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Nouzaret : « Si Garcia a des résultats, ils arrêteront de l’emmerder »
Robert Nouzaret fut le premier à donner sa chance à Rudi Garcia, à Saint-Étienne. L’actuel responsable du recrutement du centre de formation de Montpellier revient sur la nomination de son ex-protégé à Lyon, où l’accueil n’a pas été particulièrement chaleureux.
Quand l’OL a choisi Rudi Garcia, on ne peut pas dire que cette nouvelle ait été très bien accueillie par les supporters lyonnais…Déjà, avant de parler des supporters, je n’ai pas été personnellement surpris. Que Lyon choisisse Rudi, un entraîneur passé tout de même par l’AS Roma et Marseille, ce n’est pas étonnant. C’est quelqu’un d’expérimenté, qui connaît très bien la Ligue 1 et qui a un vécu européen. Si Rudi a postulé, c’est qu’il se sentait capable de relever ce défi. Quand il a été nommé, je lui ai demandé s’il avait bien récupéré de son expérience marseillaise, après avoir vu les réactions des supporters lyonnais…
Elles étaient à prévoir, non ?
J’ai quand même été surpris par l’ampleur. On lui a reproché d’être passé par Saint-Étienne puis Marseille, et d’avoir, quand il était à l’OM, eu des échanges tendus avec Aulas. Mais il défendait les intérêts de son club. Aujourd’hui, il est à Lyon. Les supporters des équipes sont de plus en plus exigeants, mais parfois, ça va loin, et ça en devient complètement con. On ne leur demandait pas d’applaudir quand Garcia a signé, mais les banderoles, les insultes, tout ça, bon… Qu’ils le laissent travailler, et ensuite, on voit. Vous verrez : si Lyon a des résultats, ils arrêteront de l’emmerder par rapport à l’ASSE, à l’OM. En revanche, si ça ne marche pas, il est mort… Ce contexte me rappelle mon arrivée à Saint-Étienne, à une époque où il y avait moins de communication : les supporters se souvenaient que j’étais né à Marseille, que j’avais joué puis entraîné à Lyon. Mais finalement, les choses s’étaient arrangées.
Arriver dans un contexte si hostile, cela ne doit pas toujours être simple à vivre…Rudi, c’est un être humain. Je pense qu’il a pu être affecté. Quand il se retrouve seul avec lui-même, il doit y penser. Mais il a l’expérience. Il a entraîné l’AS Roma et l’OM, où les contextes sont difficiles. S’il a signé à Lyon, c’est qu’il savait où il allait. C’est un mec intelligent. Il va aussi falloir qu’il apprenne à travailler avec Jean-Michel Aulas. Ce n’est pas évident.
Il a tout de même pris du recul.Oui, mais il parle beaucoup, parfois trop. Il reste trop présent. Il a fait de Lyon un grand club, mais je peux vous assurer que ce n’est pas simple de bosser avec lui. Moi, j’étais déjà en place quand il est arrivé. Et rapidement, il voulait que je fasse jouer Eugène Kabongo. Je lui ai dit que c’est moi qui décidais qui jouait ou pas. Évidemment, peu de temps après, on perd un match, et il en profite pour me virer. Rudi va devoir composer avec le contexte lyonnais. Aulas, comme d’ailleurs presque tous les présidents, a une cour autour de lui, pour le conseiller, le rassurer, etc.
On parle aussi d’un vestiaire difficile…
Ça, Rudi sait faire. Mais le problème est ailleurs. On file des salaires de folie à des joueurs. Moi, ça ne me dérange pas, si les finances des clubs le permettent. Et si les exigences que l’on a vis-à-vis des joueurs sont à la hauteur du fric qu’on leur donne. Mais trop souvent, il y a un décalage d’autorité entre l’entraîneur et le président, et les joueurs l’ont compris. S’ils estiment que les entraînements sont trop durs, ils vont aller pleurnicher dans le bureau du président pour se plaindre. Or, quand un joueur touche un gros salaire, il est normal qu’en retour, il soit irréprochable dans son investissement, son hygiène de vie, etc. Et quand il arrive le matin à l’entraînement, il doit être au garde à vous ! Mais pour en revenir à Rudi, je pense qu’il va réussir, car non seulement il a les compétences, mais il dispose d’un bel effectif.
Vous l’avez pratiqué à Saint-Étienne. Quel genre d’adjoint était-il ?
Quand il est arrivé, c’était pour s’occuper de la préparation physique notamment. Mais j’ai assez vite compris qu’il me serait encore plus utile dans un rôle d’adjoint numéro 1. Car il s’intéressait beaucoup au contenu des séances, au management, aux compositions d’équipe. On voyait bien que c’était quelqu’un d’investi, de passionné. Il avait toutes les aptitudes pour gravir les échelons. Je me souviens qu’un jour, alors qu’il était mon adjoint, on s’apprêtait à recevoir Nancy, qui semblait vouloir adopter une stratégie très défensive. Deux mois plus tôt, l’ASSE avait recruté les Brésiliens Aloísio et Alex. Autant le premier s’était bien adapté, autant le second était catastrophique. Mais on sentait que c’était plus psychologique qu’autre chose. Et Rudi m’avait conseillé de prendre Alex dans le groupe et de le faire entrer si on était en difficulté.
Et ?On est mené 1-0 à la mi-temps, et je fais entrer Alex, qui fait basculer le match, grâce à sa vivacité. Rudi avait vu juste. Et à la fin, j’avais failli étrangler Alex. Je lui avais dit en rigolant : « Ça fait plus de deux mois que tu es là, on a perdu du temps, alors que tu es un bon joueur. » Garcia aura-t-il les mains libres à l’OL ? J’espère qu’il aura son mot à dire sur le recrutement. D’après ce que j’ai compris, ce n’est pas sûr. Moi, je ne comprends pas comment un entraîneur ne peut pas être impliqué dans le recrutement, et laisser le président et le directeur sportif s’en occuper. Le coach peut se retrouver avec des joueurs dont il ne souhaitait pas spécialement la venue, et ce n’est pas évident à gérer dans un groupe. Je ne sais pas comment ça va se passer pour lui à Lyon, mais connaissant le contexte, pas sûr qu’il ait souvent son mot à dire…
Propos recueillis par Alexis Billebault