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Nouveau look pour une nouvelle Berrichonne de Châteauroux
Après une année de recherche et le refus de deux premières offres, la Berrichonne de Châteauroux a décidé de changer de tête entre les fêtes et va prochainement voir le prince saoudien Abdullah bin Mosaad prendre le contrôle du club. Dans le même temps, Benoît Cauet a été nommé entraîneur, Jérôme Leroy est revenu pour assurer la transition sportive, et plusieurs historiques du staff ont perdu leur poste. Place à une page blanche.
C’est l’histoire d’un club qui ne pouvait « plus continuer comme ça », d’une place mythique du football français, puisqu’on parle de l’institution qui a disputé le plus de matchs en deuxième division dans l’histoire, en quête d’un nouveau souffle. C’est aussi le récit d’une longue quête : celle d’un investisseur pour écrire un nouveau chapitre dans l’histoire de la Berrichonne de Châteauroux. Au cours d’une assemblée générale de la SASP organisée à la fin de l’année 2019, suivie d’un entretien musclé donné au Berry Républicain, le président Thierry Schoen ouvrait ainsi les hostilités : « On ne peut plus continuer comme ça, sinon on court à la catastrophe car on est en danger économiquement. Il faut que l’on trouve un ou deux partenaires capables d’investir deux millions d’euros chaque année. On se doit de sécuriser le club. » Résultat, derrière, un chantier s’est ouvert : les dirigeants castelroussins ont reçu deux offres (l’une transmise par Ravy Truchot, PDG de Blackdivine et propriétaire du FC Miami City, du Thonon Évian Grand Genève FC et de la PSG Academy de Miami ; l’autre par Anton Zingarevich, ancien propriétaire de Reading), qui ont été refusées, et une guerre médiatique s’est enclenchée entre la grosse vingtaine d’actionnaires de la Berrichonne.
Puis, une lumière : au début du mois de décembre, une nouvelle offre est arrivée, et la poursuite des négociations a été approuvée à l’unanimité avant Noël par les actionnaires au cours d’une nouvelle assemblée générale de la SASP Berrichonne Football. L’identité de l’offrant n’est désormais plus un secret puisqu’il s’agit du prince saoudien Abdullah bin Mosaad, petit-fils du fondateur de l’Arabie saoudite moderne et propriétaire de plusieurs clubs (Sheffield United, le K Beerschot VA, un club en Inde, le Kerala United FC, et un autre à Dubaï, Al Hilal). Le projet est ici simple et d’époque : à l’image de ce qu’il se fait à Troyes avec le City Football Group, le prince Abdullah bin Mosaad souhaite construire, via sa société United World Group basée à Genève, une multinationale football. Tout sauf une surprise.
La Ligue 2, terre de satellites
Mais que fait Châteauroux dans cette histoire ? Bonne question, à laquelle il est facile de répondre : la Berrichonne n’avait pas le choix étant donné sa situation économique précaire et possède quelques atouts (une histoire, un centre de formation performant) malgré son actuel statut de lanterne rouge de Ligue 2. Grâce à la prise de contrôle prochaine d’Abdullah bin Mosaad, qui a fait fortune dans la fabrication et le recyclage du papier, le club va ainsi devenir une filiale du groupe United World Group sur un modèle similaire à celui créé par le groupe Pozzo entre Watford, l’Udinese et Grenade. Interrogé en février 2020 après le rachat d’Al-Hilal, le prince n’avait pas dit autre chose : « Notre groupe a l’ambition d’augmenter son périmètre à six ou sept clubs à travers le monde. » Grâce à ces multiples acquisitions, United World Group a une grosse centaine de joueurs sous contrat et cela pourrait notamment aider la tête d’affiche du groupe, Sheffield United, alors que le Brexit va limiter les transferts de joueurs étrangers. Pour la Ligue 2 et le football français, c’est aussi un message clair : les clubs pensionnaires de deuxième division ne sont aujourd’hui que des satellites ou des intermédiaires.
