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Nualphan Lamsam, la Dame de fer du football thaïlandais
Écrasée par les États-Unis (0-13) et défaite par la Suède (1-5), la Thaïlande tentera de prendre ses premiers points jeudi, à l’occasion de son dernier match contre le Chili. À sa tête, la femme d’affaires Nualphan Lamsam, superstar des réseaux sociaux, assure le rôle de manager général et a largement contribué au développement du football thaïlandais ces dernières années.
Les larmes aux yeux, Nualphan Lamsam, vêtue d’un blaser blanc et d’un pantalon noir, a finalement levé les yeux de son téléphone et déserté le banc de la Thaïlande pour prendre dans ses bras l’entraîneur des Chaba Kaew, Nuengruethai Sathongwien, lorsque l’équipe a inscrit son premier but dans la compétition. Manager générale de la sélection, l’élégante femme de 53 ans répondait probablement à des mails ou interagissait avec ses nombreux admirateurs. PDG de Muang Thai Insurance, la deuxième compagnie d’assurance du pays, et héritière d’une richissime famille très influente, « Madam Pang » est également une star des réseaux sociaux. Sur son compte Instagram, suivi par 445 000 followers, Nualphan Lamsam affiche fièrement ses aventures où elle jongle entre robes de luxe, maillots de foot et tenues traditionnelles.
Casse la démarche comme Lamsam…
Même si elle confesse que sa principale activité physique consiste en « une marche quotidienne de 30 minutes sur un tapis de course » et qu’elle n’a jamais joué au football, Nualphan Lamsam est un élément majeur du développement du football thaïlandais. Longtemps considéré comme un instrument de propagande de l’Occident dans un pays qui n’a jamais été colonisé, le football intéresse de plus en plus les grands tycoons du pays, pour la plupart partis étudier aux États-Unis ou en Australie et qui s’affichent sans complexe avec des produits de luxe de maisons européennes. Si certains, comme Vichai Srivaddhanaprabha, ancien président de Leicester City tragiquement décédé dans un accident d’hélicoptère en octobre dernier, ont tenté leur chance à l’étranger, Nualphan Lamsam a choisi d’investir dans le football national.
En 2008, elle répond positivement aux sollicitations de la Fédération thaïlandaise et devient manager général de l’équipe féminine. Mécène, meneuse, responsable de la communication… « Madam Pang » est devenue le personnage central de la sélection thaï. Avant chaque match, elle réunit l’équipe pour chanter Sadudee Maharaja, un chant en l’honneur du roi de Thaïlande, désireuse de « créer une harmonie » et de rappeler aux joueuses qu’elles jouent pour tout un pays. Elle contribue également grandement au soutien financier de l’équipe : à l’issue de la qualification de ses joueuses pour la Coupe du monde, elle a doublé la prime accordée et emploie nombre d’entre elles dans sa compagnie d’assurance pour leur permettre de se concentrer sur le football. Des investissements qui portent visiblement leurs fruits – la Thaïlande s’est qualifiée pour les deux dernières Coupes du monde et domine le foot féminin du Sud-Est asiatique – et qui ont donné à Nualphan Lamsam l’envie de se pencher sur le football masculin.
Le foot masculin, nouveau cheval de bataille
Depuis 2015, la femme d’affaires dirige le Port FC, un club de première division thaïlandaise, situé dans le populaire quartier de Khlong Toei à Bangkok. Son mandat avait pourtant mal commencé, puisque l’équipe est descendue en deuxième division la première année, visiblement tourmentée par le changement de blason du club, sur lequel le lion a été remplacé par un cheval poursuivant un ballon. Les armoiries d’origine rétablies, l’équipe est remontée en Thaï League 1 et truste depuis lors le haut du tableau, se classant troisième du championnat en 2018-2019, en s’appuyant notamment sur son milieu Sergio Suárez, passé par Las Palmas, ou Dragan Bošković, une cape avec le Monténégro.
Les Port Lions peuvent aussi compter sur un soutien de taille dans les tribunes avec la présence régulière de leur présidente, qui n’hésite pas à sortir le poncho en plastique, le mégaphone et à lancer des clappings au PAT Stadium pour supporter son équipe. Un clapping également lancé à l’issue du match de l’équipe féminine face à la Suède, pour célébrer le but inscrit en fin de match, témoignage du soulagement de la Nualphan Lamsam, qui avait déclaré à la suite de la déroute contre les États-Unis que « les joueuses et le staff s’excusaient auprès de leurs supporters » . Un comble de la part de la manager, quand on voit les progrès faits par le football féminin en Thaïlande, où le muay-thaï reste cependant roi et où les femmes sont, la plupart du temps, des supportrices plus que des actrices.
Par Victor Launay