D’où sort cette idée, un peu saugrenue, de vouloir monter un club pro en région parisienne, surtout avec l’ACBB, pas le plus connu des prétendants ?Mickaël Cabrol :
Le début de l’histoire est assez simple. Un groupe de passionnés de foot qui, lors d’une soirée se demandent, « bon, qu’est-ce qu’on ferait si on gagnait , disons, 100 millions d’euros ? » Nous nous sommes tous dit qu’on rachèterait un club. Ensuite, nous sommes très vite revenus à la réalité de nos comptes en banque. En revanche, ils nous est apparu beaucoup plus raisonnable de reprendre un club qui évolue en DHR et de le faire ensuite monter en puissance.
Vous n’avez pas une grosse expérience du monde du foot, qui est quand même assez spécifique. Cela ne constitue pas un handicap trop lourd en soi ?
Mathieu Rostamkolaei : Au contraire, je pense que nous avons les compétences pour faire progresser un club de foot. Et l’ACBB possède, pour parler le langage de l’entreprise, une base saine. Il est l’un des plus gros clubs amateurs de la région parisienne avec 1500 licenciés, avec une école de foot dans le top 10, sans parler de sa formation réputée, et en outre des dirigeants vraiment intègres… Des atouts vraiment énormes si tu y rajoutes du professionnalisme.
MC : Nous avons tous été des joueurs amateurs et nous sommes tous restés des grands fans de foot. Et comme vient de le rappeler Mathieu, à titre personnel, nous sommes aussi des entrepreneurs. Nous avons monté des sociétés qui ont bien marché. Ce sont ces compétences qu’il s’agit de mettre au service du club.
Pour en revenir à l’ACBB, comment y êtes-vous entrés ? Et comment les dirigeants en place vous ont-ils accueilli, avec leur tradition associative ?
MC : Effectivement, c’est encore une association loi 1901, il faudra attendre le statut pro pour passer à une SAOS. Nous sommes donc rentrés dans son bureau. Au départ, nous sommes allés voir plusieurs clubs, et c’est avec l’ACBB que cela a le mieux « matché » . Ils ont écouté et adhéré à notre discours. Ils ont été sensibles à notre ambition de rejoindre l’élite du foot français. L’équipe dirigeante, qui est en place depuis vingt, trente ans, a conscience qu’il fallait une nouvelle génération. Et je pense qu’ils apprécient qu’on s’implique beaucoup.
Justement ce projet de rejoindre à terme la L1 renvoie au sempiternel rêve d’un second club parisien. Beaucoup se sont néanmoins cassé les dents en s’y essayant. D’autres clubs « historiques » n’y arrivent pas, cela ne vous effraie pas un peu ?
MC : Actuellement, nous sommes en CFA2 et en tête. Pour résumer, oui, cela nous semble possible, et surtout, nous sommes convaincus qu’en fait, il existe largement la place pour un troisième, voire un quatrième club francilien. Nous avons bien conscience que le Red Star ou le Paris FC sont en avance sur nous et tant mieux pour eux. Je ne le soulignerai jamais assez, mais l’ACBB a d’incroyables avantages, dont sa dimension de club formateur. Il dispose aussi de l’écosystème des Hauts-de-Seine. Ce département demeure quand même le deuxième, derrière Paris, en terme de sièges sociaux en IDF.
MR : Ce qui manque à beaucoup, c’est la capacité de se développer. Nous voulons énormément travailler sur le marketing, valoriser la capacité de l’ACBB à faire passer des messages. Ce qu’on vend aujourd’hui, c’est un projet et des valeurs. Nous ne voulons pas chercher des soutiens extérieurs, nous misons sur les sponsors locaux. Des acteurs économiques qui seront réceptifs aux valeurs du club : la combativité, le travail, etc… Nous désirons aussi nous appuyer sur le vivier des joueurs franciliens, mettre en avant cet ancrage local pour identifier le club. Nous savons malgré tout que nous partons de loin.
En vous écoutant, il s’agit presque d’un « contre-PSG » ?
MR : Du tout. Sur les quatre, nous sommes trois abonnés au Parc. Nous n’avons absolument rien contre le PSG. Mais notre vision se situe aux antipodes de celle des Qataris. Actuellement, le PSG n’utilise absolument pas l’incroyable mine de talents qui se trouve en région parisienne. Or nous avons l’ambition au contraire de nous en servir pour gagner et rassembler des sponsors locaux autour de ce projet.MC : Tout cela peut sembler un peu fou. Toutefois, quand nous avions monté nos boîtes, personne ne croyait que nous pourrions atteindre une chiffre d’affaire de 20 millions. Et pourtant, nous avons réussi.
Cependant, à la différence du monde de l’entreprise, le foot reste, certes de plus en plus à la marge, à la merci de l’aléa sportif ?
MR : L’aléa sportif, c’est exactement pour cela qu’on s’investit dans l’ACBB. Dans notre taf, si nous faisons bien les choses, normalement et automatiquement, ça paie. Dans le foot, il est possible d’avoir recruté au mieux, de s’être entraîné comme des fous, et au final, tu perds le match pour un tir sur le poteau. Et tu ne peux rien y faire… Finalement, tu y ressens plus d’excitation et d’adrénaline qu’ailleurs… On y redevient des gamins.
MC : Toutefois, globalement, si tu prends les grands clubs européens, tu retrouves quand même les mieux financés, les plus costauds économiquement, les mieux structurés, etc. Nous sommes convaincus que, même si effectivement il existe une dimension aléatoire dans le foot, avec de la maîtrise et du sérieux, tu peux bâtir sur du long terme.
L’autre facette du problème du second club parisien tient à l’engouement populaire. Quand on se souvient du temps nécessaire au PSG pour se trouver et gagner un public, aussi bien en tribune qu’en dehors, le boulot semble pharaonique pour l’ACBB ?
MC : Les supporters, l’engouement, l’attrait viendront quand les résultats tomberont, quand on montera les divisions. Quand on songe à Auxerre et ses 200 gars dans le stade en DHR, et ce qu’ils sont devenus par la suite, de quelle manière ils ont réussi à fédérer une ville et même toute une région… MF : C’est compliqué. Il faut de l’animation, des animations, que les gens puissent venir en famille et en sécurité, qu’ils sentent que cette équipe les représentent, représentent des valeurs. L’ambiance est surtout au rendez-vous quand le public a l’impression que les joueurs se donnent à fond, peu importe le résultat, pour le club. Et c’est pour l’instant le cas.
Et après, en cas de succès sur le terrain, il faudra aussi tenir compte de la DNCG et des conditions qu’elle pose pour accéder en National, en L2 et évidemment en L1. Tout le monde garde en tête l’affaire Luzenac.
MF : Si nous devions encore monter à la fin de la saison, idéalement, nous aimerions rester à Boulogne. Maintenant, notre stade est en travaux. Et il est fort possible qu’il ne soit pas homologué pour le National. Il faudra trouver une solution avec la mairie.MC : Pour ce qui concerne le financement du club, nous comptons sur les partenaires privés locaux et également nous allons lancer un crowfunding. Le premier en France pour ce type de projet. Nous sommes certains que cela permettra de lever des fonds non-négligeables.
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