau de la A Lyga ?
Je pense que le niveau global doit être milieu de tableau de Ligue 2. Quand les trois, quatre premiers clubs du pays – dont on fait partie – se rencontrent, ça donne des matchs assez intéressants. On est dix dans le championnat, donc disons plutôt que les cinq premiers, ça va. Après, il y a un écart assez conséquent avec les cinq derniers.
Et le jeu développé, c’est comment ?
Dans les autres équipes, il y a beaucoup de Biélorusses, de Russes et de Lituaniens, forcément. Donc c’est assez physique et direct. En général, ce sont de grands attaquants et de grands défenseurs, des longs ballons que tu gardes et beaucoup de duels. Nous, on est un club cosmopolite, avec beaucoup de nationalités différentes : beaucoup de Polonais, un Chypriote… On a même eu un Japonais l’année dernière ! (rires) On essaie un peu de jouer au football avec du jeu technique, au sol, donc quand on affronte des équipes comme ça, ça simplifie la chose. C’est aussi parce qu’on a un entraîneur étranger très expérimenté : Marek Zub.
Vous écrasez tout en ce moment, mais historiquement, le grand club lituanien, c’est le FBK Kaunas, non ?
C’est ça. Mais le club a fait banqueroute depuis quatre, cinq ans déjà. Maintenant, ils sont en troisième division. Ici, les clubs qui font banqueroute, où tu penses être bien un jour et le lendemain tu disparais, c’est assez fréquent. Heureusement, nous, on est stables.
Ton club est géré par une femme, Vilma Venslovaitienė, chose assez rare dans le football pour être soulignée. C’est vu comment, sur place ?
J’ai été surpris la première fois. Mais au final, ça ne change pas grand-chose. Elle ne va pas venir discuter de termes footballistiques précisément, elle laisse le sportif au directeur sportif et s’occupe plus de la gestion humaine du club. Elle est plus diplomate. Mais homme ou femme, peu importe : ça reste un président. C’est la boss. Et vu que tout le monde veut jouer pour Vilnius, je pense que ça ne doit pas poser problème aux Lituaniens que ce soit une femme à la tête du club.
Tu t’es mis au lituanien, un peu ?
C’est trop dur ! (rires) Je commence à comprendre quelques mots. Au bout d’un an et demi. C’est chaud… Mais bon, heureusement, pas besoin d’apprendre la langue ! Contrairement à la Bulgarie, ici, ils parlent tous anglais. Et puis, ils sont super ouverts d’esprit. Ça aide pour la communication.
Quand tu as débarqué en Lituanie, qu’est-ce qui t’a le plus marqué ?
(Il réfléchit) J’ai été surpris par la qualité de vie. Dans le bon sens du terme. J’entendais Vilnius, Vilnius… Tu demandes à n’importe quel Français, il va te dire que c’est comme à la campagne je sais pas où. Alors qu’en fait, c’est vivable et la ville est belle. C’est assez petit, environ 500 000 habitants, un centre-ville joli avec une architecture ancienne, des centres commerciaux, des cinémas, des restos, des bars… Il y a de quoi faire. Bon, c’est vrai qu’autour, il n’y a pas grand-chose, mais la capitale est cool.
Toi qui est resté longtemps à Nice, si tu devais comparer avec Vilnius…
(rires) Quand tu viens de la Côte d’Azur, tu peux pas comparer ! Avec n’importe quelle ville, d’ailleurs. Ici, il y a des choses à voir : des châteaux qui retracent l’histoire de la ville, des lacs autour, des monuments… Mais la comparaison ne se fait pas. La Côte d’Azur, c’est irremplaçable.
Et donc, le froid t’a pas gêné plus que ça ?
Quand je suis arrivé au mois de septembre, il faisait déjà -2°C ! (rires) Bon, ça s’est réchauffé par la suite, mais de par mes origines et le fait d’avoir grandi sur la Côte d’Azur, ça surprend. Je savais que j’étais en Lituanie, quand même, mais le froid était tenable pendant l’automne. Là où j’ai eu un peu plus de mal, c’était en janvier à la reprise. Avec la neige et le thermostat qui descend jusqu’à -30°C…
-30°C ?!
Ouais ! Quand tu te lèves pour aller à l’entraînement à 9h et que tu regardes la température sur ton téléphone, c’est vrai que niveau motivation, c’est dur. L’avantage, c’est qu’on a toutes les installations à disposition. Et quand il fait trop froid, on part en stage au chaud. Au mois de mars, on a dû faire un match sous des rafales de neige. C’était assez bizarre, mais bon, j’ai mis deux buts et on a gagné. Donc ça ne me gêne pas plus que ça !
Autre chose qui diffère de la France : la bouffe !
Ça, c’est sûr ! (rires) À Vilnius, il y a plein de restaurants étrangers, donc ça va. La cuisine lituanienne, je n’ai pas encore essayé parce que ça ne me dit pas trop. Des pommes de terre avec de la crème et de l’ail… Ils font beaucoup de trucs à base d’ail, ici. Même les pizzas, ils mettent trop d’ail dessus ! L’ail, c’est bon, mais pas trop non plus ! Ici, un coéquipier m’a dit : « Il faut que tu manges beaucoup d’ail pour ne pas tomber malade. » Bon, je préfère encore un bon steak ou un bon plat de pâtes. Par contre, ils ont des desserts qui sont assez bien : des pancakes fourrés au fromage. J’en raffole.
Sinon, c’est pas trop compliqué de faire du foot au pays du basket ?
C’est vrai que niveau affluence, c’est pas trop ça, mais le foot commence à se développer ici. On n’en est pas au niveau de la France où tous les sports sont à peu près représentés, avec un petit plus pour le foot et le rugby. Mais l’importance du basket ne m’a pas choqué. De toute façon, que ce soit basket ou foot, les Lituaniens sont derrière leur équipe nationale. Là, ils viennent de jouer deux matchs de qualifications pour l’Euro à domicile et le stade était plein. En revanche, au niveau des clubs et des infrastructures, le basket est beaucoup plus développé, oui. Les arènes lituaniennes font partie des plus belles d’Europe. L’investissement n’est pas le même.
Fun fact : tu as fait le chemin inverse du seul joueur lituanien qu’on connaisse en France, Edgaras Jankauskas, qui a été formé au Žalgiris Vilnius avant de jouer une année à Nice…
Mais oui ! Maintenant, il est coach de l’équipe rivale de Žalgiris Vilnius, FK Trakai. Ils sont à vingt kilomètres de Vilnius, ils ont été deuxièmes pendant longtemps et ils nous ont pas lâché la grappe, donc c’est un peu le derby quand on joue contre eux. Mais ce sont des derbys tranquilles. C’est chaud dans les médias, mais ça s’arrête là. La première fois que j’ai vu Jankauskas, je lui ai dit : « J’étais en jeunes quand vous étiez à Nice ! » Du coup, on s’est mis à parler en français ensemble et dès qu’on se voit, on se parle.
Tu peux nous dire un truc en lituanien, quand même ?
Aciu ? Ça veut dire merci ! (rires)
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