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Nuno Mendes, des rues de Sintra au vestiaire du PSG
Brillant mardi soir avec le Paris Saint-Germain sur la plus grande des scènes face au Real Madrid, Nuno Mendes continue d'aller toujours plus haut, toujours plus vite. Professionnel depuis moins de deux ans, le gamin de 19 ans a passé les étapes à la vitesse de la lumière depuis le premier confinement.
Au moment où Dani Carvajal et ses petits copains brandissent leur troisième Ligue des champions consécutive dans le ciel de Kiev un soir de mai 2018, Nuno Mendes n’est encore qu’un gamin de l’académie du Sporting CP, qui s’apprête à fêter ses 16 ans. Depuis, la vie du jeune de Sintra, une ville de la banlieue de Lisbonne, s’est accélérée, jusqu’à découvrir les paillettes de la Ligue des champions cette saison et faire souffrir le martyre à son aîné espagnol. Mardi soir, sur la pelouse du Parc des Princes, sa doublette formée avec Kylian Mbappé a embrasé le couloir gauche parisien, à en donner le tournis aux Merengues. Accélérations supersoniques, combinaisons dans les petits espaces, différences balle au pied et même replis défensifs sérieux. Toute la panoplie de celui qui a appris le football dans les rues de son quartier y est passée.
Foot 2 rue, couteau et chasseur de ballon
Nuno a neuf ans et n’a jamais connu la vie dans un club de foot quand son professeur, Bruno Botelho, se rend compte du potentiel du gamin, qui préfère déjà les heures dédiées à taper dans le cuir en bas de chez lui à celles passées sur le banc de l’école. « On avait fait un exercice où il fallait négocier un un-contre-un avec le gardien, a un jour raconté l’instituteur à Record. Nuno a passé le ballon au-dessus du gardien avec une roulette impressionnante, et a marqué dans le but vide, à l’aveugle, comme Ronaldinho le faisait à cette époque. » La bascule. Botelho convainc alors le garçon de s’inscrire au FC Despertar, le club du quartier. Numéro 10 dans le dos, Mendes s’attire encore les éloges de ceux qui le voient grandir. « On commençait souvent l’entraînement par un jeu appelé le chasseur de ballon, racontera plus tard Diego Gonçalves, entraîneur ravi de voir évoluer un jeune aussi talentueux, à Canal 11. On prenait quatorze enfants, on donnait un ballon à sept d’entre eux, et ceux qui n’avaient pas de ballon devaient le récupérer dans les pieds de ceux qui en avaient un. Nuno Mendes commençait le jeu avec un ballon et finissait avec le même, parce que personne n’était capable de le lui prendre. »
Sans surprise, les prédispositions du bonhomme attirent l’attention. « Un jour, je sors de l’école. Je suis une personne méfiante, et je me rends compte que quelqu’un me suit. Je cours jusqu’à la maison, narrait-il à Onze Mondial cet automne. Ensuite, il frappe à la porte, et moi, je suis de l’autre côté avec un couteau à la main. Je pensais qu’on allait nous cambrioler. J’ouvre la porte, et il me dit « Calme-toi, je suis un recruteur du Sporting ! » Du coup, j’ai rangé mon couteau. » Et rejoint l’académie des Leões. Le début du conte de fées ? Pas encore. Les difficultés se font nombreuses sur le chemin du prodige, qui doit abandonner son rôle de milieu offensif pour devenir latéral à l’âge de 14 ans, alors que les portes du centre menaçaient de se fermer devant son nez. Intégré dès l’année suivante à l’équipe U17, Nuno Mendes doit également faire face au décès de son père, des suites d’une longue maladie. « J’ai dû grandir plus vite. Le Sporting a joué un rôle important, pendant mon séjour à l’académie, j’ai assumé d’autres types de responsabilités », expliquait-il encore à Onze Mondial. La volonté de réussir pour les siens chevillée au corps, le jeune homme se fait dès lors peu à peu une place au sein des équipes jeunes successives du club, comme de son pays.
