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Nouvelle réforme du fair-play financier : tout change pour que rien ne change

Par Nicolas Kssis-Martov
Nouvelle réforme du fair-play financier : tout change pour que rien ne change

L’UEFA serait donc en train d’étudier une énième refonte de son dispositif vedette : le fair-play financier. Dernière raison invoquée évidemment, le mercato hors normes du PSG avec en point d’orgue l’arrivée de Lionel Messi. Mais loin de promouvoir l’équité sportive, la véritable raison d’être de ce système demeure de protéger les cadors du Vieux continent et les revenus qu’ils apportent à l’UEFA via la Ligue des champions.

On ne fait pas venir Messi, sans un minimum de garanties. C’est d’ailleurs ce qu’assurait Nasser Al-Khelaïfi lors de la présentation de l’ancien star barcelonaise, anticipant toutes les attaques à venir : « Si on signe Leo, c’est qu’on peut, sinon on ne l’aurait pas fait […] On s’est penché sur la question du fair-play financier, on a respecté les règles ». Le PSG se sait attendu au tournant, mais il semble que l’actuelle formule du fair-play financier, tout comme la DNCG au passage, lui a laissé toute la latitude pour s’offrir ce mercato cinq étoiles. Sauf qu’en retournant quelque peu la table, profitant d’un contexte international (le Covid-19, l’asséchement des transferts, etc.) ou local (les nouvelles contraintes sur la Liga), le club parisien a forcement fait grincer quelques dents. L’épisode de la Superligue est encore dans toutes les têtes et n’est, du moins sur le plan juridique, toujours pas terminé. Comme à tous les parvenus, on réclame un peu de savoir-vivre et de respecter des préséances… qu’est censé prévoir le fair-play financier.

Morale et hypocrisie

Parmi les voix qui se sont exprimées, une qui pèse, malgré son officielle retraite, le grand « moraliste » du football moderne, Karl-Heinz Rummenigge, qui a livré un verdict un peu aigri dans les colonnes de L’Équipe. Soupirant que « cette pandémie de coronavirus a encore davantage creusé le fossé sur le plan économique entre les clubs qui disposent d’un richissime propriétaire et ceux plus traditionnels », l’ancien dirigeant du Bayern a immédiatement apporté une solution : « Il faut donc adapter le fair-play financier avec des critères encore plus rigoureux. C’est une nécessité absolue. Le président de l’UEFA Aleksander Ceferin est du même avis. Nous avons besoin d’un retour à davantage de rationalité ». Suivi d’un avertissement sans frais pour le club parisien. « Nasser al-Khelaïfi est le nouveau président de l’ECA(l’Association des clubs européens)et il connaît parfaitement le règlement du FPF . Avec mes homologues, nous allons veiller à ce qu’il le respecte scrupuleusement. Avec cette fonction, il a un devoir d’exemplarité. Il faut revoir la version du fair-play financier. »

À l’image de toutes les formes de gentlemen agreement au sein du capitalisme mondialisé, le PSG paye surtout le fait d’être un nouveau riche. Sur le fond, les grands clubs européens n’ont jamais eu de scrupules par le passé à exploser leur endettement ou leurs enveloppes transferts, quitte à piller sans vergogne plus petits qu’eux. A écouter l’ancien attaquant allemand, l’ancienneté ou le statut traditionnel de certains clubs les épargnent de tout jugement. Max Weber, sociologue de L’Éthique protestante et l’Esprit du capitalisme en 1904 s’en amuserait beaucoup aujourd’hui…

Salary pas cap ?

L’UEFA a donc commencé à plancher sur une fameuse version 3 du fair-play financier, dont la grande innovation résiderait donc dans l’instauration d’un salary cap, ce dont a déjà pâtit finalement le Barça. Si rien de précis ne filtre, les 70% des revenus servirait de plafond de verre. Avec en cas d’infraction des amendes imposées aux contrevenants (ce qui donc accorde la possibilité aux mieux dotés de s’en affranchir en toute « légalité » ). En gros, ce gadget made in USA ne vise évidemment en rien à rééquilibrer le rapport de force entre le Big Four et le reste de l’Europe (dont la France, exception faite du PSG), sans parler des championnats de l’Est de l’Europe. Karl-Heinz Rummenigge l’avoue sans fard : « Ces réglementations sont censées stabiliser la concurrence et non la restreindre ». Comprenez que les choses sérieuses se gèrent toujours entre gens du même monde. Le salary cap n’a donc guère de chance de recomposer le carré final de la C1. En outre, pour mémoire, il fonctionne Outre-atlantique au sein de ligues fermées, dont les franchises sont astreintes aux mêmes réglementations nationales ou fiscales. La diversité de situation d’un pays à l’autre, même au sein de l’Union européenne (dont par exemple le Royaume Uni ne fait plus parti), risque encore davantage de réduire cette réforme à un ravalement de façade. Pour le reste, il faut que, comme le Prince de Salina le radotait dans Le Guépard, « tout change pour que rien ne change » .

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