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Nuno Gomes, l’Anglais
Cédé par Benfica à Braga en 2011, puis par les Guerriers à Blackburn cet été, le déclin de Nuno Gomes semblait inexorable. Pourtant, à 36 ans, « Nuno Golo » connaît une deuxième jeunesse en Championship. Comme s’il avait toujours joué en Angleterre. Peut-être aurait-il dû émigrer plus tôt chez la reine...
Blackburn va bien, merci. Actuellement deuxièmes de Championship, les Rovers sont partis pour aspirer à un retour dans l’élite anglaise. Mieux, et malgré quelques lacunes défensives, ils peuvent compter sur deux attaquants en pleine bourre : Jordan Rhodes et…Nuno Gomes. Oui, Nuno Gomes, le mec qui a allumé Fabien Barthez, puis l’arbitre de la rencontre lors de la demi-finale de l’Euro 2000 opposant le Portugal à la France. À 36 ans, l’ancien attaquant de la Viola et surtout de Benfica se refait une santé en Angleterre. C’est à se demander si le vieux n’a pas loupé une belle carrière outre-Manche. Certes, il n’évolue qu’en D2, mais quand même.
Sang noble
Bien sûr, on ne saura jamais quelle tournure aurait pris la carrière de « Nuno Golo » en partant en Premier League plutôt qu’à la Fiorentina en 2000. Aurait-il tenu le coup, comme bien d’autres Portugais l’ont fait récemment, ou aurait-il été un Hugo Viana avant l’heure ? Mystère. En revanche, on aurait facilement pu deviner que l’image du joueur collerait carrément avec la « british class » . Nuno Gomes, ou plutot Nuno Pereira Ribeiro – il tire son surnom de Fernando Gomes, légende du FC Porto – n’est pas issu de la pauvreté, n’a jamais connu la faim et a même fréquenté une école privée. Bref, « O Amarantino » n’est ni Cristiano Ronaldo ni Paulo Futre. Loin de là. S’il était français, il viendrait du XVIe arrondissement de Paris et mépriserait certainement le football. Sauf qu’au Portugal, toutes les strates jouent au foot.
Ce n’est pas un sport populaire, mais un sport national, surtout quand Gomes chausse ses premiers crampons, dans les années 80. Il y a juste plusieurs écoles : ceux qui apprennent à jouer dans la rue, et ceux qui ont tout sur un plateau doré, haute éducation comprise. Bien sûr, l’attaquant des Rovers fait partie de la deuxième catégorie. Alors quoi ? Alors, évidemment, CR7 et Futre ne sont pas des bêtes sauvages démunies de style ou d’élégance, bien au contraire. Mais Nuno Gomes a la classe, la vraie : plutôt costard que t-shirt moulant et jean troué, plutôt cheveux longs que pot de gel et crête, plutôt crochet que passements de jambes, plutôt U2 que Carly Rae Jepsen… Bref, plus anglais que « Nortenho » (ndlr : du Nord du Portugal).
Baroud d’honneur
Sa prestance, sa belle gueule – on pourrait croire qu’il n’a que 25 piges – et sa modestie lui ont d’ailleurs été longtemps favorables au pays. Il n’est ainsi pas rare d’entendre des propos indulgents à son égard du style : « Il a réalisé une très belle carrière. » Mais au final, Nuno Gomes, c’est quoi ? Six ans, peut être sept, au plus haut niveau. De 18 à 24 ans, il claque pion sur pion en Superliga, d’abord avec Boavista, puis à Benfica, avant de partir en Italie où il se blessera assez gravement. Entre 2002 et 2012, il marque 116 buts, à peine 10 de plus qu’en 6 ans, de 18 à 24 ans. Pas mal, mais pas de quoi en faire tout un plat. Alors pourquoi tout le monde porte M. Gomes en estime ? Au bout d’un moment, la classe a bon dos. Non, ce qui fait vraiment de Nuno Gomes un joueur d’exception, c’est sa capacité à marquer des buts décisifs, à faire jubiler tout un stade, comme en 2005-2006, lorsqu’il abat le FC Porto à lui seul.
Son sens du but et sa technique auraient eu, à n’en pas douter, leur place sur les pelouses de Premier League, au moins comme joker de luxe à la Ole Gunnar Solskjær : l’homme du banc qui bondit pour marquer. Le sauveur, le joueur qu’on adore un soir, peut-être deux ou trois, mais qui ne fait pas rêver. Il l’a déjà été deux fois cette saison avec Blackburn. Mieux, le Portugais a planté quatre banderilles et délivré deux passes décisives en à peine 351 minutes de jeu depuis son arrivée dans le royaume. Avec un peu de chance et s’il continue ainsi, il pourrait mettre fin à tant d’interrogations en aidant les Rovers à retrouver la Premier League. Il aurait 37 ans, oui, mais Nuno Gomes est de ces attaquants inoxydables et amoureux de leur métier. Tant que ses jambes le lui permettront, il ne s’arrêtera pas. D’ailleurs, il n’a jamais pris sa retraite internationale et fait souvent part de son désir de porter à nouveau la tunique rouge de la Selecção. Une joie qui le fuit depuis plus d’un an maintenant et, semble-t-il, pour toujours. À moins que son aventure anglaise ne le mène vers un dernier baroud d’honneur. Nuno Gomes, doublure de Postiga ? Pourquoi pas, même si c’en serait presque offensant pour le premier…
Par William Pereira