Éveil Mendes
Ancien coach des jeunes du Sporting Portugal entre 1996 et 2005, puis adjoint de Paulo Bento chez les Leões et en sélection portugaise, Leonel Pontes en a vu passer, des jeunes talentueux. De Cristiano Ronaldo à Ricardo Quaresma en passant par Nani, João Moutinho ou encore Miguel Veloso. Pourtant, ce qu’il découvre en revenant au Sporting pour entraîner l’équipe U23 va réussir à l’impressionner. On l’avait pourtant prévenu de la présence d’un phénomène de 17 ans. Son nom ? Nuno Mendes. « Quand je l’ai vu pour la première fois, j’ai été impressionné par sa vitesse, son apport offensif, sa qualité de centre et sa mentalité, se remémore Leonel Pontes.J’ai vite compris qu’il avait toutes ses chances pour devenir un très bon joueur de football. » Cela ne fait pas de doute, Nuno Mendes est un diamant. Mais un diamant à polir. Déjà d’un point de vue physique puisqu’il enchaîne alors les allers-retours à l’infirmerie en raison de problèmes musculaires. Mais surtout sur le plan défensif : « Il avait beaucoup de difficultés à défendre. Il avait des problèmes sur les un-contre-un, pour défendre l’espace intérieur ou encore pour jouer de la tête. » Il faut dire que jusque-là le natif de Sintra n’a jamais eu besoin de défendre puisque le Sporting roulait sur tous ses adversaires. Sauf que pour atteindre le palier suivant, Nuno Mendes avait besoin de travailler son jeu défensif. Et ça, Leonel Pontes le sait pertinemment. C’est pourquoi il opte pour une défense à quatre : « Jouer avec une défense à cinq, c’est bien pour l’attaque, mais pas pour apprendre à défendre. J’ai perdu beaucoup de temps avec ce travail défensif quotidien que je lui infligeait. »
Résultat, Nuno Mendes est toujours aussi costaud offensivement (1 but et 3 passes décisives en 17 rencontres avec les U23) grâce à sa spéciale centre fort au premier poteau tout en devenant un défenseur solide. Tout ce que le latéral portugais a montré face au Real Madrid où il a été capable d’humilier Dani Carvajal et de mettre Éder Militão sur les fesses, mais aussi de venir couvrir dans l’axe pour couper une contre-attaque adverse. Et voilà comment en deux mois il est devenu le meilleur joueur de cette équipe U23 qui comptait pourtant dans ses rangs Matheus Nunes, Eduardo Quaresma, Gonçalo Inácio ou encore Tiago Tomás. Finalement, ce sont deux éléments peu joyeux qui vont donner un coup de boost à sa carrière : les problèmes financiers du Sporting Portugal et le coronavirus. Mis en pause, le championnat portugais repart pour un restart de 10 journées en juin 2020. Afin de préparer la saison suivante et les nombreux départs à prévoir, Rúben Amorim fait appel aux jeunes présents en U23. Et donc à Nuno Mendes qui a d’abord le droit à 18 minutes face à Paços Ferreira. Avant d’être titulaire face à Tondela à la veille de ses 18 ans, devenant ainsi le plus jeune joueur à commencer un match avec le Sporting Portugal depuis Cristiano Ronaldo. Le tout à l’Estádio José Alvalade XXI dans lequel sa mère était femme de ménage quand il était plus jeune. À partir de ce moment-là, sa carrière passe en vitesse lumière. Il y a d’abord cette signature de contrat le jour de ses 18 ans, cette fin de saison dans la peau d’un titulaire, cette première sélection avec les espoirs portugais et ce nouveau contrat qui fait passer sa clause libératoire à 70 millions d’euros. Puis cette année 2021 qui l’aura vu être appelé par Fernando Santos, amener au Sporting Portugal son premier titre de champion depuis 2002, disputer l’Euro et signer au Paris Saint-Germain dans les dernières heures du mercato.
Danilo le grand frère
Lorsqu’il s’envole pour le PSG, Leonel Pontes ne s’en cache pas, il était méfiant. Peut-être repensait-il à Renato Sanches parti après une demi-saison au Bayern Munich. Ou encore à João Félix qui, après une saison avec Benfica, a rejoint l’Atlético. « Beaucoup de joueurs avec du potentiel ont rejoint un grand club et ne jouaient pas. Là, Nuno a quitté Lisbonne pour Paris, le Sporting pour le PSG. C’est un grand changement, admet l’ancien tuteur de CR7. Ce qui me rendait optimiste, c’est que le PSG est une équipe offensive, et Nuno est un joueur qui attaque. C’est un latéral, mais c’est un joueur offensif. Et puis je crois qu’avec des bons joueurs, Nuno devient un joueur encore meilleur. » Et les doutes de Leonel Pontes vont vite disparaître, puisque Nuno Mendes s’installe rapidement dans le fauteuil de latéral gauche titulaire sans être vraiment inquiété par la concurrence de Juan Bernat qui revient de sa longue blessure, d’Abdou Diallo qui reste un défenseur central et de l’indésirable Layvin Kurzawa. Au point que cela ne fasse plus le moindre doute quant au fait que les dirigeants parisiens paieront l’option d’achat de 40 millions d’euros au Sporting Portugal à l’issue de la saison.
Au sein d’un vestiaire rempli d’ego surdimensionnés, Nuno Mendes le taiseux – « Il ne parle pas beaucoup, ce n’est pas un leader, il n’est pas expansif, il est tranquille, confie son ancien éducateur. Mais il a de la personnalité et sait se faire respecter » – se fait discret. Comme toujours, il sélectionne deux ou trois coéquipiers avec qui il discute. Au Sporting, il y avait notamment Matheus Nunes avec qui il jouait au ping-pong. À Paris, ce sera son compatriote Danilo Pereira. Un homme que connaît parfaitement Leonel Pontes puisqu’il en avait fait son capitaine lorsqu’il entraînait du côté de Maritimo : « J’ai appelé Danilo avant que Nuno arrive pour lui dire de prendre soin de lui. Danilo est un leader, un capitaine, et c’est très important pour Nuno de l’avoir avec lui. Son adaptation à Paris a été facilitée par Danilo. » Son garde du corps à ses côtés pour faire face au vestiaire parisien, Nuno Mendes peut alors se concentrer sur ce qu’il sait faire de mieux : le terrain. Et ce retour à la défense à 4 qui l’oblige à défendre davantage. Cela tombe bien, il s’est préparé à cette alternative. Et ce n’est pas Marco Asensio, qui a passé l’intégralité de la rencontre dans la poche de son short, qui va dire le contraire.
Par Tom Binet et Steven Oliveira
Propos de Leonel Pontes recueillis par SO.