- France
- Ligue 2 – 12e journée – Troyes/Auxerre
Ntep by step
Le poste de Diomède, la frappe et le caractère du Djib', l'avenir de Sanogo, mais le risque d'une carrière à la Kapo. Paul-Georges Ntep, 21 ans, dernière pépite sortie du centre de formation auxerrois, porte quasiment à lui seul l'AJA depuis le début de saison. Mais l'international Espoirs doit maintenant éviter une chose : griller les étapes.
Depuis l’aile gauche, il accélère, repique dans l’axe et place sa frappe du droit, tout en puissance vers la lucarne opposée. À 21 ans, Paul-Georges Ntep a déjà sa spéciale, qu’il ressort (avec plus ou moins de réussite) quasiment à chaque match, que ce soit à Auxerre ou en Espoirs. Depuis un peu plus d’un an, le numéro 7 auxerrois enchaîne les dribbles, les accélérations dévastatrices et quelques cacahuètes imparables. Dans la lignée de Diomède, Fadiga et Akalé, le natif de Douala perpétue la tradition des ailiers gauches de l’AJA, dribbleurs et bouffeurs de craie. Déjà auteur de dix buts cette saison (cinq en club, cinq en sélection), Ntep est, avec Chavarria ou Nivet, l’un des joueurs frisson de la Ligue 2.
Pourtant, comme le veut le scénario classique d’un film de bas étage, tout n’était pas gagné d’avance. Arrivé en France à l’âge de huit ans, le petit Ntep de Madiba (son nom complet) se fait recaler lors de plusieurs essais dans des clubs pros, dont un à Auxerre. Mais après avoir enchaîné les clubs de la banlieue parisienne (Ris Orangis, Draveil, Viry-Châtillon, Linas Montlhéry et Brétigny), il arrive quand même à intégrer un centre de formation. Partenaire du CS Brétigny, l’AJA rafle la mise et fait franchir les paliers à sa recrue (re)venue de loin. Après une apparition en Coupe de la Ligue en octobre 2010, Ntep est véritablement lancé chez les pros par Jean-Guy Wallemme la saison dernière, qu’il termine avec neuf buts au compteur en Ligue 2.
Le Qatar, c’est non
Depuis, dans les travées de l’Abbé-Deschamps, si les spectateurs désertent, les recruteurs, eux, affluent. Lille, Saint-Étienne, Lorient et surtout l’OM surveillent la pépite de très près. Des clubs anglais et italiens aussi. Cet été, une offre officielle est même parvenue sur le bureau du président Guy Cotret. Huit millions d’euros cash, en provenance d’un club du Golfe. Si l’AJA et ses finances pas loin du rouge ne pouvaient refuser, Ntep a décliné l’offre. « Le Qatar, c’est bien pour se mettre à l’abri financièrement. Mais je ne suis pas avide d’argent, confiait le joueur dans L’Yonne Républicaine. Je suis encore jeune, je vis de ma passion et j’aime sentir un stade qui vibre, apporter de la joie aux supporters. C’est pour ça que je joue. »
Mais comme la signature de son premier contrat pro traîne en longueur et qu’il sera libre en juin prochain, un départ dès cet hiver n’est pas à exclure. « Ce n’est pas illogique d’aller au niveau supérieur, assure Ntep. Mais il faut savoir si j’aurai du temps de jeu. J’en ai besoin et c’est pour ça que ça ne me dérange pas de rester à Auxerre. » Son président est prêt à le lâcher en cas d’offre aux alentours de six millions et si son club n’est plus en course pour la montée à la trêve. Bien conscient d’avoir dans ses rangs le facteur X qui peut faire basculer un match à tout moment, Bernard Casoni aimerait évidemment retenir encore un peu son ailier : « Il a du potentiel, mais il faut le laisser grandir. Il doit finir sa formation, être plus régulier. » L’ancien défenseur de l’OM a aussi omis une autre donnée : le mental.
Ambianceur, caractériel et « vraiment pas con »
Début août, face à Nîmes (1-1), le caractère volcanique de « PG » éclate au grand jour. Penalty pour Auxerre. Bien décidé à le frapper, le Franco-Camerounais vient embrouiller Jamel Aït Ben Idir, désigné avant le match pour le tirer et qui va finalement le louper. Fâché, Ntep se rattrape en seconde mi-temps en expédiant un 2e péno fort sous la barre. Un petit incident qui passe à Auxerre, mais qui prendrait des proportions plus importantes dans un club plus médiatisé. « « PG », c’est un joueur qui a du caractère, il ne se laisse pas faire, confie Donovan Leon, 2e gardien à Auxerre et qui fréquentait déjà Ntep à Brétigny. Il a toujours été comme ça. Il aime les responsabilités. Parfois, il prend la parole dans le vestiaire. Mais il met aussi l’ambiance. »
Alors, ce Ntep, vraiment prêt pour aller voir plus haut ? Pour Leon, ça ne fait pas de doute : « Les gens pensent qu’il se prend la tête, mais non, il joue comme il sait le faire. C’est un gars simple, qui a beaucoup progressé. Son travail est récompensé. Il a changé des choses dans sa vie et mentalement, ça a l’air d’être un plus. Et il est bien entouré. Il peut espérer la Ligue 1 l’année prochaine. Il faut juste qu’il reste sérieux et qu’il travaille toujours. S’il est comme ça, rien ne peut l’empêcher d’aller en Ligue 1. Mais il gère bien tout ça. Il sait ce qu’il fait, d’où il vient et pourquoi il est venu. En plus, il est intelligent, vraiment pas con. » Et encore mieux, il n’a pas de tonton qui s’appelle Adil.
Par Alexandre Alain