Reste désormais à savoir les contours exacts de l’arrivée du prince Abdullah bin Mosaad à Châteauroux. Première chose : sa prise de pouvoir prochaine ne fait désormais plus aucun doute, Thierry Schoen ayant expliqué il y a quelques jours que « l’acte de vente devrait intervenir dans le courant du mois de janvier », tout en ajoutant ceci : « Ma seule mission, aujourd’hui, c’est de transmettre le club. Le jour où j’y suis entré en tant que président, ma mission était de le reconstruire. Je ne serai jamais un président qui abandonne, je transmettrai à des gens qui seront en mesure de faire encore beaucoup mieux que moi, ce qui ne sera certainement pas très difficile. Nous voulons aboutir à ce processus de vente de manière à pouvoir donner, pour les saisons à venir, une ambition différente à la Berrichonne Football. Le sujet est là. » Deuxième chose : s’il était dans un premier temps évoqué une prise d’actionnariat à hauteur de 51%, Abdullah bin Mosaad pourrait finalement, selon La Nouvelle République, racheter deux tiers des actions afin de bénéficier de la majorité qualifiée et devrait procéder à une augmentation de capital à hauteur de 2 millions d’euros (somme qui correspond environ au déficit qui touche la Berrichonne chaque année). Troisième chose : ce changement de look ne pouvait se faire sans changement sportif.
« On va faire des choses simples »
Ainsi, les fêtes ont été agitées à Châteauroux, et un gros paquet de rumeurs a accompagné la recherche d’un successeur à Nicolas Usaï, arrivé en octobre 2018 et limogé mi-décembre, alors que la Berrichonne, dont Michel Denisot, qui a été au cœur des négociations, devrait redevenir président, n’a plus gagné depuis fin novembre et n’a remporté que trois rencontres sur dix-sept cette saison. Un homme a d’abord effectué son retour dans le Berry : Jérôme Leroy, qui avait quitté son poste de directeur sportif en avril 2020, et qui a été rappelé pour assurer la transition sportive et trouver un nouvel entraîneur alors que la Berrichonne possède déjà un directeur sportif (Aldo Angoula). Pour accompagner le changement de propriétaire, Leroy a cherché à taper fort et avait ciblé Luka Elsner comme cible numéro un. Si le technicien slovène ne s’est jamais rendu à Châteauroux, il a malgré tout discuté pendant plusieurs jours avec Jérôme Leroy avant un arrêt progressif des négociations. Finalement, à la surprise générale, Benoît Cauet a été installé sur le banc castelroussin vendredi dernier malgré son manque d’expérience au très haut niveau, ce qui peut paraître risqué quand on parle d’un club qui doit avant tout sauver sa peau. Plus surprenant, Cauet, proche de Leroy, a débarqué en conférence de presse sans totalement maîtriser son sujet et en peinant à énumérer plus de deux joueurs de l’effectif. « Les noms, je ne les ai pas tous », a alors soufflé celui qui a coaché l’US Concarneau entre janvier 2019 et février 2020, avant de se défendre : « Je n’ai peut-être pas une carrière d’entraîneur de dix ans derrière moi, mais j’ai un vécu de joueur important.(…)Ce qui m’intéresse, c’est le jeu, les joueurs, leurs qualités, qu’ils les mettent en avant le plus possible. C’est leur motivation qui va faire la différence à tous points de vue. On peut parler de schéma et de plein de choses, mais le vrai, c’est l’homme et le joueur qui va nous apporter quelque chose. »
Et le style, dans tout ça ? Réponse : « Mon style est surtout caractérisé par le travail. Il n’y a pas de magie dans les victoires. C’est un travail de précision : les joueurs doivent savoir ce qu’ils doivent faire sur le terrain dans toutes les situations possibles. » Un peu de mystère, donc, que la conférence de presse d’avant-match précédant le déplacement à Troyes, soit un immense morceau, mardi soir, n’a pas vraiment éclairci : « On a peu de temps, c’est pour ça qu’on va faire des choses simples. Les deux prochains matchs vont me servir aussi à mieux connaître mon effectif et savoir qu’elles sont les difficultés. Mon style ne viendra pas en deux semaines, il faut du temps et du travail. On va jouer beaucoup de matchs ce mois-ci, donc ça laisse encore peu de temps pour travailler ce qu’on veut mettre en place. On doit rester unis, solidaires, nous battre, avoir un comportement irréprochable… » Seule certitude : Cauet n’est pas arrivé seul à Châteauroux, mais avec Franck Mantaux comme adjoint et Rodolphe Roche, ancien gardien de la Berri, comme entraîneur des gardiens. D’anciens cadres du staff (Jérémy Sopalski, Olivier Saragaglia, Romaric Boch), qui étaient en fin de contrat, ont eux été éjectés du navire. Place donc à une page blanche et à la création d’une nouvelle « émulation », avant les grandes manœuvres d’un mercato hivernal annoncé agité. En joue, feu !
Par Maxime Brigand